Les identités meurtrières
Un quart de siècle après sa publication, Les identités meurtrières de Maalouf est plus que jamais actuel. Contrairement au souhait de l'auteur, la fragmentation identitaire augmente dans une société qui s'homogénéise en privilégiant un passé idéalisé à la réalité présente.
Ce sont ces blessures qui déterminent, à chaque étape de la vie, l'attitude des hommes à l'égard de leurs appartenances, et la hiérarchie entre celles-ci. Lorsqu'on a été brimé à cause de sa religion, lorsqu'on a été humilié ou raillé à cause de sa peau, ou de son accent, ou de ses habits rapiécés, on ne l'oubliera pas. J'ai constamment insisté jusqu'ici sur le fait que l'identité est faite de multiples appartenances; mais il est indispensable d'insister tout autant sur le fait qu'elle est une, et que nous la vivons comme un tout. L'identité d'une personne n'est pas une juxtaposition d'appartenances autonomes, ce n'est pas un « patchwork », c'est un dessin sur une peau tendue; qu'une seule appartenance soit touchée, et c'est toute la personne qui vibre.
[…] Au sein de chaque communauté blessée apparaissent naturellement des meneurs. Enragés ou calculateurs, ils tiennent les propos jusqu'au-boutistes qui mettent du baume sur les blessures.p. 36

Frozen River
Elsa Duperray pour Le Temps
Fiche du cercle d'études
Internet Movie Database
Rezo films

Sokcho l'hiver
Comment se définit véritablement l'identité d'une personne ? Est-ce par la langue que nous parlons ou par notre héritage culturel ? Pour Soo-Ha, élevée en Corée par sa mère, son père français reste un mystère, une absence obsédante qui influence la façon dont elle se perçoit. Un vide qu'elle tentera de combler du mieux qu'elle peut, souvent au détriment de son bien- être physique et mental. Ce socle manquant à la moitié de ses origines interroge sur l'importance de l'héritage dans la construction de sa propre identité.
Koya Kamura
dossier de presse
Alors que Jay sillonne Tokyo à la recherche de sa fille dans Une part manquante, la narratrice d'Elisa Shua Dusapin, Soo-Ha, cherche à combler l'absence de son père. Deux approches, en apparence symétriques, des liens de filiation, mais aussi recherche d'une identité qui diffère d'un individu à l'autre.
Stéphane Gobbo pour Le Temps
Site du distributeur
Internet Movie Database
La dernière chance
Si des fugitifs entraient dans le pays malgré les quotas, c’était grâce au courage individuel et à l’initiative de personnes comme le premier lieutenant dans le film, qui interrompt la séance à Berne et fait entendre sa voix en faveur des malheureux. Si nous avions falsifié ces faits à l’écran, comme le gouvernement l’aurait souhaité, le film aurait été hué à l’étranger.
Leonard Lindtberg, en 1974
Interview accordé à Henri Dumont
cité par la Cinémathèque suisse
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L'homme qui a vendu sa peau
Ce film est la rencontre entre deux mondes qui m’interpellent: le monde de l’art contemporain et le monde des réfugiés. Ce sont deux mondes compartimentés régis par des codes complètement différents. D’une part, nous avons un monde établi, élitiste, où la liberté est le maître mot, et d’autre part, nous avons un monde de survie, influencé par l’actualité, où l’absence de choix est la préoccupation quotidienne des réfugiés. Le contraste entre ces deux mondes suscite une réflexion sur la liberté.
Kaouther Ben Hania
dossier de presse
Fiche du cercle d'études
Antoine Duplan pour Le Temps
Internet Movie Database
Trigon-film

La pirogue
Site du distributeur
Internet Movie Database
Fiche du cercle d'études cinématographiques

