L'empire de l'erreur

Bronner Gérald. L’empire de l’erreur, biais cognitifs et société. Presses univ. de France, Quadrige 2023

La recherche de Bronner consacrée aux erreurs cognitives est révélatrice des tensions dans le champ de la sociologie. L'analyse détaillée des biais, qui trompent notre capacité de jugement, reste, à mon sens, vaine si elle ne permet pas d'envisager de remédier à la (sur)exploitation de notre irrationalité humaine par les algorithmes de recommandation.

Compte tenu des limites sociales et biologiques de notre entendement, et d'un point de vue instrumental, faut-il, pour être rationnel, ne jamais croire que les problèmes sont résolus avant d'être certain d'en avoir trouvé les solutions objectivement bonnes, ou peut-on se contenter, mais en prenant le risque de l’erreur, de n'en chercher que les solutions bonnes du point de vue subjectif ?

p. 133


À la différence de Lahire, qui propose une structuration de la sociologie en vue de renforcer sa crédibilité en la considérant sur un temps long, Bronner semble désavouer le manque de rationalité des humains qui les empêche de prendre les décisions les plus adéquates pour leur avenir.
Les biais cognitifs sont la conséquence de raisonnements hâtifs et/ou incomplets, parfois basés sur des préjugés. Les enjeux émotionnels peuvent les amplifier. La culture de l'immédiateté induite par la fulgurance des flux informationnels et accrue par les algorithmes rendent ces biais incontrôlables. En dénigrant le principe de précaution qui nuit aux avancées techniques, Bronner oppose deux visions de la société. Cette posture dogmatique corrobore son discours érudit alors qu'un effort de vulgarisation est nécessaire pour permettre un véritable débat démocratique.

Certains phénomènes sociaux sont plus visibles que d'autres, parce que les exemples qui les illustrent ont une charge émotionnelle forte qui favorise leur remémoration, ou parce qu'ils sont en adéquation avec des croyances auxquelles nous adhérons déjà, ou encore pour des raisons plus structurelles. Dans chacun de ces trois cas, un effet de disponibilité peut se produire, ce qui donne à des idées fausses l'occasion de s'installer solidement dans les esprits.

p. 224


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