Moderne sans être occidental
Une part de la fascination pour le Japon est due au décalage entre un mode consumériste familier et un formalisme extrême. Cette distance que ressent le gaijin, l'étranger, est une constance historique de la civilisation nippone. Elle préserve sa spécificité plutôt qu'elle ne rejette la marche du monde; une politique nationale qui n'est pas exempte de dérives.
La révolution/restauration/rénovation Meiji a été un tel bouleversement que ses répercussions ont dépassé les frontières du Japon. Le manga de Sekikawa et Taniguchi documente visuellement cette onde de choc, alors qu'en analysant cette période, Pierre François Souyri, spécialiste du Japon médiéval, met en évidence les champs de tensions qui se créent après 1868 et qui amèneront au désastre de 1945.
[C]eux qui s'étaient emparés du pouvoir en 1868 le conservèrent durant toute l'ère Meiji. Le Japon bénéficia alors d'une formidable stabilité entre les mains d'un groupe tout-puissant, celui des bureaucrates à la fois modernistes et conservateurs, dont beaucoup avaient appartenu aux anciens fiefs de Chôshû et de Satsuma. Car c'est là que git l'apparente contradiction: ceux qui, parfois malgré eux, allaient mettre en place l'État-nation moderne furent souvent issus des factions les plus conservatrices de l'appareil d'État.
p. 171

Braconnages
Kaiser-Mühlecker, après avoir exposé les réalités d'une paysannerie autrichienne influencée par l'histoire autrichienne, au travers de plusieurs générations des Goldbacher du Rosenberg, s'intéresse à leurs voisins, les Fischer.
Le métier tel qu'il l'exerçait avait beau ne pas correspondre, la plupart du temps, à la conception - un brin surannée, il est vrai - qu'il se faisait du métier d'agriculteur, et de sa propre personne, cela valait encore mille fois mieux que d'aller travailler quarante heures par semaine ou davantage pour autrui, comme il avait été contraint de le faire dans le passé. Certes, il arrivait que la confiance et la foi l'abandonnent.
p. 37-38

Faire paysan
Derrière ce titre, une certaine ambiguïté :[C]e livre n'est pas un manuel de politique agricole. Je n'ai évidemment pas la prétention de proposer des solutions. Je n'en ai pas l'envie, et encore moins les compétences. Je souhaite simplement transcrire un maximum de points de vue, ouvrir le débat, apporter de la nuance et partager des informations.
p. 75
Faire paysan, c'est assurément dépréciatif, le péquenot fruste et inculte dont les cultures sont paradoxalement nécessaires à tant de vies villageoises et citadines.
Faire paysan, c'est envisager un métier exigeant dans un contexte économique particulièrement instable pour la profession, atteindre un idéal de relation à la terre. Lire la suite...
Le carton de mon père
Cartons bananes à Paris – wikimedia commons et flickr
Bärfuss Lukas. Le carton de mon père : réflexions sur l’héritage. Zoé, 2024Lors d'un déménagement, il n'est pas exceptionnel qu'un carton à bananes reste stocké en attendant un regain d'énergie ou qu’un déplacement suivant règle rapidement son sort. Le carton de la Del Monte Company de Lukas Bärfuss avait déjà transité par de nombreuses adresses sans avoir été déballé. Ce paquet contenait le solde de l'héritage, par ailleurs répudié, de son père.
Les morts ne paient pas leurs dettes. Ils lèguent des coûts que quelqu'un doit prendre en charge.
C'était aussi pour cette raison que l'économie libérale faisait parler d'elle. Sa bonne réputation était endommagée. Trop de morts laissaient à leurs héritiers des coûts trop élevés, d'une ampleur tout autre que les dettes de mon père. Dès les débuts, il y avait eu des critiques à l'égard du marché mais désormais, il ne s'agissait pas seulement de le soumettre, lui et ses mécanismes, à un débat politique ou juridique. Notre existence était en jeu. La biosphère de notre planète était détériorée.p. 42

