Morenga

Timm Uwe. Morenga. dtv 1983

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Jakobus Morenga (au centre)
Wikimedia Commons

Dans ce roman de 1978 Uwe Timm aborde la question, alors peu discutée, de la colonisation allemande dans le sud-ouest africain. C'est dans ce contexte namibien qu'eut lieu le premier génocide du XXe s.,.celui des Héréros et des Namas (ou Hottentots) à l'instigation de Général von Trotha,

Si la notoriété de Morenga lui valut le surnom de "Napoléon noir", il ne fut pas le leader le plus en vue dans la rébellion qui mena à l'ordre d'anéantissement de ces deux ethnies. Le personnage principal du roman est Gottschalk, un vétérinaire de l'armée allemande. Cette position d'appui à la troupe permet à Timm d'attribuer à son héros un certain recul par rapport aux événements, celui de qui peut observer malgré son respect des directives hiérarchiques.

Über militärische Praktiken und Kolonialismus hinaus sind die Afrikaner Opfer eines noch übergeordneten Phänomens, nämlich der ‚Zivilisation‘. ‚Zivilisation‘ zeigt sich in Morenga als eine Zusammenwirkung von Wirtschaft, Handel, Religion, Technik, Verwaltung, Wissenschaft und Kultur, eingeführt von den Invasoren aus Europa. Wegen der Aktivitäten der europäischen Händler verlieren die Afrikaner ihre wirtschaftliche Unabhängigkeit; wegen der Lehre der Missionare verlieren sie ihre kulturelle Integrität; angesichts der Forschungstätigkeiten des Forschungsreisenden verlieren sie ihre Menschlichkeit; und dank der Aktionen der Soldaten, Kolonialbeamten und Siedler verlieren sie ihre Existenzgrundlage und ihr Leben.

James Meja Lusava Ikobwa
Gedächtnis und Genozid im zeitgenössischen historischen Afrika-Roman
p. 174

Ce roman est considéré comme précurseur d'une réécriture (occidentale) du colonialisme. Il s'appuie sur diverses sources historiques, notamment les archives de l'Auswärtiges Amt, Kolonial-Abteilung du Reich qu'il cite à plusieurs reprises. Timm alterne ces sources avec les notes personnelles de ses protagonistes, ce qui ne rend pas toujours aisé la distinction entre faits avérés et fiction. Les personnages de missionnaires ou de soldats, compatriotes de Gottschalk, permettent d'alterner les points de vue et de préciser les raison très diverses de leur présence en Namibie. L'objectif de civilisation de l'indigène est une constante, même si les motivations influencent l'approche de l'autochtone.
Les leaders indigènes ont aussi des intérêts divergents, ne serait-ce que parce que les tribus auxquelles ils appartiennent ont des coutumes diversifiées. Surtout, elles sont loin de vivre en harmonie les unes avec les autres : les conflits pour l'occupation de la terre sont fréquents.
De Morenga lui-même, on sait qu'il était un bâtard, fils d'un Héréro et d'une Hottentote. Il avait probablement été éduqué dans une école missionnaire avant de travailler dans une mine de cuivre du Cap. Il est entré dans la postérité pour sa capacité à communiquer avec tous les protagonistes et avoir participé activement à la rébellion des Héréros et des Namas (Hottentots). Ces deux ethnies étaient en guerre avant de faire front commun contre l'occupant. Leurs intérêts de peuples pasteurs étaient fondamentalement opposés à ceux des Européens.
Timm met en évidence l'antagonisme culturel entre colons et autochtones. Les représentants du Reich et ceux de la Mission rhénane ont une visée civilisatrice, qu'elle soit d'inspiration économique ou spirituelle. Celle-ci est purement univoque comme l'incompréhension de Gottschalk devant la réticence de ses compatriotes à communiquer avec les autochtones. Les colons se gaussent de la langue des indigènes dont ils sont incapables de produire les consonnes à clics . Quant aux missionnaires, leur intérêt pour la langue a un objectif avant tout pragmatique, celui de diffuser la Bible. En relevant que les ouvrages de référence des langues locales se trouvent en Allemagne plutôt qu'en Namibie, Timm souligne ce fossé culturel.

L'évangélisation n’est possible qu’accompagnée d’une instruction scolaire permettant la lecture de la Bible traduite en langues indigènes. Ce choix permet aux missionnaires de toucher une large population, de se distinguer des pouvoirs coloniaux qui imposent leur langue et d’atténuer le statut «importé» du christianisme tout en le présentant comme universel.

