Le crépuscule de Shigezo

Ariyoshi Sawako, Le crépuscule de Shigezo, Folio, Mercure de France, 1972, 2018.

Les jeunes avaient peut-être un autre point de vue sur la situation de la femme, mais les hommes de la génération de Nobutoshi tenaient à leurs vieux clichés féodaux. Ils ne voulaient pas reconnaître l'apport financier du travail d'une femme dans les revenus de la famille. À leurs yeux, elle se faisait plaisir en travaillant au-dehors et c'était eux qui supportaient avec patience et indulgence le laisser-aller du ménage.

p. 119

La promotion d'un roman est un art étrange. Bandeau et quatrième de couverture sont là pour inciter à l'achat mais peuvent vanter des spécificités de l'œuvre opposées. Lire Sawako Ariyoshi comme la Simone de Beauvoir du Japon empêchera d'accéder au « roman qui nous réconcilie avec la nature humaine…»


kaki komatsuchoogo

Nobutoshi ne voulait pas passer ses vieux jours comme la dernière feuille malade s'accrochant désespérément à un arbre dénudé ou comme un kaki trop mûr pourrissant sur une haute branche, à la vue de tous. (p. 232)


Le récit paru en 1972 sous le titre kōkotsu no hito, l'homme extatique, révèle les paradoxes de la société japonaise. Bien que très influencée par la société américaine, la vie de l'Archipel reste ancrée dans les codes traditionnels. La Révolution Meiji qui a marqué l'entrée du Japon dans le monde occidental par l'importation des techniques et des usages les plus avancés de l'époque n'a pas perverti l'attachement à la spécificité nationale.
Lorsque le couple Tachibana est confronté à la mort subite de la grand-mère, son mode de vie de salaryman de l'agglomération de Tokyo est remis instantanément en questions. Non seulement, Nobutoshi et son épouse Akiko, doivent s'approprier des rites funéraires desquels ils se sont détachés. mais ils doivent faire face dans l'urgence à l'un des défis majeurs de l'archipel : le vieillissement de la population.
Bien que voisins, le couple ne s'était pas rendu compte de la sénilité de grand-père Shigezo. Une sclérose qui révèle la persistance d'une société encore très patriarcale. Lorsque la mère de Nobutoshi décède, c'est la vie d'Akiko qui bascule : la charge de Shigezo lui reviendra entièrement. Une tâche qu'elle accomplit avec dévouement, sous la pression sociale. Cette répartition des rôles qui reste observable aujourd'hui dans le Japon rural même si quelques signes d'une prise en charge officielle des plus âgés est perceptible.
L'écriture de Sawako Ariyoshi dénote par sa sobriété cette soumission de la femme à un ordre établi. Des responsabilités intergénérationnelles qui questionnent la manière d'envisager son propre vieillissement.

Après le départ de l'assistante sociale, Akiko prépara le déjeuner. Elle tombait de sommeil, mais elle vérifia d'abord que les portes étaient bien fermées de l'intérieur. Toutes les serrures étaient conçues pour empêcher quelqu'un d'entrer dans la maison et elle devait maintenant s'assurer que Shigezo ne pourrait pas s'échapper !

p. 274


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