La filière
L'élimination des Juifs du territoire polonais a été particulièrement meurtrier. Hans Frank, gouverneur général, a été condamné à mort pour sa participation à ces meurtres. Philippe Sands, dans Retour à Lemberg, analyse sous l'angle du droit international la qualification de ce crime et le procès de Nuremberg. Son enquête l'a amené à faire la connaissance de Niklas Frank, le fils du «bourreau» qui l'a mis en relation avec Horst Wächter dont le père Otto a été épargné lors de ce procès. «La filière» retrace l'enquête à rebondissement de Sands pour percer le destin de la famille von Wächter.
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Le Mage du Kremlin
Avec le personnage de Vadim Baranov, Giuliano da Empoli campe une figure qui ne lui est pas complètement étrangère. Autrefois conseiller politique du Président du Conseil Matteo Renzi, l'auteur a une formation en droit et en science politique. Dans ce roman, terminé dans les premiers jours de 2022, le narrateur reçoit les confidences du spin doctor du Tsar Vladimir Poutine. Ses propos donnent des clés de compréhension particulièrement pertinentes sur la situation qui prévaut en Russie et sur le ressentiment de Poutine à l'égard de l'Occident et de l'Ukraine.
[…] la première moitié du vingtième siècle n'aura au fond été rien d'autre que cela un affrontement titanesque entre artistes. Staline, Hitler, Churchill. Puis sont arrivés les bureaucrates, car le monde avait besoin de se reposer. Mais aujourd'hui les artistes sont de retour. Regardez autour de vous. De quelque côté que vous vous tourniez, il n'y a que des artistes d'avant-garde qui prétendent non pas décrire la réalité mais la créer.
p. 32-33
Selon l'écrivain lui-même, le personnage de Baranov est inspiré de Vladislav Sourkov (), directeur adjoint de l'administration présidentielle de la fédération de Russie. Cette position en fait un commentateur crédible des arcanes du pouvoir russe. La posture du Tsar est parfaitement vraisemblable, en regard des communiqués de ses porte-parole : une attitude glaçante de détermination. Pourtant l'auteur ne cède pas au manichéisme et se refuse à absoudre des Occidentaux qui n'ont pas saisi le traumatisme des années Eltsine. Une meurtrissure qui installe le pouvoir de Poutine dans la durée. Lire la suite...
21 leçons pour le XXIe siècle
La manière dont Harari considère les défis de notre temps est souvent déconcertante. Par son habileté à la vulgarisation il réussit à rendre ces enjeux concrets. Il ne craint pas d'insister sur la complexité du monde, alors que les idéologies s'efforcent de nous le vendre comme simple pour autant que nous adhérions à leur vue.
Lire la suite...Dans les premières années du XXIe siècle, les gens espéraient que le processus égalitaire se poursuivrait, voire s'accélérerait. En particulier, ils espéraient que la mondialisation propagerait la prospérité économique à travers le monde et que, de ce fait, l'Inde et l'Égypte finiraient par jouir des mêmes opportunités et privilèges que les habitants de la Finlande et du Canada.Toute une génération a grandi avec cette promesse.
Il semble aujourd'hui que cette promesse ne pouvait être tenue. La mondialisation a certainement profité à de larges segments de l'humanité, mais on observe des signes d'inégalité croissante entre sociétés et en leur sein.p. 138
Herzl : une histoire européenne
En 1930, Albert Londres publie une enquête sur l'établissement des Juifs en Palestine. Il situe le cœur de la problématique dans l'espace entre les zones germaniques et russes. Si le journaliste anticipe la furie qui décimera les populations israélites c'est que, depuis 50 ans déjà, elles sont mises à rude épreuve subissant pogroms et autres infamies. L'auteur distingue clairement la position sociale des Juifs en France ou au Royaume-Uni et ceux des territoires de l'ancienne zone de résidence dans laquelle Catherine II de Russie les autorisa à s'établir.Qu'est-ce qui est le plus noble ? Renier ses origines, se fondre dans les nations, se convertir, oublier notre passé, ou au contraire œuvrer à éduquer ceux que des siècles de ghettos ont avilis ? Wilhelm Jensen a raison. Les portes du ghetto se sont ouvertes, mais il en reste une, invisible, qui se referme sur nous.
p. 226
Le roman graphique de Camille de Toledo et d'Alexander Pavlenko introduit habilement ce contexte historique pour justifier le rayonnement de celui dont Londres dit que “trois mille deux cent quarante-sept années après Moïse, il a succédé à Moïse”, Theodor Herzl.
Le jeu de la misère et de de l'exil – p. 32
Lire la suite...Nickel Boys
Le roman de Colson Whitehead est inspiré de faits qui se sont déroulés dans l'une des plus importantes maisons de correction des États-Unis, la Florida Industrial School for Boys, connue aussi sous son dernier nom de Arthur G. Dozier School for Boys. Les violences et les sévices qui ont pu s'y dérouler, pendant des décennies, disent davantage une époque où la contrainte, le redressement, était considéré comme un mode éducatif opérant. Le fonctionnement de cet établissement était également révélateur d'un racisme systémique.
Comme dans Underground Railroad, son précédent roman, Colson Whitehead utilise la diversité de ses personnages pour décrire une réalité multiple et sa perception différente selon le lieu d’où on l’observe. Cette agilité rend son récit captivant malgré la brutalité des faits.
Lire la suite...En 1949, année de publication de la brochure, l'école fut rebaptisée en l'honneur de Trevor Nickel, un réformateur qui en avait assuré la direction quelques années plus tôt. Les garçons disaient que ce nom de «Nickel» était en fait une référence à à la pièce de monnaie, parce que leurs vies ne valaient même pas cinq cents, mais ce n'était qu'une légende. Parfois, quand vous passiez devant le portrait de Trevor Nickel dans le couloir, il fronçait les sourcils avec l'air de lire dans vos pensées. Ou plutôt, avec l'air de savoir que vous lisiez dans les siennes.
p. 98-99
Changer : méthode
Il serait tentant de considérer ce texte d'Edouard Louis comme une nième version de son autobiographie. Chacun de ses récits revient sur sa volonté «de fuir [son] enfance plus que tout» pourtant, comme l'oignon que l'on pèle, chaque ouvrage a une tonalité plus puissante. Loin de la rugosité d'En finir avec Eddy Bellegueule, Changer : méthode est riche de nuances et d'introspection.
Lire la suite...Il a fallu que je m'éloigne du passé pour le comprendre, et si je voulais rédiger une autobiographie chronologique alors il faudrait commencer d'abord par Amiens et ne raconter le village qu'ensuite, parce qu'il m'a fallu arriver au lycée pour vraiment voir mon enfance.
p. 49
Autoportrait en noir et blanc

