Préférence nationale

Noiriel Gérard. Préférence nationale. Leçon d'histoire à l'usage des contemporains. Tracts, Gallimard, 2024.

Ce mode d’expression a des exigences. Pour l’auteur, une écriture, une réflexion, un ton. Pour le lecteur, trente minutes d’attention, au lieu de deux ou trois. Pour le format, moins qu’un livre ; plus qu’un article ou un édito. Polémique, s’il le faut, mais sans attaque ad hominen.

Tracts – manifeste


Les autrices et auteurs des Tracts assument une pensée située. Ils et elles la mettent en contexte comme Gérard Noiriel s'agissant de la préférence nationale. L'analyse de l'historien coïncide avec celle de Louis Imbert quant à l'origine de l'instrumentalisation de l'immigré au dernier quart du XIXe s.. L'auteur
souligne que ce qui est considéré comme un « problème » n'est pas corrélé avec les chiffres de la population étrangère, mais davantage avec le climat social.

Dès la promotion du vote universel, en France, la mobilisation des classes dites populaires s'est faite par ce que Noiriel nomme « les faits diversiers ». Et l'appartenance nationale alors exaltée fournissait un puissant marqueur entre « nous » et « les autres ».
Ce tract paraît dans la suit aux débats sur la Loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (après censure du conseil constitutionnel). Elle illustre, pour l'auteur, comment la figure de l'immigré est instrumentalisée par pur opportunisme politique. Il retrouve un processus semblable à celui au années 1930 lorsque les partis centristes avaient assimilé valeurs ultranationalistes et ainsi permis, plus tard, à Pétain de mettre en place un régime raciste.
Noiriel n'ose prétendre qu'un tel état adviendra sous peu - même si la montée des nationalismes ne le réjouit pas -. Il regrette pourtant que la gauche se contente d'une voix moralisatrice – rendue inaudible par l'usage d'un vocabulaire abscons – plutôt que d'un récit susceptible de mobiliser autour de l'apport de la migration. Lorsque 25%. des médecins exerçant à l'hôpital ont acquis leur tir hors de l'Union européenne, il paraît contestable de traiter l'immigration comme le problème.

Alors qu'aujourd'hui, les milliardaires qui règnent sur l'espace médiatique imposent les «problèmes» dont tous les citoyens doivent débattre, y compris les militants de gauche. Cela n'empêche pas l'existence d'une multitude de points de vue différents, comme le montre l'ampleur des critiques qu'a suscitées aujourd'hui la nouvelle loi sur l'immigration. Mais pour exister dans l'espace public, tous doivent accepter de répondre aux questions que les médias dominants placent au centre de l'actualité.

p. 37

Le problème dénoncé n'est pas spécifique à la France. Ainsi, par exemple, dans un petit pays frontalier, on aime entretenir l'image idyllique d'un peuple qui vivrait dans la quiétude s'il n'était pas soumis à la convoitise des (juges) étrangers... en oubliant que la migration contribue à nombre de tâches essentielles à sa prospérité.

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