La société de provocation
Alors que la destinée de l'humanité préoccupe de plus en plus de femmes et d'hommes, certains tentent de légitimer leur comportement prédateur et s'arc-boutent contre toute tentative de limiter leur démesure. La dénonciation de la sociologue canadienne Dahlia Namian est cinglante. Alors que les polémistes agitent le spectre du wokisme et que l'on adore se quereller sur les questions de genre, le débat sur ce qui menace réellement société n'a pas lieu.
L'avilissement de l'humanité en nous et la réification conséquente des vies humaines sont des horizons funestes qui s'enracinent dans la même rationalité que celle qui contribue au maintien et au fleurissement de la richesse capitaliste. La mécanique d'accumulation capitaliste, qui repose sur la nécessité d'extraire le plus possible de la nature et des hommes pour engranger le maximum de profits, produit elle aussi quantité d'humains superflus – des existences jetables au même titre que n'importe quel objet de consommation. Pour se maintenir, cette dynamique mortifère requiert l'existence, elle aussi, d'une classe d'hommes et de femmes « ordinaires », capables d'exécuter avec efficacité des tâches en perdant de vue leur finalité et en renonçant, de fait, à la pensée.
– p. 78
Les excès des uns et des autres sont tout aussi dommageables pour la planète. Par leurs manœuvres les philanthrocapitalistes cherchent à se substituer à l'Etat pour décider quelles actions méritent d'être soutenues ; se faisant ils se positionnent en garants d'une morale. Ce qui importe davantage aux libertariens est de faire triompher leur égoïsme en abattant toute structure qui pourrait limiter leur mégalomanie, en particulier toute forme de régulation étatique.Nous vivons dans une bien curieuse société où les maîtres s'autorisent toutes les provocations, confiants que celles-ci ne pousseront jamais leurs serviteurs à la révolte. On peut ainsi cumuler des fortunes et des palais, puis se faire applaudir pour son esprit philanthropique. En se montrant solidaires de la cause des enfants pauvres, de la faim, de l'éducation ou de la lutte contre les changements climatiques, ces philantrocapitalistes financent des solutions de surface aux problèmes qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer. Ils s'assurent ainsi que les remèdes aux maux qui nous accablent n'affectent jamais leur santé financière ni leur puissance.
– p. 53

L'année du drame du Titanic, le président Theodore Roosevelt avait fait campagne autour du « nouveau nationalisme », dénonçant l'inégalité des revenus et la domination des grandes richesses, qu'il percevait comme les principales menaces pour la nation. Même s'il provenait lui-même d'une famille d'héritiers, Roosevelt voulait mettre fin à la tyrannie des minorités (du 1%, dirait-on aujourd'hui), qui avait selon lui fait du gouvernement une machine antidémocratique tournée contre la « liberté du peuple ». La véritable lutte pour la liberté, selon Roosevelt, ne devait pas servir les intérêts de la classe dominante. Elle devait favoriser l'égalité des chances, le retrait des privilèges, la dignité de chacun et l'atteinte du bien commun.
– p. 210
Les ultra-riches, épisode de Tribu – RTS
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Biographie de l'autrice uOttawa
Les libertariens, interview de Sébastien Caré