Cheminée de fée – Combe des Thures
Nous quittons cette enclave par le Passage des Thures pour une courte étape vers Plampinet. Depuis le plateau le sentier plonge dans une combe avec de remarquables concrétions dont l'élégante cheminée de fée. Un autre tracé nous aurait emmené vers le col de l'Échelle connu comme lieu de passage de migrant·e·s grâce à des volontaires qui ont été déférés en justice pour leurs actes de solidarité.
À destination nous logeons dans une ancienne caserne de chasseurs alpins... Malgré le temps à disposition nous ne pouvons voir les fresques de l'église Saint-Sébastien et de la Chapelle Notre-Dame-des-Grâces. Ici, comme à Maljasset ou à Fouillouse, on vante des trésors picturaux tout en en refusant l'accès aux gens de passage. Encore plus étrange, la fermeture de la chapelle Sainte-Anne aux abords du lac éponyme qui permettrait l'abri à un randonneur surpris par le mauvais temps !
Paresseusement, ou habités par la gourmandise, nous longeons la Clarée pour rejoindre Briançon. Le temps d'une halte au Restaurant du Lac aux Alberts pour déguster un excellent couscous ne nous prive pas de découvrir le pont d'Asfeld pour pénétrer dans la Cité Vauban de Briançon construite sur un éperon rocheux très pentu qui donne un esthétisme particulier à cette ville protégée par un ensemble de murailles et de fossés, au cœur d’un ensemble de forts édifiés sous la direction de Vauban.
Briançon est une ville de convergence. Au pied de quelques cols consacrés par le Tour de France, les amateurs de vélo et de sports motorisés y rejoignent les randonneurs de la Grande Traversée des Alpes. Une équipe de vttistes belges a emmené son stand de ravitaillement au Chalet des Ayes que nous atteignons par la route jusqu'à Villar-Saint-Pancrace puis par un chemin forestier, classé départemental, réservé au trafic lent. Continuant par le col des Ayes nous accédons au Queyras dans les Alpes de Haute-Provence.
Les Maisons – Arvieux
Cette région limitrophe de l'Italie nous parait verdoyante. Quelques pluies nocturnes ont redonné vigueur aux herbages, mais n’ont pas compensé l'état de sécheresse. Dans tous les hébergements nous entendons le regret d'un hiver sans neige qui a ruiné la saison. Contrairement aux grandes stations de Savoie, le tourisme y paraît moins invasif. Les installations moins démesurées visent davantage une complémentarité entre piste et randonnée ou ski nordique. Cela n'empêche pas qu'au-dessus de La Chalp (Arvieux) la forêt soit lardée d'entailles pour permettre aux skieurs de s'élancer.L’étape par le lac de Roue vers Château-Ville-Vieille nous laisse le temps de découvrir Fort Queyras. Ce château privé offre quelques surprises : jusque dans les années 1930, il a été transformé et étendu pour héberger des soldats.
Une belle exposition des ciels nocturnes de Jeff Graphy renforce cette impression de dominer le monde depuis les cols du Queyras tant le regard porte loin. Pinèdes et mélézins alternent sur les flancs des vallons parfois échancrés par un ravin comme celui de Ruine Blanche au relief tourmenté. Dans ces villages nous trouvons quelques points de vente qui permettent de renoncer aux paniers-repas. Les sandwiches de Chapeau-Ville-Vieille (un jeu de mots pour un lieu où disparaissent les couvre-chefs) sont gargantuesques : une baguette entière richement garnie.
Ceillac
Le relief du Queyras est très varié : après avoir atteint le plateau où sont situés les Lacs Miroir (ou des Prés Soubeyrand) et Sainte-Anne quelques zigzags nous mènent au Col Girardin avant de plonger de 800 m. en deux paliers sur Maljasset. Le deuxième débute à l’embranchement 2368 sur des schistes dont on nous recommande d'éviter l'érosion en respectant les lacets ; l'indication « 1,5 km ; 1h15 » a de quoi crisper d'autant que dans la multitude de traces le sentier est invisible. Heureusement après des premiers pas hésitants, nous trouvons les fameux lacets. Cette étape est prisée des photographes. Les randonneurs qui suivent le même chemin ont le regard affûté et sont, comme le jeune qui se dope au croissant et au pain au chocolat quotidien pour avaler les étapes, partagés entre tenir le rythme et laisser le temps modifier les jeux de lumière.
Ceillac
La gardienne du refuge du Club Alpin de France est passionnante et nous passons une excellente soirée avec les deux autres clients et l’équipe qui fait tourner l’établissement. Quelle chance d’être là un soir de si faible affluence ! Les randonneurs qui ont choisi le gite de la Cure se sont également réjoui de leur choix. La qualité de l’accueil n’est évidemment pas toujours aussi cordiale, surtout que pour certains gardiens la fin de la saison est attendue avec soulagement.
L’étape de Fouillouse débute par une longue portion de sentiers alternés avec la route heureusement très peu fréquentée. Nous pouvons apprécier le jeu des brouillards sur les versants de la Haute Ubaye, étroite vallée qui se transforme en gorge profonde à la hauteur du Pont du Châtelet. Ce dernier, ouvrage riquiqui lorsqu’on le traverse, domine la rivière de près de 100 m.
Les derniers cols de mon parcours alpin seront ceux du Vallonnet et, dans son prolongement, de Mallemort (2558 m.). Ici encore les ruines d’ouvrages militaires rappellent la défense de la frontière avec les baraquements et la batterie de Viraysse édifié dans la dernière décennie du XIXe s. La descente sur Larche révèle diverses positions militaires. Elles n’ont pas permis d’épargner Larche, village déjà touché par le premier conflit mondial, de la destruction par les Allemands lors des combats d’avril 1945. La présence d’ouvrages stratégiques paraît incongrue, mais les tensions dues aux passages de migrant·e·s dans le Briançonnais rappellent l’enjeu politique que présente toute frontière. La formation tardive de l’Italie et l’attribution de territoires savoyards au Royaume sarde puis à la France les ont justifiés. Ces incertitudes passées tranchent avec un terroir qui paraît immuable et l’utilisation de ce territoire dans un but récréatif. Une attribution qui m’a fait vivre une belle expérience et regretter de laisser mes compagnons poursuivre leur périple vers Nice. En deux semaines la greffe avait bien pris et permis à une complicité de se développer. Seule consolation, un retour plus doux vers le quotidien par Barcelo, même vrombissante de plutôt grosses cylindrées, et Gap qu’en traversant l’agglomération niçoise.
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