Prisonniers du destin
Le réalisateur tient à souligner le regard spécifique de son film : il ne s'agit pas d'une enquête journalistique, mais d'un travail d'ethnographe mené dans les centres fédéraux pour requérants d'asile de la région zurichoise. Lui-même réfugié d'origine iranienne, arrivé au début des années 1980, il a partagé les expériences de ses protagonistes sur plusieurs années. Grâce à la confiance créée, il a pu a réunir 270 heures de rushes et restituer l'humanité de chacun des requérants.
En présentant ces parcours individuels, Mehdi Sahebi parvient à renverser la métaphore d'une vague qui menacerait nous submerger. L'arrivée de migrants – notamment afghans et iraniens – influence, certes, nos institutions, mais l'impact de ce déracinement, amplifié par la complexité et la longueur des procédures, est bien plus grand sur les individus. Une déstabilisation qui retarde le processus d'intégration plus qu'il ne fait obstacle à la migration.
Je sais de ma propre expérience que la migration vers un nouveau pays provoque une rupture radicale dans la vie des gens. Cela les rend anonymes, solitaires et sans voix, surtout dans les premiers mois et les premières années après leur arrivée. Parallèlement, il s'agit d'une phase au cours de laquelle les gens se plongent au coeur d’eux-mêmes et ont le temps de réfléchir à leur passé, à leur famille, à leur propre culture et personnalité.
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Le site dédié
Le site du distributeur
Norbert Creutz pour Le Temps

Préférence nationale
Ce mode d’expression a des exigences. Pour l’auteur, une écriture, une réflexion, un ton. Pour le lecteur, trente minutes d’attention, au lieu de deux ou trois. Pour le format, moins qu’un livre ; plus qu’un article ou un édito. Polémique, s’il le faut, mais sans attaque ad hominen.
Les autrices et auteurs des Tracts assument une pensée située. Ils et elles la mettent en contexte comme Gérard Noiriel s'agissant de la préférence nationale. L'analyse de l'historien coïncide avec celle de Louis Imbert quant à l'origine de l'instrumentalisation de l'immigré au dernier quart du XIXe s.. L'auteur
souligne que ce qui est considéré comme un « problème » n'est pas corrélé avec les chiffres de la population étrangère, mais davantage avec le climat social.
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Mère
Lire plus…Il ne peut pas travailler ils nous donnent juste le droit d'envoyer les enfants dans les écoles / C'est pour ça on ne peut pas s'éterniser quoi qu'il arrive il faudra qu'on rentre au Liban / Espérons ma sœur / On court après le retour / Comme une épice sur laquelle on n'arrive pas à mettre la main et sans laquelle tout devient fade
p. 35
Dissident Club
La curiosité serait un vilain défaut, mais pour Taha Siddiqui c'est un devoir qu'il a mené au péril de sa vie.
Né dans une famille pakistanaise à Djeddah, Arabie saoudite, il a bravé les interdits familiaux pour s'engager pleinement dans le journalisme jusqu'à ce que sa ténacité provoque un tel agacement que l'armée a concrétisé ses menaces.
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Re-Orientations
Kunsthaus Zürich
Avec la guerre qui se prolonge dans les marges de l'Europe la question de notre identité spécifique se pose en termes stratégiques. L'agresseur prétend agir pour défendre les plus précieuses valeurs européennes alors que, sans le soutien des États-Unis, les moyens de l'autre camp seraient dérisoires. La constance à se distinguer des autres influencent fortement la politique intérieure de chaque pays comme le montrent les divergences irréductibles sur la politique migratoire de l'Union européenne. Un affrontement particulièrement vif dès qu'il est question d'islam.
L'exposition montre l'existence d'une trame culturelle commune, conséquence de flux continus en particulier dans les régions du bassin méditerranéen.
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Stern 111
Certains événements dont nous sommes témoins infléchissent le cours de l'histoire ; leur véritable impact ne se révèle pourtant que longtemps après leur survenue.Ce qui intéressait Carl, c'était la réussite du prochain vers, c'était ce vers et sa sonorité, non le naufrage du pays sous ses fenêtres. Si le poème était un échec, la vie était un échec.
p. 291
Stern 111, paru 30 ans après la Chute du Mur, traduit parfaitement l'instabilité induite par die Wende. Lutz Seiler, en documentant avec précision l'environnement de l'Oranienburger Strasse 20 à la fin des années 1980, montre le passage de la grisaille à la lumière du quartier Mitte–Prenzlauer Berg devenu emblématique de Berlin.
Il regardait fixement la chaussée. À droite et à gauche, les collines de la Thuringe. Les parents quittaient la maison familiale - en cet instant, une telle phrase était aussi triste qu'étrange. Autrefois, pensa Carl, partir était réservé aux enfants. C'était eux qui partaient découvrir le monde, pas les parents. Après quoi, les parents se faisaient du souci pour leurs enfants, et ainsi de suite.
p. 31