Deux expériences de vie pour exprimer la complexité de la « question raciale » ou plus généralement les défis d’une société plurielle. Le récit de Pitts à la découverte des identités Afropéennes est un texte de formation. Celui de Williams l’emmène vers la réflexion philosophique. L’auteur qui s'appuie sur son expérience familiale juge que la notion de race n'est pas plus pertinente comme construction sociale que comme donné biologique.Nous avons la responsabilité de ne pas oublier, certes, mais nous avons aussi le droit, et je crois même le devoir, de toujours nous réinventer.
p. 217
Lire la suite...
Lilas rouge
Traduction de Le Lay Olivier
La nature ordonne le récit de Kaiser-Mühlecker. La floraison des odorants lilas rythme un roman dans lequel la temporalité tient un rôle majeur. L'observation fine de l'environnement sert davantage de marqueur du temps qui passe que de particularité stylistique. L'intensité des sentiments et des ressentiments se mesure à l'avancement des récoltes. Lire la suite...Alors il avait jeté un regard par-dessus son épaule, et il avait aperçu le lilas d'un mauve pâle qui se dressait au bord d'un coin de verdure. Il fut saisi d'étonnement. En cette saison encore ? Peut-être les lilas étaient-ils encore en fleurs là-bas aussi, au pays ? Toutes choses y étaient en règle générale moins précoces. Mais là-bas, dans les parages de la ferme, ils étaient d'un rouge profond et soutenu, et leur blanc lui-même avait un éclat incomparable. À partir de cet instant, il s'était mis à songer à l'été.
p. 351
Le monde d'hier

En livrant son autobiographie à la veille de son suicide Zweig révèle l'étendue de son désarroi devant la fureur nazie. Cette incertitude tranche avec une lucidité et une ouverture qui contribuèrent à ses succès éditoriaux.
Lire la suite...Plus un homme d'Europe avait vécu en Européen, et plus durement il était châtié par le poing qui faisait voler l'Europe en éclats.
p. 327
Deutsches Haus
Francfort-sur-le-Main, décembre 1963. Dans le poumon financier en expansion de la République fédérale allemande, le procès dit d’Auschwitz est sur le point de débuter. Le moins que l’on puisse dire est que la tenue de ces audiences divise l'opinion publique. La majorité ne souhaite pas rouvrir cette page d'une histoire aussi récente que douloureuse, alors que les victimes attendent la reconnaissance des violences subies.Dans son bureau, le procureur blond et ses collègues peaufinaient leurs réquisitoires. Les tasses à café sales s'accumulaient sur les piles de dossiers, les soucoupes débordaient de mégots de cigarettes. Derrière les fenêtres se dressait le gigantesque squelette de l'immeuble en construction. Des bâches claquaient au vent. Le chantier avait l'air abandonné, comme si les maîtres d'ouvrage avaient subitement manqué d'argent pour poursuivre les travaux.
p. 361-362
En évoquant un chantier suspendu, Annette Hess présente une Allemagne en attente d'un achèvement que seul la clarification du passé permettra. Cette maison allemande c'est aussi le Restaurant “Deutsches Haus” tenu par les parents d'Eva, le personnage central du roman. Lire la suite...
La race des orphelins
Le problème, c'est que le totalitarisme crée un homme de masse. La masse des Allemands et la masse des autres. Je suis une femme de masse. D'essentielle à ma naissance, je suis devenue superflue moins de deux ans plus tard. Mon scribe me dit que c'est ça la définition du totalitarisme: quand l'être humain devient superflu.
p. 73

