Canarias

Tenerife

Très vite nous découvrons les paradoxes de la géographie de Tenerife. La distance n'est pas l'unique critère à prendre en considération pour atteindre le départ de nos randonnées. De San Cristóbal de la Laguna, nous atteignons facilement toute la côte nord, alors que Vilaflor de Chasna se révèle un bon point d'accès pour la partie centrale de l'île, en particulier pour la caldeira du Teide et son parc national.
Même si (San Cristóbal de) la Laguna, première capitale des Canaries, a perdu son statut de centre administratif, elle reste le pôle culturel de l'archipel. On prétend que son urbanisme a servi de modèle à bon nombre de villes latino-américaines. Sa large rue principale bordée d'imposantes façades qui cachent de vastes et belles cours donne une idée du statut des habitants qui les firent édifier. En établissant leur ville principale au coeur de cette vallée d'Aguere, sacrée pour les Guanches, les conquistadores ont montré leur dédain des aborigènes qu'ils réduisirent à l'esclavage ou exterminèrent.
Le phénomène des microclimats dans les îles est toujours fascinant. Ils créent des espaces très restreints dans lesquels la météorologie est stable. C'est ainsi que nous roulons sous la brume en quittant notre hôtel pour déboucher sous le soleil vers le Chinyero, dont l'éruption en 1909 fut la dernière sur Tenerife. Les pins canariens semblent les premiers à coloniser les pierres volcaniques. En captant l'humidité par ses longues aiguilles et grâce à sa bonne résistance aux feux de forêts, cette espèce endémique est particulièrement importante pour l'écosystème.
Montana Negra Tenerife

Montaña Negra

Dans la même région, l'éruption la plus importante de ces derniers siècles eut lieu en mai 1706. Elle détruisit le vieux port de Garachico en y créant des piscines naturelles et causa des dégâts importants à la ville.
Le Massif de l'Anaga, tout proche de la capitale présente un décor bien différent. La laurisylve se nourrit de l'humidité des brumes des alizés qu'elle capte; elle crée ainsi des zones de végétation luxuriante. La conjugaison des alizés, et de l'humidité emprisonnée par les plantes donne au paysage un aspect féérique et engendre un phénomène de pluies horizontales. Ce milieu est important pour l'approvisionnement en eau des îles et permet de limiter l'utilisation coûteuse des stations de désalinisation. C'est cependant un milieu extrêmement fragile. Nous avons observé que les côtes septentrionales (Tenerife, Gomera) sont particulièrement exposées à l'érosion. Lorsque les feux de forêts touchent la laurisylve, le ravinement est très rapide. Près du phare d'Anaga, les cultures en terrasse ne sont presque plus entretenues et les chèvres sauvages qui y vagabondent créent également d'importants dégâts.
Cette tension entre le développement économique et la perpétuation de l'écosystème par une exploitation responsable des terres est partout présente. Que deviendront ces îles si des mesures ne sont pas prises pour les préserver ? Il est cependant compréhensible que les insulaires cherchent de meilleurs conditions que celles des habitants de
Meio de Espanha sur Santa Antão au Cap-Vert, par exemple.
Vilaflor, petite localité de montagne à 1400 m. d'altitude, manque de dynamisme malgré la proximité du Teide. Les touristes accèdent au volcan depuis la côte en une journée et le village s'endort dès les derniers rayons de soleil. La notoriété du saint local, Pedro de San José Betancur, évangélisateur du Guatemala, ne suffit pas à retenir les visiteurs. Toutefois, Fuentealta produit une eau minérale locale qui permet de diminuer l'importation de bouteilles depuis la péninsule ibérique.
Plutôt que d'emprunter le téléphérique pour accéder au point culminant d'Espagne, nous nous contentons d'accéder, 1000 m. plus bas, au sommet du Guajara à 2718 m. C'est ce même sommet caractérisé par une vaste surface plane que l'équipe de l'astronome Charles Piazzi Smyth choisit dès 1856 pour ses observations. Les Canaries, particulièrement l'île de La Palma, sont toujours un lieu privilégié pour les mesures astrophysiques.
Lors de cette excursion nous croisons des chasseurs qui traquent le gibier avec leurs chiens, sur le territoire même du parc national. Lapins, mouflons et autres rats importés par les colons détériorent l'espace naturel aride. La chasse sans armes est donc encadrée pour permettre de limiter les dégâts.
La pointe nord-ouest de l'île offre des paysages variés, notamment des vues plongeantes sur l'océan avec, au loin, La Gomera. Les routes d'accès, par Masca, agrippées au relief sont impressionnantes. En accédant à Los Pedregales dans le Parc rural de Teno pendant l'étape de Los Cristianos à La Laguna, nous évitons un aller-retour le long de la côte nord.

La Gomera