Derrière les cases de la mission

De leur côté, les autochtones n'assistent pas passivement à l'arrivée des Européens. Ils luttent avec leurs moyens contre le confiscation de leurs (meilleures) terres. Profitant de leur parfaite connaissance du territoire, ils mènent une lutte de guérilla contre l'occupant. Elle leur permet de s'armer et d'augmenter ainsi leur capacité de défense. Mais ce combat est complètement inégal. Les autorités abusent les autochtones; ils falsifiant, par exemple, les actes de propriété en modifiant les relevés planimétriques. Les ravages les plus importants sont dûs à l'alcoolisme et aux maladies importées, notamment une peste bovine qui décime les troupeaux.
Herero chained
A l'instigation de Morenga et d'autres leaders, l'insurrection s'organise. Malgré la dissymétrie des forces en présence, les autochtones font subir à l'occupant des revers dans sa politique de conquête. Ces victoires ne sont que passagères puisque, à l'initiative de Lothar von Trotha, un ordre d'extermination est prononcé qui mènera à la mort de 80% des populations autochtones.

Héréros enchaînés,
Ullstein Bilderdienst, Berlin via Wikimedia Commons

Timm mêle habilement des éléments historiques et de fiction dans son roman. L'échange de correspondance concernant la limitation des châtiments corporels est édifiante. Jugeant que les peines privatives de liberté ou pécuniaires n'ont aucune prise sur les autochtones, les autorités justifient le recours à la flagellation.

Der Kaiserliche Bezirksamtmann
Windhuk, den 16. Januar 1908


Betreff: Prügelstrafen.

Dem Kaiserlichen Gouvernement berichte ich gehorsamst, daß seit 1. Oktober v. Jahre keine Prügelstrafen von mehr als zehn Hieben verhängt worden sind. Eine weitere Einschränkung der Prügelstrafe halte ich im gegenwärtigen Moment nicht für angängig,
Die Prügelstrafe ist die einzige Strafe, die der Eingeborene als solche empfindet. Sie entspricht seinem Anschauungs-, seinem Auffassungsvermögen und seinen Sitten.
Sie allein wirkt abschreckend auf ihn. Gefängnis - selbst Kettenhaft - sind für den Eingeborenen kaum eine Strafe; im Gegenteil: Vielfach mußste leider die Beobachtung gemacht werden, daß Leute, die zu Gefängnis verurteilt wurden, sich darüber freuten.
Geldstrafen verfehlen ebenfalls ihre Wirkung. Der Eingeborene kennt und schätzt den Wert des Geldes noch nicht. So sauer er es oft verdienen muß, so leichtsinnig Wirkt er es wieder weg.

Aus dem Aktenbestand des Gouvernements von Deutsch-Südwestafrika, S. 694,
cité p. 151

Divers protagonistes illustrent les tentatives d'imposer l'échange commercial aux indigènes et de les sédentariser. La tentative d'un missionnaire qui s'inquiète de la progression de l'islam en Afrique d'introduire le goût du porc et de développer l'élevage est emblématique des motivations et des stratégies de "domestication" des autochtones. Les répercussions économiques en Allemagne ne sont pas anodines : les sommes dépensées par le Reich pour financer cette lutte permet, par exemple, à la Deutsche Kolonialgesellschaft für Südwestafrika de verser ses premiers dividendes.

Er sprach von der Verantwortung der weißen Rasse, man müsse die Wilden zunächst wirtschaftliches Denken lehren. Die Herero im Norden beispielsweise hielten gewaltige Rinderherden, die sich, da die Rinder zum Ahnenkult gehörten, immer weiter vermehrten. Nur wenn man Hunger auf Fleisch habe oder irgend etwas benötige, tausche man einmal ein Rind. Die Tiere würden immer älter und zäher und stürben schließlich eines natürlichen Todes. Ein Ochse aber, sagte Morris, der eines natürlichen Todes stirbt, hat seinen Beruf verfehlt. Es gälte also zunächst einmal, bei den Eingeborenen, die bis jetzt in zufriedener Selbstgenügsamkeit lebten, neue Bedürfnisse, neue Interessen zu wecken, damit diese in sich kreisende, gleichsam Schlummernde Produktionsform aufgebrochen würde.

p. 193

Quelques critiques contemporaines reprochent à Timm une vision post-soixante-huitarde (son roman date de 1978, rappelons-le). Ils lui reconnaissent une vision empathique des faits et une volonté d'ouvrir le débat sur ce pan de l'histoire allemande, alors que la mémoire de la Shoah était encore très sensible.
Malheureusement, ce roman n'a pas été traduit et mon niveau d'allemand ne me permet pas d'en apprécier toute la richesse.

Die Kolonie Deutsch-Südwestafrika (Deutsches Historisches Museum Berlin)
Völkermord an den Herero und Nama – de
La fin d'une amnésie ? L'Allemagne et son passé colonial depuis 2004 – Cairn.info
Die Kämpfe der deutschen Truppen in Südwestafrika - Der Hottentottenkrieg, Berlin 1907 in Digitale Sammlung Deutscher Kolonialismus, Staats- und Universitätsbibliothek Bremen
100 Jahre Völkermord an Herero und Nama in Gesellschaft für bedrohte Völker, 24.06.2005
Gedächtnis und Genozid im zeitgenössischen historischen Afrika-Roman, James Meja Lusava Ikobwa, Université Stellenbosch, 2013
Le site de l'éditeur