Immigration, une crise ?
L'essai synthétique de Louis Imbert rappelle l'historique de la question des étrangers dans le politique française et plus généralement européenne. Les variations d'un vocabulaire toujours acéré sont liées au contexte économique. Plus précisément, les critiques les plus virulentes sont assourdies lorsque tous les bras comptent.
Si la France est un cas d'étude édifiant, la rhétorique d'invasion et de crise n'est pas une exception française. Elle s'est enracinée sous toutes ses formes à travers l'Europe et au-delà. Nombre de leaders populistes s'en sont emparés pour agiter les peurs et conquérir le pouvoir.
p. 72
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So Many Dreams
Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne
Site de l'artiste
Site du musée
Eléonore Sulser pour Le Temps
Florence Grivel pour RTS-culture

Le lait de l'oranger
Le récit autobiographique de l'avocate Gisèle Halimi fait écho aux polémiques de notre ère postcoloniale.Je n'aimais pas le lait et je détestais la contrainte. Mais je croyais juste de l'imposer à l'[oranger] qui m'était si cher.
La vie entre les gens, l'histoire entre les peuples sont faites de ces contradictions. Se font à travers ces contradictions.p. 95
Naître en Tunisie en 1927, femme séfarade prédestine à une vie dans l'ombre. Une éducation française crée le paradoxe. Les valeurs sur lesquelles se fondent la République sont en contradiction avec le contrôle de la population maghrébine.
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L'Arabe disparu