S'enquérir d'éléments biographiques sur l'auteur Oscar Lalo réserve quelques surprises. Son site personnel nous invite à ne pas chercher qui il est, lui qui ne le sait pas lui-même, mais à lire ses livres car il y figure tout entier. Alors qu'aucune notice ne lui est consacrée, Wikipédia en propose un portrait devant une bibliothèque vide qui contraste avec les nombreuses références bibliographiques qu'il nous indique en lien avec ce deuxième roman.
L'auteur aime à brouiller les pistes, lui qui assiste une femme de septante-sept ans dans sa naissance. Ce livre, mise en abyme d'une vie niée, est d'abord un dialogue. Lire la suite...Mon scribe s'est installé chez moi. Il a deux valises de livres. Il croit à la lecture pour ranimer ma mémoire. J'ai de quoi lire jusqu'à la fin de ma vie. Ça me rend heureuse. Même si le sujet de ses livres est plutôt sombre. Il dit que les livres sombres sont souvent lumineux. Il dit que la bibliothérapie et la luminothérapie c'est la même chose : une lampe frontale pour fouiller sa vie. Mais à la vitesse à laquelle je lis, il me faudra plusieurs vies. Ça tombe bien. J'ai envie d'en vivre plein d'autres.
p. 29
Thésée, sa vie nouvelle
Le fil que déroule Camille de Toledo devait servir au tissage de la modernité. Fragilisé par les ruptures du XXe siècle, c'est d'une corde que Thésée s'est saisi. La corde avec laquelle son frère s'est pendu.
Lire la suite...
ce désir puissant d'assimilation des ancêtres
ou devrais-je dire d'effacement
pour
« donner sa vie à la France »
et
oublier les prières
et vois-tu, mon frère, cette ombre qui s'élance du fond des âges quand, pour survivre ou s’intégrer, il faut renoncer aux rituels qui nous liaient au monde ?
vois-tu le vide et l'errance qui naissent de ces liens effacés ?p. 205-206
Apocalypse cognitive
Plaidoyer pour la réflexion et la créativité, l'essai de Bronner pose de bonnes questions sans apporter de réponses toutes faites. L'auteur montre une certaine aversion pour les idéologies, en particulier celles qui prétendent apporter des solutions simples aux problèmes complexes de notre monde. Le sociologue fait cependant une telle confiance à l'humanité et à sa capacité de trouver des réponses technologiques aux défis actuels que ses contradicteurs dénoncent son aveuglement. Son optimisme n'empêche pas Bronner de s'inquiéter de l'indolence qui caractérise les sociétés contemporaines et de ses répercussions sur les urgences qui nous attendent.
Lire la suite...Que resterait-il de notre humanité s'il était démontré que tout en nous pouvait être algorithmisé ? Ne nous hâtons pas de répondre à des questions aussi profondément métaphysiques car nous pouvons raison garder. Dans l'état actuel de la connaissance, cette perspective relève plus du fantasme que de la réalité. En effet, si l'intelligence artificielle réussit dans des tâches spécialisées toujours plus nombreuses, il demeure des obstacles robustes à toute comparaison avec le fonctionnement de notre cerveau. Le premier est que les succès des machines sont obtenus au prix d'une production gigantesque de calculs et d'une capacité de mémorisation qui n'ont rien d'équivalent dans les cerveaux humains. Le second est que ces compétences hyperspécialisées ne constituent pas un système de représentation cohérent et autonome doté de ce que l'on appelle banalement un sens commun. En particulier, on l'a souligné, elles sont incapables – et peut-être définitivement – d'explorer l'univers des possibles lorsque cet univers n'a pas déjà été circonvenu.
p. 60
Le monstre de la mémoire
Terminus Sobibór, Pólska – wikimedia
Sarid Yishay, Le monstre de la mémoire. Actes Sud, 2020.Roman film, roman conte et roman lettre, trois modalités pour exprimer une réalité israélienne contemporaine. La typographie de cette missive ne laisse aucun doute sur la tonalité du texte : dense. En s'adressant au président de Yad Vashem, le narrateur vise une institution des plus symboliques de la mémoire.[...] si je voulais vraiment devenir historien en Israël, je devais faire une thèse en rapport avec la Shoah – un sujet effrayant pour moi qui voulais ne mener ma barque qu'en eaux calmes, loin des tensions et des émotions fortes.
p. 11

