La Tentation de l'Orient
Sous l'impulsion de Bertil Galland, la publication en 1970 de la correspondance entre Maurice Chappaz et Jean-Marc Lovay est révélatrice tant des constances que des spécificités des aspirations humaines.
[…] ils ont bouffé le Valais, l'Europe. Moi j'ai redit à des beats que j'avais vraiment compris l'œuvre d'un poète de mes montagnes, ici au Népal. Parce qu'ici j'ai trouvé ce qu'il ne sera plus possible de trouver en Valais, dans l'Occident même. Je ne dirai pas ce qu'est cette chose impossible. On la sent. On la sent, on fout le camp ou on crève...
Jean-Marc Lovay, Valais, juin 1969
p. 84-85

La découverte de Kaboul, de l'Inde et du Népal dans la griserie du haschisch par une jeunesse qui refuse une guerre qui n'est pas la sienne au Vietnam. Un environnement qui aurait gardé une pureté originelle, auréolé d'une ferveur qui se vit en plein jour. Lovay ressent au Népal la mutation de son Valais que dénonce Chappaz. Pourtant il ne s'y trompe pas, c'est aussi le lieu d'une fuite qui peut conduire à la “liquéfaction de soi dans une dépravation qui ne saurait être qu'apparente”. Ses envolées font toutefois ressentir une certaine ivresse qui semble inquiéter son mentor.
L'herbe magique suscite la crainte de Chappaz. Il lui conseille “ne fume que comme l'on boit un verre de vin (le «glacier» d'Anniviers)”, voire le flatte.
Une même recherche de soi unit les deux écrivains qui éclôt dans la nature, se nourrit du lien au sacré et se réalise dans l'écriture.Le seul vrai hippie est le poète. Et il est aussi une luciole. Cher Jean-Marc, je parle poésie : tu as du tempérament, tu es viril, crée en toi une ardente absence.
Maurice Chappaz, Veyras, 16 avril 1969
p. 54
Tu es de nouveau en instance de mers et de déserts.
Et moi je cherche l'Asie intérieure !
Oh ! je fais un effort de brindilles vers elle, comme celui, pendant la banale journée, qui rattache les lacets de ses souliers. Je ne veux pas rêver du voyage.Maurice Chappaz, Réchy, octobre 1969
p. 121
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