Tout ce qui est beau

Mégevand Matthieu, Tout ce qui est beau. Paris, Flammarion, 2021.

Comment traduire la beauté des œuvres de Mozart au travers des mots ? Pour conclure sa trilogie consacrée à la création artistique, poésie, peinture et composition, Matthieu Mégevand communique un enthousiasme pour Wolfgang Gottlieb Mozart.

Il faut dire que, par-dessus tout, ce que Mozart apprécie, c'est d'être écouté. Non pas entendu de loin par une foule ornée, ceux qui payent, qui ordonnent, qui décident ; non, écouté par des auditeurs – un, deux seulement, peu importe qui apprivoisent, saisissent son langage et s'en émeuvent.
Alors, sentant bien qu'il y a là, enfin, un public pour le comprendre, Mozart joue : envoûté, il s'agite, s'enflamme, son corps sursaute, sa tête brinquebale, son buste bascule, c'est comme un volcan qui se réveillerait ; mais c'est d'une éruption de joie qu'il s'agit, d'un formidable éclaboussement de bonheur, celui de savoir – à l'attention des auditeurs, à leur silence – que toute cette lave qui bout dans ses tréfonds ne jaillit pas en vain, et qu'il n'est pas seul à se sentir consumé.

p. 80-81


Hagenauer Mozart wikimedia

Portrait dit Hagenauer Mozart, wikimedia



Le génie créateur salzbourgeois paraît dressé par son père Leopold pour divertir un public. Une première tournée européenne, de ses sept jusqu'à ses dix ans, fait connaître ses talents précoces.

Alors, lorsqu'en avril de la même année il est joué pour la première fois au Burgtheater, le public – enfin – comprend. « Mon quintette a reçu un accueil remarquable – et comme il a été bien interprété ! D'ailleurs (pour avouer la vérité), j'étais, à la fin, fatigué – à force de jouer. Et ce n'est pas le moindre honneur pour moi que mes auditeurs ne l'aient jamais été. »
Mozart est au piano. Il joue et sans doute les spectateurs ne peuvent imaginer à quel point ce qu'ils sont en train de vivre est exceptionnel.

p. 120

Mégevand suggère que cette précocité a aussi causé du tort au musicien, laissant son nom associé à ses prestations d'enfant facétieux plus qu'à un talent en gestation. Des démonstrations qui consacrent Mozart en distracteur de la bonne société, alors que les connaisseurs trouvent dans ses compositions des joyaux sous une apparente simplicité mélodique. Cet art de la composition Mégevand le traduit avec une fluidité stylistique et un vocabulaire élaboré.
L'auteur ne s'arrête pas au pourpre voyant des tenues impeccables de Mozart mais perce les tourments d'une vie d'errance. La notoriété de ses compositions émerge avec le temps : la pérennité de la beauté survit à la futilité de l'époque.

Haydn s'interrompt. Il se regarde alors dans le miroir. Fronce les sourcils. Puis reprend.
Je dis : miracle. C'est faux. C'est bien plus que cela. Un miracle, la guérison subite d'un malade, de l'eau changée en vin... cela se passe, puis s'achève, et il n'en reste rien. Rien du tout. Hormis les mots pour le dire. Là, le miracle est encore présent. Il perdure, il traversera les mois puis les années... les siècles même! Cette musique, elle est bien là, tangible, audible par tous, et pour l'éternité ! Ce que mon cher Mozart, sans rien attendre en retour, veut bien nous laisser, nous l'avons pour toujours !

p. 159



Le site de l'éditeur
Sylvie Bonier pour Le Temps
Jean-Marie Félix pour la RTS