Les nuits d'été
Un livre des confins. Le roman du Doubien raconte l'impact de la frontière sur la vie quotidienne en Franche-Comté. Thomas, Louise et Mehdi, trois jeunes issus d'un milieu populaire qui se connaissent depuis l'enfance, traversent aussi les lisières qui caractérisent l'entrée dans l'âge adulte.
Les routes qui les conduisent à l'usine, rubans d'asphaltes ponctués des lumières blafardes des tunnels, participent de la même efficience que la manufacture. Elles tentent de gommer les aspérités des vallons jurassiens comme la mutation des moyens de production cherche à éliminer les contraintes humaines.
Lire la suite...Mehdi le sait, l'ennui et la douleur le bouffent. Il s’y habituera, il le sait aussi. Le dos se renforcera comme le muscle qui permet de résister à l'ennui.
p. 69-70
Dans la ville provisoire
C'est avec une impatience teintée d'une touche d'appréhension que j'ai ouvert le nouveau roman de Bruno Pellegrino. Le précédent, plusieurs fois primé, dans les traces de Gustave Roud et de sa sœur, Là-bas, août est un mois d'automne offrait un regard attachant sur les mutations socio-économiques du Pays. de Vaud.
Dans ce roman, l'auteur affirme plus clairement son positionnement entre affirmation de soi et inscription dans une sphère culturelle.
Je n'aurais pas eu envie d’y passer un week-end, mais l’idée d’y séjourner me séduisait. Tout au long de l'automne, je m'étais répété le nom de cette ville, ce nom que mes proches articuleraient quand ils diraient de moi que j'étais absent. Et m'absenter, je ne demandais que ça.
p. 15

Homo Deus
Dans son best-seller Sapiens, Hariri brosse l'évolution de l'humanité dans une perspective macro historique. Il utilise ses talents de communicateur pour mettre en opposition les capacités de l'homme à s'organiser en sociétés toujours plus étendues et sa mémoire de comportements ancestraux. Parmi les multiples traces de stades antérieurs de l'évolution biologique et/ou de l'organisation sociale, il relève la tendance irrationnelle à se nourrir avec excès qui met même l'espèce en danger. Dans une écosphère, désormais étendue à la totalité du globe, ces atavismes participent aussi de la complexité du monde au même titre que les valeurs concurrentes que s'attribuent les hommes.L'étude de l’histoire a pour but de desserrer l'emprise du passé. Elle nous permet de tourner la tête à notre guise, et de commencer à repérer des possibilités que nos ancêtres n'auraient su imaginer ou n'ont pas voulu que nous imaginions. En observant la chaîne accidentelle de événements qui nous ont conduits ici, nous comprenons comment nos pensées mêmes et nos rêves ont pris forme, et pouvons commencer à penser et à rêver différemment. Étudier l’histoire ne nous dira pas que choisir, mais cela nous offre au moins davantage d’options.
p. 73
Dans ce deuxième volet Harari se veut prospectif. Il change de perspective pour se concentrer sur les axes de recherche et ce qu'ils disent des projets de l'homme pour son avenir. Son essai n'est pas un livre d'anticipation, mais adopte, dans une vision large, une approche davantage philosophique. L'auteur reprend maints éléments historiques de Sapiens qu'il réorganise de manière à dénouer les confusions qui mènent trop souvent à de vains débats.
Photo de Jan Antonin Kolar sur Unsplash

