L'histoire des 3 Adolf
Autoportrait en chauffeur de taxi
Tezuka Osamu, L’histoire des 3 Adolf : intégrale. Delcourt-Tonkam, 2018.
Par ce récit qui part un peu dans tous les sens et manque de cohérence, j'ai en quelque sorte soulevé les problèmes, et laissé le lecteur à sa propre interprétation.
Tezuka Osamu
Interview dans Josei 7

Le Japon était dans le camp des vainqueurs de le Première guerre mondiale et a pourtant été considéré avec condescendance par les puissances occidentales. Pour obtenir les dividendes de la victoire, il s'est lancé dans l'aventure coloniale : fort de premiers succès, les propagandistes ont exagéré une puissance surestimée par les stratèges. Alors que les troupes, hors de l'Archipel, menaient, sauvagement, des combats difficiles, la population était encouragée à s'exalter de chaque victoire. Un engrenage infernal était enclenché.
Comme Mizuki avant lui, dans son Hitler, Tezuka différencie la nature de l'empire nippon du Reich allemand. Toutefois, ils ont en commun, en exacerbant la frustration de la nation au terme de la Première guerre mondiale, d'avoir manipuler les deux peuples jusqu'à les conduire à un anéantissement.
La population japonaise était placée sous la surveillance de responsables locaux de l'ordre public dans des groupes de voisinage qui favorisaient la délation. Le système de défense passive caractérisé par des abris individuels creusés dans les jardins ou les protections renforcées de coton s'avérera aussi inefficace que l'objectif de domination de la Grande Asie orientale était ambitieux et irréaliste. De plus, la population était soumise à de sévères privations et au travail "volontaire" pour l'effort de guerre. Pourtant, elle ne se révoltait pas par égard à ses soldats érigés en héros.
Ce dont témoignent Ishida Ira dans L'enfant phœnix ou Mizuki Shigeru dans son autobiographie, c'est surtout un ressentiment d'avoir été trompés. Pour ce dernier toutefois. il y a une certaine fierté à avoir résisté et d'être revenu vivant, mais meurtri, de l'Opération mort.
Le manga des 3 Adolf est un gekiga, un roman graphique (litt. dessins dramatiques) basé sur des faits historiques, même si l'intrigue s'articule autour d'un document (imaginaire) qui prouverait l'ascendance juive de Hitler. Une recherche à laquelle sont mêlés Adolf Kaufmann et Adolf Kamil, deux adolescents allemands de Kobe. Le premier, dont la mère est japonaise, et le second, qui grandit dans une famille de confession juive, se lient d'amitié par leur nationalité commune jusqu'à ce que la propagande anti-juive atteigne l'Archipel et que Kaufmann s'engage corps et âme dans les jeunesses hitlériennes puis la Gestapo.
Davantage que de la guerre, cette œuvre parle de justice. Tout État est porteur de nationalisme, d'égoïsme. Comme tous les pays ont leur propre politique, la question n'est pas de savoir qui a raison dans les troubles qui les opposent (et pas seulement la guerre)..
Tezuka Osamu
Interview dans Josei 7
L'auteur fait le lien entre la Shoah et le conflit israélo-palestinien qui, au moment de sa publication en 1983, voit l'état hébreu occuper le sud du Liban. L'alliance de membres de l'armée rouge japonaise au FPLP – Front de libération de la Palestine – dans les années 1970, donnait un écho particulier de ce conflit dans l'Archipel nippon. La présence au Moyen-Orient des deux Adolf de Kobe souligne l'intention de Tezuka : convier les lecteurs contemporains à exercer leur esprit critique. Aux quelques 1200 planches, les éditeurs ont ajouté un important complément critique qui, en aidant à mettre ce roman en contexte, permet de dépasser la poursuite de précieux documents.
Site de l'éditeur
Le site officiel du mangaka