Capitão
20 07 24 BD
Karlen Yann et Stefano Boroni. Capitão. Antipodes, 2019.

En lien avec l'exposition Derrière les cases de la mission, cette bande dessinée évoque la présence protestante au Mozambique. Boroni, graphiste engagé, interprète de manière critique une histoire contrastée des entreprises missionnaires.

En lien avec l'exposition Derrière les cases de la mission, cette bande dessinée évoque la présence protestante au Mozambique. Boroni, graphiste engagé, interprète de manière critique une histoire contrastée des entreprises missionnaires.
Une notice historique rappelle le contexte des années 1870, notamment l'opportunité que représente la faiblesse de l'église catholique portugaise après un siècle de luttes anticléricale. Cette expansion protestante, dans une approche messianique, s'observe largement. Lemire et Gaultier font remonter à la même époque les interventions anglo-américaines à Jérusalem. Sous couvert de recherches archéologiques, le statut de la ville en a été profondément modifié. Au-delà de l'ambition d'évangélisation qui animait les équipes missionnaires, il y avait une attitude condescendante visant à civiliser les populations d'Afrique australe.
Avec leur regard contemporain, les auteurs évoquent les implications de cette œuvre pour la société suisse. La récolte des fonds nécessaires à la construction d'églises, d'écoles et de dispensaires inscrit durablement une représentation dévalorisée de l'homme noir et permet simultanément aux Européens d'accroitre leur prestige en acquérant de nouvelles connaissances. Les conséquences de cette dissymétrie sont bien ancrées dans l'inconscient collectif, comme l'a détaillé Léonora Miano.
Pour illustrer la complexité de ce passé, Karlen et Boroni évoquent le soutien des missionnaires romands à l'émancipation, notamment par l'octroi de bourses à des intellectuels mozambicains, en particulier à Eduardo Mondlane. Une aide autrefois controversée qui permet aujourd'hui de nuancer un narratif de domination culturelle. Le graphisme très personnel de Boroni, en noir et blanc, aux traits brouillés, illustre l'opacité d'une histoire dont les conséquences politiques persistent.
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