Destiny
Le dernier livre de Pierrette Fleutiaux (1941-2019) est un récit sensible qui traite de la migration. Paru en 2016, alors que la vague migratoire qui venait de déferler sur l'Europe était une urgence politique, ce texte traite de la rencontre de deux femmes Anne et Destiny.
Anne revient d'une virée d'achats en prévision de la naissance de sa petite-fille lorsqu'elle croise une femme enceinte, l'air mal, appuyée contre un couloir de métro. L'hôpital vers lequel Destiny se dirige étant précisément sur son chemin, Anne l'accompagne.
Lire la suite...Et Anne qui n'a vaincu aucune mer, qui n'a affronté ni la soif ni les hommes enragés, et dont le regard n’a jamais fait plier quiconque, Anne est fière de Destiny.
Elle voudrait que sa multitude se lève devant cette femme, Destiny, devant son courage, sa force, se lève devant elle au lieu de l’ignorer, de la repousser ou de lui faire l’aumône de quelques bulles d’air à respirer. Elle dit à sa multitude qu’un pays appartient autant à ceux qui l'ont conquis à travers mille épreuves qu'à ceux qui s’y trouvent par fait de naissance, appartient autant à ceux qui l'ont mérité qu’à ceux qui en ont simplement hérité.p. 37
Souvenir de Pessoa
Manifeste incertain 8 – Cartographie du souvenir. Noir sur blanc, 2019
Manifeste incertain 9 – Avec Pessoa,…. Noir sur blanc, 2020
Lorsque Frédéric Pajak présente le dernier volume de son Manifeste incertain, il semble éprouver une certaine nostalgie à refermer cette aventure éditoriale, rêvée sans fin. L'auteur et dessinateur évoque cependant d’autres formats pour poursuivre son besoin d'aller à la rencontre du public.
Contrairement peut-être aux apparences, mes mots écrits sont parcimonieux.
Je les arrache un à un avec difficulté. Rien ne coule de source. Je n’écris des mots que pour les imprimer: je garde peu, ne jette rien, ou presque. Je réécris. Publier, c’est donner — mais c’est aussi recevoir.
Publier, c'est un acte de bravoure aussi égoïste que généreux. Chaque mot publié met en danger tous les autres, comme dans le jeu du Mikadop. 106 (vol. 8)

Et mon cachot trembla…
Les deux textes publiés en 1962 dans The Progressive et The New Yorker et édités sous le titre The Fire Next Time sont complémentaires. Au pied de la Croix convainc que l'éloquence de Et mon cachot trembla… n'est pas que feinte émotion.Tu es né là où tu es né et as été confronté avec l'ennemi avec lequel tu as été confronté parce que tu étais noir et pour cette seule raison. Ainsi avait-on fixé, et à jamais pensait-on, des bornes à ton ambition. Tu étais né dans une société qui affirmait avec une précision brutale et de toutes les façons possibles que tu étais une quantité humaine absolument négligeable. On n'attendait pas de toi que tu aspires à l'excellence. On attendait de toi que tu pactises avec la médiocrité.
p. 29
Comme Chimamanda Ngozi Adichie, Baldwin choisit la forme de la correspondance pour traiter du racisme à l'occasion du centenaire de l’Émancipation. Dans sa lettre à Ijeawele, l'autrice nigériane dénonce la même assignation des femmes à une condition déterminée, socialement inférieure. Écrits à plus de cinquante ans d'écart ces deux textes mettent en évidence les mécanismes d'exclusion et la difficulté de les renverser.
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Les années
Annie Hsiao-Ching Wang – The Mother as a Creator – Images Vevey
Le projet artistique de la taïwanaise Annie Wang, plongée conceptuelle dans l'aventure de la maternité, et l'autobiographie d'Annie Ernaux découverts la même semaine font partie de ces hasards qui illuminent.Le récit d'Annie Ernaux nous entraine simultanément dans l'histoire d'une génération et le parcours intime de l'écrivaine.

Or noir
Appelé à s'imposer comme vecteur fondamental du développement de l'économie, le pétrole n’en est pas moins une anomalie pour la science économique. Une anomalie qui, bizarrement, ne sera pratiquement jamais soulignée : selon la plupart des économistes en effet, ce qui est précieux est d’évidence rare et cher ; à l’instar de l’eau, pourtant, l'or noir se révélera exister en quantités fantastiques, tout en étant terriblement précieux...
p. 43

Pennsylvania, env. 1862 (wikimedia commons)
L'essai d'Auzanneau tente de mettre en perspective les incroyables développements technologiques engendrés par l'exploitation des ressources carbonées et l'échéance prévisible de leur épuisement. Cette énergie d'abord facilement exploitable a permis l'expansion des modèles industriels capitaliste et communiste. Ces progrès ont rapidement transformer l'humanité au risque de la précipiter vers sa perte.Lire la suite...
Résonance