Bien qu'il se soit mis à l'écart en raison de son hostilité irrémédiable à la France – et à l'Occident –, le père reste omniprésent dans l'esprit du jeune Riad. L'effacement progressif du rouge paternel oppressant résulte de l'émancipation de l'auteur rendue possible par les rencontres qu'il a provoquées. En enlevant Fadi, le frère de Riad, celui qui se voyait comme «l'Arabe du futur» a lié leurs destins en les opposant systématiquement. Ils n'ont pu se libérer de cette emprise que lorsqu'ils ont pu considérer ce qui les unissait.
Site de l'éditeur
Antoine Duplan pour Le Temps
Philippe Revaz pour RTS-culture
Autres traces de l'Arabe futur : 1978-1984, 1984-1987, 1987-1994
Helvécia
Musée d'ethnographie, Genève
Le photographe Dom Smaz et la journaliste Milena Machado Neves présentent quelques portraits de descendants d'esclaves de la colonie germano-suisse de Leopoldina – devenue Hélvecia – située dans la province de Bahia au Brésil. Le modèle économique sur lequel elle s'était développée n'ayant pas survécu à l'abolition, les propriétaires ont abandonné le territoire aux anciens captifs.
Aux portraits très construits de Dom Smaz répondent des extraits d'interviews qui révèlent une relative ignorance de ce passé, même si le statut de quilombo est une reconnaissance officielle de l'esclavage.
Site de l'exposition
Rafael Wolf pour RTS-culture
Eric Tariant, Anne Wyrsch pour Le Temps
Camus, l'art de la révolte
L'attitude au mieux est inconsciente, mais ça ne change rien à l'état de fait. Lorsqu'un pays est aveugle à une partie de lui-même depuis trop longtemps, il devient urgent de magnifier, vital de rassembler.
p. 113
La lecture de L'étranger de Camus dans le cadre scolaire a permis à l'auteur de s'arracher à son milieu. L'auteur lui inspire la fidélité à son milieu, celui des cités de Strasbourg, en en devenant le porte-voix. Lire plus…
Réfugiés
Site de l'éditeur
Un voyage infiltré
Lorsque Matthieu Aikins, correspondant pour divers journaux et magazines, décide de quitter l'Afghanistan en 2016, Omar, son chauffeur et interprète pendant huit années, envisage déjà l'exil. Le jeune Afghan n'a pas pu réunir les documents qui lui permettraient d'obtenir un visa officiel eu égard aux services rendus aux Occidentaux. Il ne lui reste alors que la voie de migration “ordinaire”« celle qui l'expose aux abus. Matthieu Atkins se détermine alors à accompagner celui qui est devenu un ami sur le même chemin.
À quel moment un migrant devient-il un réfugié ? Comme ses frères, Haniya voulait rejoindre l'Ouest dans l'espoir d'une vie meilleure. Elle avait perdu tout espoir pour son propre pays où la guerre s'intensifiait à mesure que les talibans multipliaient les offensives contre le gouvernement […] Les femmes afghanes étaient confrontées à des violences supplémentaires […] Une Afghane célibataire comme Haniya avait de bonnes chances d'obtenir l'asile si elle le demandait en Europe ou au Canada. Mais elle n’avait aucun moyen légal de rejoindre ces pays. Un véritable cordon constitué de visas et de restrictions sur les vols visait à l’exclure, elle et les autres réfugiés. Cette situation délibérément kafkaïenne pour les réfugiés […] est l'héritière des mesures prises pour refouler les Juifs qui fuyaient l'Allemagne nazie, et elle fait en sorte que plus une personne est susceptible de demander l'asile en Occident, moins elle aura de chances de pouvoir embarquer sur un vol qui l'y mènera.
p. 59-60
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Une chambre en exil
Arrivé en France il y a dix ans, âgé alors de vingt-cinq ans, Omar Youssef Souleimane a acquis une belle maîtrise d'une langue qu'il n'a pas dans sa poche. La migration est un déchirement et le parcours en vue d'acquérir son indépendance est semé d'embûches. Des obstacles qui renvoient l'étranger à son statut et qui l'engluent dans les marges de la société.Se plaindre fait partie de la culture française. Un étranger venu du Moyen-Orient remarque cette façon de réagir. Pour lui, ce penchant pour le malheur n'a pas de sens, simplement parce qu'il a connu une autre vie, celle d'un pays sans Sécurité sociale, sans liberté d'expression, sans démocratie. En effet, pour savoir à quel point on vit bien en France, il suffit de vivre ailleurs.
p. 57-58
Lire plus…Suis-je en état de comprendre leurs vies normales de gens normaux ?
Je suis comme eux, on parle la même langue, on respire le même air, et je suis prêt à lutter pour l'avenir de ce pays. Rien ne me sépare de ces citoyens nés en France, à part une épine dans le cœur, qui s'appelle : réfugié.p. 110
L'étranger qui vient
Les incohérences qui caractérisent la politique migratoire sont saisissantes. Parmi les états les plus engagés dans l’accueil des Ukrainiens fuyant leur pays en guerre se trouvent de farouches opposants aux migrants de 2015. De même, alors que toute révision législative qui tend à limiter l’immigration par des contraintes administratives est approuvée, la relative lenteur à enregistrer l’arrivée de ces réfugiés est l'objet de critiques.
Cette disparité interroge : bien que l'urgence de la situation soit indéniable, il est difficile de nier le dénuement d’autres arrivants en Europe occidentale.
Toute l'histoire de l'hospitalité montre que, progressivement, la prise en charge – familiale, communautaire, communale – des fonctions de l'hospitalité s'est éloignée de la société pour être déléguée et en même temps diluée dans les charges de l'État. Elle a été remplacée par les droits de l'asile et du réfugié. Puis ces droits eux-mêmes ont été dilués dans les politiques de contrôle des frontières, des territoires et des circulations. Au point qu'on ne les reconnaît plus aujourd'hui, tant ils sont éloignés d'un principe général d'hospitalité.
p. 10-11
Lire plus…
Jean-Marc Falconnet – Charles Copaver
oublier [ses origines] c’est se priver d’une partie de soi-même
Jean-Marc Falconnet
Découvrant tardivement ses noms de naissance et la réalité de son origine guadeloupéenne, Falconnet/Copaver se lance dans la photographie en autodidacte. Sa série self illustre une quête de soi, jusqu'à l'intime.
Le site de la galerie
Site du photographe
Laetitia Wider, Jon Björgvinsson pour la RTS
Stéphane Gobbo pour Le Temps
Le silence d'Isra
Américaine d'origine palestinienne, Etaf Rum, connait la situation des femmes musulmanes de New York. Son roman, autour de trois générations de établies à Brooklyn, offre une perspective qui tranche avec la tendance française à se focaliser sur la religion islamique. Il souligne ainsi la richesse que représente les différents points de vue pour la compréhension des phénomènes sociétaux.
Lire plus…« Ce n'est pas parce que tu es née ici que tu es américaine. Tant que tu vivras au sein de cette famille, tu ne seras jamais américaine. »
p. 316
Losanna, Svizzera
150 ans d'immigration italienne à Lausanne

