La naissance du racisme
Dans le contexte de la guerre froide, l'Exposition universelle et internationale de Bruxelles 1958 célèbre l'atome civil. Coe remémore cette époque d'intrigues et d'influences – par le soft power – dans un roman au ton ironique. Il évoque en quelques lignes l'époque – deux ans avant l'indépendance du Congo – du dernier « zoo humain » d'Europe.« Eh bien, j’ai lu dans les journaux [que les indigènes congolais] se plaignaient de la façon dont certains visiteurs les traitaient. Ils passaient la journée dans leurs huttes, à travailler à leur artisanat indigène, et il paraît que certains visiteurs leur criaient des choses insultantes, et même — elle gloussa nerveusement — qu’on leur tendait des bananes à manger, vous voyez. Ils ont dit qu’ils se faisaient l’effet d’être des animaux dans un zoo. Et alors ils sont presque tous rentrés chez eux, et les huttes sont vides. »
Jonathan Coe
Expo 58
Alors que des voix critiques dénonçaient les atteintes des colonisateurs aux cultures extra-européennes, les concepteurs du secteur du Congo et du Ruanda-Urundi ont imaginé un village dans lequel des indigènes pratiqueraient des arts traditionnels. Ils prouveraient ainsi, à l'ombre de l'Atomium, la survivance de leur culture primitive. La majorité du groupe de quelque 600 Congolais exposés aux comportements irrévérencieux et même insultants des visiteurs a interrompu sa prestation et est retourné en Afrique.
Cette série documentaire aborde notamment l'histoire de ces « zoos humains », ces troupes gérées par des imprésarios pour distraire la population. En exposant ainsi des femmes et des hommes, dès la seconde partie du XIXe s., on contribue à construire les identités nationales en opposant l'image de soi et des autres. Ainsi, à Genève, l'exposition nationale de 1896 montre un village nègre et un autre, suisse, qui présente une image idéalisée de la culture indigène.
Ces expositions d'humains nous paraissent aujourd'hui révoltantes; la mise en contexte permet de comprendre comment s'enclenche un processus de ségrégation et combien il est compliqué d'y mettre fin.
En plaçant l'origine du racisme bien avant les Lumières, les auteurs donnent aux phénomènes d'exclusion une dimension si large qu'elle incite à reconstruire notre compréhension pour dépasser les affrontements simplistes. Ils relèvent ainsi que la politique des rois catholiques à l'égard des musulmans et des juifs dans la Péninsule ibérique a fait évoluer les rapports entre religions d'une relative tolérance à une discrimination plus raciste que religieuse. La Limpieza de sangre – la pureté de sang – a posé ainsi le fondement d'un antisémitisme qui se perpétue entre générations car lié au sang même des individus. Malgré le développement des connaissances scientifiques, les croyances restent solidement ancrées. Le récent épisode du COVID a, une fois de plus, souligné la persistance de superstitions qui clivent les sociétés.
Toledo, synagogue Santa María la Blanca
La naissance du racisme – LSD France cultureUranium exposed at Expo 58: the colonial agenda behind the peaceful atom
Boulevard du village noir – RTS

Une ombre au tableau
Edouard Manet, Marine, Temps d’orage, 1873 Kunstmuseum Bern
L'affaire Gurlitt, une ombre au tableau – un podcast d'Anya LeveilléLa série Face cachée entend aborder des thématiques qui ne figurent pas dans les manuels scolaires et qui ont pourtant influencer l'histoire suisse. Cette nouvelle enquête aborde les conséquences du legs Gurlitt au Kunstmuseum de Bern sur la politique de restitution des œuvres aux propriétaires spoliés. Depuis ce legs, les recherches sur la provenance des œuvres ont progressé et les cartels annoncent fièrement la légitimité des propriétaires.
Cette mise en ondes aborde l'origine de la collection Gurlitt, sa découverte fortuite et son impact sur le monde de l'art. Lorsque les musées abordent cette question, la recherche scientifique ou historique prend le dessus sur l'art. Ces accrochages illustrent pourtant la manière dont l'art atteint le public, à Zürich, Berlin ou ailleurs…Les affaires de restitution sont souvent extrêmement complexes car elles se situent à la croisée du droit, de la politique et des considérations morales et éthiques.
L'affaire Gurlitt, une ombre au tableau