Que ce soit par proximité culturelle, sociale ou générationnelle, son essai fait particulièrement écho.
Les relations au monde sont tout autant le fruit de visions culturelles du monde et de pratiques sociales que de dispositions physiques et psychiques individuelles ; c'est bien pourquoi ce livre ne propose pas une philosophie ou une psychologie des relations au monde, mais bien ce que j'appellerais une sociologie des rapports de résonance.
p. 124
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Le peuple contre la démocratie
La campagne pour la votation sur l'initiative de limitation vient de rebondir, après sa suspension pour raison de crise sanitaire. Les arguments se sont affûtés depuis le dernier assaut de l'UDC contre l'emprise que l’Union européenne aurait sur la Suisse.
Dans ce contexte, l’analyse approfondie de Yascha Mounk consacrée à la crise des démocraties libérales, le modèle politique dominant en Amérique du Nord et en Europe occidentale, permet un décodage des conséquences du populisme.
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Beloved
Que le portrait de Sethe paraisse dans un journal dit le tragique du fait divers qui a inspiré Toni Morrison. L'autrice étasunienne construit un roman intense, publié en 1987, dans lequel le question féminine, le lien maternel transcendent la problématique raciale.Un fouet de peur vous cinglait l’intérieur dès que l’on voyait un visage de Noir dans un journal, que cette tête-là n’y figurait pas parce que la personne en question avait mis au monde un bel enfant, ou couru plus vite qu’une bande de poursuivants. Ou parce que cette personne avait été tuée, ou mutilée, ou attrapée, ou brûlée, ou emprisonnée, ou fouettée, ou expulsée, ou piétinée, ou violée, ou escroquée, car ça n’était guère assez intéressant pour être qualifié de nouvelle digne de paraître dans le journal. Il fallait que ce soit quelque chose d’extraordinaire — quelque chose que les Blancs trouveraient intéressant, réellement différent, méritant que l’on se suçote les dents quelques minutes, voire même que l’on ait un petit sursaut de surprise. Et il devait être difficile de trouver des histoires de Noirs capables de couper le souffle d’un citoyen blanc de Cincinnati.
p. 218-219

Le grand royaume des ombres
Veit Kolbe, 24 ans, est évacué d'un méandre au Dniepr suite à des blessures au combat. Après un séjour en hôpital militaire, il peut retourner dans sa famille à Vienne. Son état émotionnel ne lui permet pas d'y supporter le climat pesant, les continuelles escarmouches avec son père, nazi convaincu. Grâce à un oncle, il se retire au Mondsee, dominé par le Drachenwand. «La paroi du dragon» bombe le torse au-dessus des localités […] sises au bord du lac. (p. 34)
Sans doute parce que cet escarpement n’est pas assez connu du public francophone, la traduction d’Olivier Le Lay nous entraîne dans «Le grand royaume des ombres» plutôt qu’«Unter der Drachenwand». Ces deux localisations sont évocatrices de lassitude et d'insécurité qui dominent dans ces années de fin de guerre.
Dans les gouffres les plus profonds du sommeil, là où règnent le froid et l’humidité, la guerre m’attendait une fois de plus, avec ses mille cinq cents journées d’épouvante, son odeur de sang, ses blés qui ondulent paisiblement dans le vent tandis que les partisans s’alignent devant la fosse et que la sueur leur ruisselle du front, ses villes où ne subsistaient plus que les cheminées des immeubles à l'instant où nous les investissions enfin. […]
L’œil hagard et le geste prudent, je me suis extirpé de mon lit comme on rampe hors d’une tranchée. Le front une fois encore venait de me submerger.p. 67-68