Les migrations influencent aussi la politique intérieure suisse avec l'exacerbation de la xénophobie qui conduit aux initiatives contre l'emprise étrangère sous l'impulsion de James Schwarzenbach.
Lire plus…
Un si beau diplôme !
Récit d'exils, Un si beau diplôme ! trace le parcours migratoire de Scholastique Mukasonga. « T U T S I » figurant sur leurs papiers d'identité, sa famille subit les conséquences d'une politique coloniale qui avait clivé la société sur des bases ethniques : exode intérieur dans les années 1960, fuite au Burundi en 1973, massacre en 1994.
Lire plus…La lente cuisson des aliments sur les braises du charbon de bois donnait le temps aux chants et aux danses. Sans perdre des yeux leurs marmites, les femmes s'installaient le plus confortablement qu'elles le pouvaient sur les cartons qui remplaçaient les nattes traditionnelles. C'était le moment attendu qui transportait les exilés au pays perdu : au fond de l'impasse, les cases miséreuses semblaient s'effacer pour laisser place, comme pour un décor de théâtre, aux collines chéries du Rwanda. Tel était le pouvoir du chant et de la danse qui, seuls, pouvaient ménager dans les tourments de l'exil une trêve d'insouciance.
p. 73
Arabe en France
Fatma Bouvet de la Maisonneuve se qualifie de bavarde. Son écrit, proche de l'oral, s'en ressent et atténue la portée de son propos. Psychiatre, arrivée en France pour sa spécialisation en addictologie, cette Tunisienne découvre une société plus complexe qu'escompté. Mariée à un Français, elle fait part de ses observations pour essayer de réduire les fractures qui s'instaurent entre «communautés». Lire plus…
Checkpoint
Cette présentation d'œuvres réalisées dans le cadre d'ateliers avec des migrants permet de revisiter sa géographie, de réaliser l'importance de l'image de soi et de mesurer le pouvoir symbolique des objets…
Site de la Ferme des Tilleuls
Katarina Gornik pour Le Temps
«Ennemis mortels»
L'histoire coloniale de la France et le défi que représente, dès le XIXe s., une forte population musulmane dans l'Empire sont au cœur de l'essai de La Cour Grandmaison. Ce sujet d'étude le confine probablement dans le camp des «islamogauchistes» (voir CNRS). Ce livre permet pourtant de comprendre que le soupçon posé sur les populations musulmanes dans leur ensemble n'est pas conséquence de l'attaque d'islamistes du 11 septembre 2001 sur les États-Unis et des répliques sauvages qui ont suivi et visé les Occidentaux.
Lire plus…Sauvages, les musulmans ? Non, barbares. À la différence du « Noir » qui, réputé sans histoire, sans civilisation et sans religion propre, est relégué au plus bas de la hiérarchie du genre humain, les sectateurs de Mahomet jouissent des unes et des autres. Aussi occupent-ils une position intermédiaire : supérieure au premier mais inférieure à l'Européen, estiment beaucoup de contemporains. Altérisés de façon radicale, c'est-à-dire anéantis en tant que semblables égaux en droit comme en dignité, puis infériorisés, les musulmans se voient imputer une dangerosité polymorphe d'autant plus inquiétante qu'elle affecte, à cause de cela, tous les registres de la vie.
p. 25
Anatomie d'une décision
Les premiers traits d'Anna Szücs dépeignent la routine à Zalaegerszeg, ville de province hongroise. La juxtaposition des mots donne une coloration naïve à ce décor. Les échos qui proviennent de Budapest en cet automne 1956 vont en s'amplifiant. La quiétude devient rapidement tension.

