Sur ses pas

Vuillème Jean-Bernard. Sur ses pas. Roman. Zoé 2015.

D'où vient la clé que Pablo Schötz trouve peu après ses soixante ans ? Quelle porte ouvre-t-elle ? Ses interrogations l'amènent à retourner dans chacun des lieux où il a été domicilié.

On ne se débarrasse pas de l'enfance, on aimerait toujours baigner dans cet horizon immense, ce temps si vaste, mais il se perd dans cette éternité et on ne le retrouve pas en revenant sur ses pas. Schötz marche vers l'adresse où il a passé les dix premières années de son existence. Il foule le sol de ses premiers pas, longe le trottoir sur lequel un petit garçon poussait sur les pédales de son tricycle. Ce petit garçon n'existe plus, c'était lui, Schötz, on ne le verra pas aujourd'hui reprendre ses anciennes chevauchées sur son tricycle, même adapté à sa taille adulte

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Clos du Bourg mars 2017

Aigle, 16 mars 2017

L'enquête de Schötz met en parallèle l'évolution de la société et son parcours personnel. Les domiciles successifs, qui pour la plupart existent encore, conservent chacun des éléments de son passé bien que, contrairement à Schötz, ils aient été rajeunis. Vuillème s'amuse à se rappeler les revêtements mouchetés fréquents sur les sols des immeubles anciens. Cette recherche d'éléments architectoniques protège le protagoniste des émotions liées à la réminiscence d'événements difficiles.
Les étapes du parcours de vie des Schötz s'inscrivent dans la variété du territoire cantonal neuchâtelois. Les portes que pousse le héros révèlent l'évolution sociale de ces soixante dernières années.

Rester au-delà de la bonne mesure reviendrait à envahir, à déposséder des gens de leur territoire pour y faire valoir des droits d'ancienneté incompatibles avec leur propre existence. À l'inverse, passer en coup de vent serait aussi grossier que d’entrer et sortir dans un même mouvement, indifférent aux êtres présents, semblable à un chien humant des traces, la truffe collée au sol.

p. 164

Ses visites ouvrent une part de son intimité aux habitants actuels; Pablo Schötz mesure le temps de l'interaction avec ces inconnus pour contrôler ce qu'ils se révéleront respectivement. À sa manière, Vuillème interroge les empreintes que nous laissons dans le monde réel. Cette réflexion sur la distanciation sociale (pour utiliser une expression aujourd'hui omniprésente ) mériterait d'être effectuée dans la sphère virtuelle pour nous éviter d'être suivi à la trace.
Par un dispositif quelque peu alambiqué, un narrateur transcrivant la quête de Schötz, Vuillème permet à son protagoniste de terminer ses visites par son domicile actuel. Au final, l'étrangeté de cette clé traînant dans un tiroir se reporte sur la trame du roman. Cette intention, en soi banale, de retrouver la serrure correspondante aboutit à un récit peu vraisemblable.

Le site de l'éditeur
Eléonore Sulser pour Le Temps