Combats d'une vie
LSD, la série documentaire, France Culture
Le Gouvernement Trump et son ministre de la santé, John F. Kennedy Jr, recherchent les causes de l'autisme pour mettre fin à une épidémie. Les allusions au fait que les autistes seraient à jamais incapables d'avoir un emploi ou de payer des impôts indiquent une volonté d'économiser les coûts engendrés par les personnes diagnostiquées avec un TSA.
Cette série de reportages s'intéresse aux défis posés aux personnes victimes de ce syndrome, à leur famille et à la société. Des témoignages qui obligent à considérer les humains dans une diversité que l'on peut rêver joyeusement colorée plutôt qu'en déclinaisons de gris.
Lire plus…Une personne libre voit le monde en couleurs, comme à travers un kaléidoscope. Il n'y a pas une seule bonne réponse, mais d'innombrables combinaisons, que nous apprenons à imaginer et à réaliser. Qui croit à une idéologie n'a que le noir et le blanc, les autres et soi, une vérité unique.
Les graines du figuier sauvage
Le régime iranien actuel ne reste au pouvoir que par la violence infligée à son propre peuple. Dans ce sens, le pistolet dans mon film est une métaphore du pouvoir au sens large. Elle permet également aux protagonistes de révéler leurs secrets, qui émergent progressivement, avec des conséquences tragiques.

La métaphore du caravansérail symbolise-t-elle l'héritage culturel perse ou le dédale d'un système qui tient le peuple captif ?
Caravansérail d'Izadkhvast

L'opposé de la blancheur
Dans un monde chaotique, dominé par la binarité, l'éditeur ose suggérer graphiquement une réflexion en noir et blanc. Une provocation qu'il souligne en évoquant un problème blanc.
Née au Cameroun en 1973, l'autrice a étudié et longuement vécu en France, avant de retourner vivre au Togo, il y a cinq ans. Spécialiste en littérature américaine, elle est une observatrice subtile de la place laissée aux Afrodescendants dans la culture occidentale. Un regard affuté qui la légitime à dénoncer le manque de reconnaissance des Subsahariens en France et à incriminer un excès de victimisation des sociétés africaines.
Lire plus…Ce que la France actuelle, très sécularisée, a conservé de l'époque où elle se faisait l'obligation d'évangéliser les sauvages, c'est la certitude de détenir des vérités révélées. Il faut alors la suivre dans tous ses revirements, ce que les Subsahariens du XXIe siècle ne sont pas pressés de faire, et leur réticence se montrera parfois fanatique.
p. 87
Réparations
En marge du procès du procès pour la réparation de l’esclavage devant la Cour d’Appel de Fort-de-France en automne 2021, Iris Ouedraogo et Adélie Pojzman-Pontay décortiquent cette difficile quête de justice. Où il est question de trois R : R comme reconnaissance – celle ouverte par la loi Taubira de 2001 –, R comme réparations – symbolique ou économique, à quels ayant-droits ?–, R comme réconciliation qui est le but ultime de cette démarche.
Les deux journalistes inscrivent leur recherche sur un temps long et démontrent avec nuances que l'esclavage ne peut pas être réduit à une question morale soldée par l'abolition.
Paradiso Media, Histoire
Erwann Gaucher pour Radio France
Sur des thématiques similaires :
Boulevard du village noir, développement sur un fait de racisme ordinaire de Shyaka Kagame, Face cachée RTS
Aux origines de la discrimination positive, enquête de Kévi Donat, Programme B
Campagnes urbaines
Hors-série Programme B, BINGE Audio, en partenariat avec le Plan Urbanisme Construction Architecture du ministère de la Transition écologique et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
En écho aux Années d'Annie Ernaux et aux utopies/dystopies des Mondes (im)parfaits, ces épisodes consacrés aux zones pavillonnaires interrogent sur les déterminismes qui dictent nos comportements sociétaux. Lire plus…Le temps est suspendu dans un éternel recommencement ; cycle des saisons et des déplacements pendulaires, des générations et des virées au centre commercial, rien qui puisse faire figure de progrès. On n’en sort pas, et ces rues qui ne vont nulle part sont, en même temps, illimitées. Ce présent-là a l’arrogance de l’éternel.
Fanny Taillandier
Revue urbanités
Des sexes innombrables
La question du genre est très actuelle. Qu'il soit question de «mariage pour tous» ou de «l'égalité des droits», la tension entre une évidence naturelle et une construction sociale est omniprésente.
Lire plus…[…] il n'y aurait que du culturel, du social, de l'historique dans les affaires de sexe, mais tout ce relatif est très ordonné : un pesant déterminisme informe les destinées. La variation interindividuelle est domestiquée, canalisée par ce qu'on peut appeler le «système du genre». Comme Barbie et Ken, chacun est tenu d'être identifiable sans avoir à baisser sa culotte. Et malheur à ceux ou celles qui ne se prêtent pas ou mal au jeu, qui ne «performent» pas leur genre comme attendu.
p. 12–13