Rue Kossuth Lajos, Budapest 1956
Lire plus…Sous le ciel des hommes
En évoluant sous le ciel hivernal d'un petit pays, synthèse de Suisse et de Luxembourg, des femmes et des hommes en tissent la complexité.
Lire plus…Oui, je pensais d'une part à cette obsolescence de l'homme, à la monstruosité et à la bizarrerie, au fond, d'un modèle de société humaine où l'humain est de trop sauf en tant que consommateur
p. 305
La pensée blanche
De son passé de footballeur Lilian Thuram a conservé une notoriété qui l'expose. Sa carrière sportive dans l'équipe dite Black, Blanc, Beurs, victorieuse aux Championnats du monde 1998, une qualification utilisée pour défendre une image de la France multiethnique tranche avec la nécessité de son engagement antiraciste. Par le biais d'une Fondation à son nom, le footballeur est un ardent militant de l'égalité des chances.
Comme de nombreux Français ultramarins, Thuram a découvert sa couleur de peau en arrivant en métropole. Cette prise de conscience, pour lui à 9 ans, a été douloureuse. Les témoignages des Français des territoires d'outremer qui découvrent la métropole convergent : leur couleur de peau en fait des étrangers. À l'inconfort d'un environnement peu familier s'ajoute le sentiment d'être considéré comme de citoyens de seconde zone.
Lire plus…Cette idée commune et perverse de Jules Ferry nous colonisons, par devoir, des peuples qui devraient nous en remercier fait consensus. Elle est enseignée dès l'enfance [...]
p. 99
Mourir, partir, revenir

Lire plus…Peu importe qui était Florian.
Dans un pays où le programme d'histoire dans les livres scolaires s'arrête,
comme les souvenirs de ma grand-mère,
le 13 avril 1975, il a contribué à transmettre un fragment de notre mémoire.p. 209
Histoire de l'amour
Il y a le génocide des Juifs en Europe et ses conséquences incalculables dans la vie de chaque survivant. Cette violence a pulvérisé les relations familiales et sociales de millions d'individus. Comme celles des protagonistes du roman de Nicole Krauss qui, de Slonim, entre Pologne et Biélorussie, se sont retrouvés en Israël, au Chili ou à New York.
Alma est la petite-fille de l'un de ces rescapés. Elle et Bird, son frère, font face à un autre traumatisme, la mort du père dans leur petite enfance. Les tentatives d'Alma de trouver un amoureux à sa mère font écho aux luttes des autres personnages pour que la vie soit davantage que de la survie.
L'écriture est le support de leur résilience : les mots d'enfants d'Alma et de Bird, les traductions de leur mère et ces feuillets qui s'accumulent dans d'épaisses enveloppes. Ces divers textes s'insèrent dans le roman de Krauss en dévoilant les fragilités des personnages. Les diverses références à “L'histoire de l'amour” nous indiquent que les liens entre eux sont beaucoup plus resserrés que les seules origines juive et polonaise communes.
Ce livre aborde la problématique du deuil en la différenciant de celle de la transmission des traumatismes liés aux tragédies humaines collectives. Dans une intention que je ne décode pas, l'autrice parsème son texte de scories, ponctuations légères ou informations sévères, qui détournent la tension du texte vers le mélodrame.Le fait qu’elle reste toute la journée à la maison en pyjama à traduire des livres de gens pour la plupart morts ne risquait pas de beaucoup arranger les choses. Il lui arrivait parfois de s'arrêter sur une phrase particulière pendant des heures et de parcourir la maison comme un chien avec un os jusqu'à ce qu’elle glapisse : « ÇA Y EST, JE L’Al !» et elle se précipitait dans son bureau pour creuser un trou et l’enterrer.
p. 95-96
Une mouche atterrit sur son pénis ratatiné. Il marmonna quelques mots. Et comme ça lui faisait du bien de marmonner, il marmonna un peu plus.
p. 302
Site de l'éditeur
André Clavel pour Le Temps
Trailer du film dérivé
Une rose seule
Muriel Barbery nous emmène à la découverte du Japon avec Rose. Dans un roman qui aborde le thème de l'abandon paternel comme Mizubayashi dans son Âme brisée. Ce choix permet à ces deux auteurs, qui se sont immergés dans une autre culture, de tisser des liens entre ces univers distincts. Ces approches communes incitent à les comparer.
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Âme brisée
En jetant des passerelles entre des mondes disjoints Akira Mizubayashi affirme son attachement à des valeurs universelles et intemporelles. La communication entre ces univers distants se fait sur divers modes.
Pour l'auteur japonais, résidant à Tokyo, et écrivain francophone la musique classique serait un élément résonnant par delà les cultures puisque la mélancolie profonde d'un quatuor de Schubert fait non seulement vibrer les étudiants qui le répètent, mais imprègne profondément les protagonistes du roman.
Le thème que je vais jouer est d’après moi l’expression de la nostalgie pour le monde d’autrefois qui se confond avec l'enfance peut-être, un monde en tout cas paisible et serein, plus harmonieux que celui d’aujourd’hui dans sa laideur et sa violence. En revanche, j’entends le motif présenté par l’alto et le violoncelle «tâ... takatakata……, tâ.…. takatakata..…… » comme la présence obstinée de la menace prête à envahir la vie apparemment sans trouble. La mélodie introduite par Kang-san traduit l’angoissante tristesse qui gît au fond de notre cœur...
p. 34
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L'odyssée d'Hakim

