21 leçons pour le XXIe siècle
La manière dont Harari considère les défis de notre temps est souvent déconcertante. Par son habileté à la vulgarisation il réussit à rendre ces enjeux concrets. Il ne craint pas d'insister sur la complexité du monde, alors que les idéologies s'efforcent de nous le vendre comme simple pour autant que nous adhérions à leur vue.
Lire la suite...Dans les premières années du XXIe siècle, les gens espéraient que le processus égalitaire se poursuivrait, voire s'accélérerait. En particulier, ils espéraient que la mondialisation propagerait la prospérité économique à travers le monde et que, de ce fait, l'Inde et l'Égypte finiraient par jouir des mêmes opportunités et privilèges que les habitants de la Finlande et du Canada.Toute une génération a grandi avec cette promesse.
Il semble aujourd'hui que cette promesse ne pouvait être tenue. La mondialisation a certainement profité à de larges segments de l'humanité, mais on observe des signes d'inégalité croissante entre sociétés et en leur sein.p. 138
Herzl : une histoire européenne
En 1930, Albert Londres publie une enquête sur l'établissement des Juifs en Palestine. Il situe le cœur de la problématique dans l'espace entre les zones germaniques et russes. Si le journaliste anticipe la furie qui décimera les populations israélites c'est que, depuis 50 ans déjà, elles sont mises à rude épreuve subissant pogroms et autres infamies. L'auteur distingue clairement la position sociale des Juifs en France ou au Royaume-Uni et ceux des territoires de l'ancienne zone de résidence dans laquelle Catherine II de Russie les autorisa à s'établir.Qu'est-ce qui est le plus noble ? Renier ses origines, se fondre dans les nations, se convertir, oublier notre passé, ou au contraire œuvrer à éduquer ceux que des siècles de ghettos ont avilis ? Wilhelm Jensen a raison. Les portes du ghetto se sont ouvertes, mais il en reste une, invisible, qui se referme sur nous.
p. 226
Le roman graphique de Camille de Toledo et d'Alexander Pavlenko introduit habilement ce contexte historique pour justifier le rayonnement de celui dont Londres dit que “trois mille deux cent quarante-sept années après Moïse, il a succédé à Moïse”, Theodor Herzl.
Le jeu de la misère et de de l'exil – p. 32
Lire la suite...Nickel Boys
Le roman de Colson Whitehead est inspiré de faits qui se sont déroulés dans l'une des plus importantes maisons de correction des États-Unis, la Florida Industrial School for Boys, connue aussi sous son dernier nom de Arthur G. Dozier School for Boys. Les violences et les sévices qui ont pu s'y dérouler, pendant des décennies, disent davantage une époque où la contrainte, le redressement, était considéré comme un mode éducatif opérant. Le fonctionnement de cet établissement était également révélateur d'un racisme systémique.
Comme dans Underground Railroad, son précédent roman, Colson Whitehead utilise la diversité de ses personnages pour décrire une réalité multiple et sa perception différente selon le lieu d’où on l’observe. Cette agilité rend son récit captivant malgré la brutalité des faits.
Lire la suite...En 1949, année de publication de la brochure, l'école fut rebaptisée en l'honneur de Trevor Nickel, un réformateur qui en avait assuré la direction quelques années plus tôt. Les garçons disaient que ce nom de «Nickel» était en fait une référence à à la pièce de monnaie, parce que leurs vies ne valaient même pas cinq cents, mais ce n'était qu'une légende. Parfois, quand vous passiez devant le portrait de Trevor Nickel dans le couloir, il fronçait les sourcils avec l'air de lire dans vos pensées. Ou plutôt, avec l'air de savoir que vous lisiez dans les siennes.
p. 98-99
Changer : méthode
Il serait tentant de considérer ce texte d'Edouard Louis comme une nième version de son autobiographie. Chacun de ses récits revient sur sa volonté «de fuir [son] enfance plus que tout» pourtant, comme l'oignon que l'on pèle, chaque ouvrage a une tonalité plus puissante. Loin de la rugosité d'En finir avec Eddy Bellegueule, Changer : méthode est riche de nuances et d'introspection.
Lire la suite...Il a fallu que je m'éloigne du passé pour le comprendre, et si je voulais rédiger une autobiographie chronologique alors il faudrait commencer d'abord par Amiens et ne raconter le village qu'ensuite, parce qu'il m'a fallu arriver au lycée pour vraiment voir mon enfance.
p. 49
Autoportrait en noir et blanc

Deux expériences de vie pour exprimer la complexité de la « question raciale » ou plus généralement les défis d’une société plurielle. Le récit de Pitts à la découverte des identités Afropéennes est un texte de formation. Celui de Williams l’emmène vers la réflexion philosophique. L’auteur qui s'appuie sur son expérience familiale juge que la notion de race n'est pas plus pertinente comme construction sociale que comme donné biologique.Nous avons la responsabilité de ne pas oublier, certes, mais nous avons aussi le droit, et je crois même le devoir, de toujours nous réinventer.
p. 217
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Lilas rouge
Traduction de Le Lay Olivier
La nature ordonne le récit de Kaiser-Mühlecker. La floraison des odorants lilas rythme un roman dans lequel la temporalité tient un rôle majeur. L'observation fine de l'environnement sert davantage de marqueur du temps qui passe que de particularité stylistique. L'intensité des sentiments et des ressentiments se mesure à l'avancement des récoltes. Lire la suite...Alors il avait jeté un regard par-dessus son épaule, et il avait aperçu le lilas d'un mauve pâle qui se dressait au bord d'un coin de verdure. Il fut saisi d'étonnement. En cette saison encore ? Peut-être les lilas étaient-ils encore en fleurs là-bas aussi, au pays ? Toutes choses y étaient en règle générale moins précoces. Mais là-bas, dans les parages de la ferme, ils étaient d'un rouge profond et soutenu, et leur blanc lui-même avait un éclat incomparable. À partir de cet instant, il s'était mis à songer à l'été.
p. 351