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Récits d'Helvétie
Le recueil de nouvelles de l'écrivain helvético-tunisien, professeur de français dans le Canton de Vaud, est un pont entre deux mondes. Rafik Ben Salah décrit sa patrie d'adoption avec un détachement ironique, alors qu'une forme de nostalgie se dégage quand il est question de son pays d'origine.
Son écriture se décline dans un champ large, allant d'un lexique soutenu, voire précieux à des expressions régionales typées. Sensible à la musique de la langue, il joue volontiers avec les accords sonores. Ces jeux de langage masquent cependant un rapport complexe à la migration : malgré son statut social, il est toujours perçu comme étrange(r).
Au sortir de ce repas, j'avais le cœur crevassé. Je dis à ma compagne que je n'envisageais plus de rendre visite à ses parents. Parce que, comprenait-on ou ne comprenait-on pas, j'avais besoin d’un conseil paternel, pas d'un garagiste, moi, hein !
J'ai mis du temps à comprendre que c'était mon affaire et je remercie qu’on ne pas dit: c’est ton problème, comme il se dit trop souvent aujourd’hui. Je crois que j'eusse rompu bruyamment avec mes hôtes dont j’appris à connaître la faste générosité. Dans la société où je suis né, l'identité individuelle est encore en gestation. L'on mettra encore longtemps pour passer du Nous au Je, en dépit du Printemps qualifié d’arabe.p. 23-24
Interview à la RTS du 21.12.2019
Petit Pays, le film
[Le] film m’a rappelé une certaine réalité de la situation dans laquelle je me trouvais : tous les jours amenaient son lot d’angoisses avec le bruit de la guerre qui devient comme une musique de fond.
Gaël Faye
Dossier de presse
Le film d'Eric Barbier est une adaptation fidèle du roman Petit pays de Gaël Faye, même si l'écrivain a été surpris par la violence des images générées par son livre. Fruit d'une collaboration intense entre le réalisateur et Gaël Faye, cette production est avant tout une histoire d'enfance : pour Gaby, le désaccord entre ses parents est plus prégnant que la guerre au Rwanda. Le génocide, vécu à distance à Bujumbura, n'est jamais visible mais il s'insinue sournoisement dans son quotidien.
L'auteur tient à relever qu'en raison de la rareté des archives sur la vie au Rwanda et au Burundi dans les années 1990, le film a une dimension documentaire amplifiée par l'apport des acteurs non professionnels locaux.
Arnaud Robert pour Le Temps
Dossier de presse
Internet Movie Database
Kader Attia
The Scream – Krankheitsmaske,Buch und Regal, 2016
Kader Attia, Remembering the FutureArtiste français d'origine algérienne, né en 1970, Kader Attia est habitué des espaces interculturels. Pendant son enfance, il fait de fréquents allers-retours entre la banlieue de Paris et l'Algérie. Il partage aujourd'hui son temps entre Berlin, Paris et Alger. Il a aussi vécu au Congo et en Amérique du Sud. Ces diverses expériences nourrissent une œuvre qui interroge la diversité culturelle et, en particulier, la manière dont l'Europe traite son passé colonial.
L'exposition présente divers espaces qui invitent au questionnement.

Le livre des départs
En nous plaçant entre départs et arrivées, l'écrivain francophone d'origine bosniaque nous implique dans la question des identités... et du prix social de l'intégration.
Par cette ouverture, l'auteur se présente en individu fort et solide. C'est masquer une fragilité que le narrateur est prompt à dissoudre dans l'alcool. Čolić est cependant conscient que sa situation est plutôt enviable : rien ne le distingue physiquement du Français qu'il aimerait devenir. Ses difficultés d'intégration provoquent pourtant une mélancolie qui le ferait douter des traumatismes subis à la guerre.Je m'appelle Velibor Čolić, je suis réfugié politique et écrivain. Entre le ciel et la terre, j'occupe un espace de 107 kilos et de 195 centimètres. Je suis polyglotte. J'écris en deux langues, le français et le croate. Mais il me semble que maintenant j’ai un accent, même en écrivant. C’est ainsi. Ma frontière, c’est la langue ; mon exil, c’est mon accent.
J'habite mon accent en France depuis vingt-six ans. Toute une vie, en fait. Et je me sens bien, tellement bien qu’il m’arrive souvent de penser : tiens, je suis français.p. 11
Il découpe son roman en courtes tranches volontiers facétieuses, parfois rustres pour masquer les blessures d'un départ vers une destination si lointaine à atteindre. “Les chapitres sont courts, instables, libres. Des lucioles de [sa] propre autobiographie”.Je suis le chien de la gare. Je passe mon temps dans les couloirs malades, obscurs de la gare de Strasbourg. Je découvre et je savoure cette double tristesse, de ceux qui partent et de ceux qui restent, je me déplace à la lisière de deux mondes. J’aère mon exil. Je le sors comme un chien qui renifle des arbres au parc et aboie sur les étoiles.
p. 50
Site de l'éditeur
Les écrivains face au virus
Homo Migrans
Homo migrans. En route depuis deux millions d’années
Les changements climatiques devraient occasionner des flux d'hommes et de femmes en recherche de nouveaux lieux de vie. Cette réalité est pourtant liée à la condition humaine. Nos lointains ancêtres ont quitté l'Afrique pour coloniser l'Europe. L'exposition du Musée d'histoire de Berne montre des traces, certaines très anciennes, des migrations sur le territoire suisse. Lire plus…
Eldorado
Comment traiter la problématique de la migration dans un roman ? D'une écriture alerte, fluide, Laurent Gaudé a relevé le défi en 2006.
Nous pourrons toujours nous dire que nous l'avons voulu. Nous aurons toujours en mémoire ce que nous avons laissé derrière nous. Le soleil des jours heureux nous réchauffera le sang et le souvenir de l'horreur écartera de nous les regrets. Mais nos enfants, tu as raison, nos enfants n'auront pas ces armes. Alors oui, il faut espérer que nos petits-enfants seront des lions au regard décidé.
p. 51
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Sans laisser de trace
Dans sa note d'intention, Rachid Bouali relève que la thématique de ce spectacle est la frontière. Il fait le parallèle entre le Styx du mythe de Charon et les obstacles qui se dressent sur la route des migrants.
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39, rue de Berne

Dipita Rappard, le narrateur, partage quelques similitudes avec l'auteur, Max Lobe : son origine camerounaise, sa connaissance du milieu des Pâquis, son homosexualité.
Les circonstances de son arrivée en Suisse sont pourtant bien différentes de celles de Mbila, la mère de Dipita. Max Lobe est venu de Douala à 18 ans pour y étudier le journalisme puis politique et administration publique.
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Prendre refuge
ellipses oniriques, noirs et blancs, échos d'époques, interactions culturelles

Au pied des Bouddhas de Bâmiyân, 1939, Anne-Marie Schwarzenbach et Ella Maillart croisent la route des archéologues Ria et Joseph Hackin. Elles apprennent cette nuit-là que l'Allemagne a envahi la Pologne. La Guerre se déchaîne sur l'Europe.
2016, Alep disparaît dans les cendres. Neyla a fui à Berlin et y rencontre Karsten. Elle apprend l'allemand, veut aller vite. Ses mots restent maladroits, leur dialogue est fragile.
Comme à Bâmiyân, les implicites, les allusions empêchent la communication. Les Bouddhas sont là pour résister à l'éternité ? La réalité nous rattrape, le monde est fragile et fuyant… Lire plus…
Petit Pays
Lire plus…Petit pays : te faire sourire sera ma rédemption
Je t'offrirai ma vie, à commencer par cette chanson
L'écriture m'a soigné quand je partais en vrille
Seulement laisse-moi pleurer quand arrivera ce maudit mois d'avril
Tu m'as appris le pardon pour que je fasse peau neuve
Petit pays dans l'ombre le diable continue ses manœuvres
Tu veux vivre malgré les cauchemars qui te hantentJe suis semence d'exil d'un résidu d'étoile filanteGaël Faye