Traces
La technologie peut-elle offrir une application permettant de garder le contrôle de la pandémie de covid-19 ? Pister le virus offre une alternative séduisante au confinement dont les populations se lassent.À mesure que notre liberté d'aller et venir semble grandir – on peut sauter dans le premier avion ou bondir dans le premier train, pour peu qu’on fasse encore partie des « gens honnêtes » – les technologies identitaires et disciplinantes se multiplient et se renforcent. Ce faisant, nous migrons collectivement de la photographie judiciaire vers la reconnaissance faciale, qui n’est rien d’autre que la mise en signal informatique des fiches anthropométriques de Bertillon. Quel est donc ce monde où un dispositif réservé à la traque des criminels récidivistes peut être étendu à l’ensemble de la population dans l'indifférence générale ?
p. 57
L'essai d'Olivier Tesquet, publié en ce début d'année 2020, ne répond pas à cette interrogation mais questionne la récolte de nos traces numériques.
Lire la suite...Il est ainsi capital de questionner sans relâche la pertinence des choix derrière les technologies en devenir. Oui, une application pour empêcher de nouvelles contaminations peut être utile. Mais à condition qu’un débat démocratique intense et éclairé ait lieu.
Anouch Seydtaghia
Le Temps 27 avril 2020
La guerre de Böll
Heinrich Böll est une figure de la littérature allemande du XXe s. Sa critique de la politique de la République fédérale lui donne la stature de conscience de l'Allemagne de l’après-guerre, au même titre que Günter Grass, lui aussi récipiendaire d’un Prix Nobel de littérature.
Cette correspondance échangée surtout avec Annemarie, qui deviendra son épouse en 1942, illustre l’emprise du nazisme sur la pensée et offre une perspective sur la vie d’un soldat, peu zélé, du Troisième Reich.
Le travail éditorial de L’iconoclaste, par sa mise en évidence de quelques extraits et son usage de notes sobres et éclairantes, renforce l’intérêt de ce livre. Lire la suite...
Sapiens
Moins de 500 pages pour écrire l'histoire de l'humanité, c'est vraiment bref. Dans son bestseller Sapiens, l'auteur montre son talent de vulgarisateur en utilisant une langue efficace, non dénuée d'humour.
Yuval Noah Harari insiste sur les ruptures intervenues au cours de l'histoire de l'humanité et s'intéresse à leurs conséquences sur la vie quotidienne et le bonheur des populations. Lire la suite...
La fin est mon commencement
Encore une découverte qui entre dans nos bibliothèques et qui se frotte aux livres qui s'y trouvent déjà pour ouvrir à l'autre et à soi-même…
Atteint d'un cancer en phase terminale, Terzani se détache du monde. Ce lâcher prise s'accompagne d'un retour sur le cours de sa vie qu'il élabore dans une suite d'entretiens avec son fils. Cette oeuvre posthume retrace les faits qui ont marqué la carrière de ce correspondant du Spiegel en Asie.
Le livre met en évidence la tension, toujours présente, entre les événements qui jalonnent l'histoire et le ressenti des individus.
Ce témoignage est ressourçant car il s'accompagne d'un parcours d'introspection que l'on pourrait considérer comme une quête mystique. Lire la suite...
La fin

Spécialiste de Hitler, Ian Kershaw s'est naturellement intéressé au rôle du dictateur dans la Seconde guerre mondiale. Dans Choix fatidiques, il a analysé dix moments clés du conflit, entre 1940 et 1941, et montré en quoi la marge de manœuvre était étroite en tenant compte de l'ensemble des facteurs stratégiques et des éléments de politique intérieure.Les raisons de l’effondrement de l’Allemagne sont évidentes, et bien connues. Mais celles permettant de comprendre pourquoi et comment le Reich de Hitler continua de fonctionner jusqu’à sa ruine finale sont moins claires. C’est ce que ce livre cherche à élucider.
p. 29
"La fin" s'appuie davantage sur le vécu concret des Allemands pendant les derniers mois de la guerre pour éclairer la singularité d'un régime prêt à l'autodestruction. Kershaw évoque parfois les déplacements de troupes, mais la stratégie n'est pas sa principale préoccupation. Son intérêt se concentre bien davantage sur la dynamique qui a entraîné l'Allemagne dans son effondrement. Lire la suite...
Choix fatidiques

Malgré des redondances, parfois agaçantes, le livre de Kershaw aide à prendre conscience des multiples facteurs qui influencent un conflit aussi marquant. L'interaction entre les protagonistes, les intérêts intérieurs, les différents types de gouvernance sont autant d'éléments qui sont à prendre en considération.
Lire la suite...Dans les démocraties […], le rôle de l'individu dans l'élaboration des choix fatidiques était plus grand qu'au Japon, quoique vraisemblablement moins crucial que dans les dictatures. Comme les dictateurs, les dirigeants des démocraties agissaient sur la base de systèmes idéologiques de croyances largement acceptés. En fait, l’attachement idéologique — en l'occurrence, aux libertés démocratiques ainsi qu’aux structures sociales et politiques qui les étayaient — était très certainement plus profondément et largement enraciné que les valeurs fascistes et militaristes de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon ou que la vision du monde communiste de l’Union soviétique.
p. 678
Chroniques d'un enfant du pays

In the white community, the path to a more perfect union means acknowledging that what ails the African-American community does not just exist in the minds of black people; that the legacy of discrimination - and current incidents of discrimination, while less overt than in the past - are real and must be addressed. Not just with words, but with deeds - by investing in our schools and our communities; by enforcing our civil rights laws and ensuring fairness in our criminal justice system; by providing this generation with ladders of opportunity that were unavailable for previous generations. It requires all Americans to realize that your dreams do not have to come at the expense of my dreams; that investing in the health, welfare, and education of black and brown and white children will ultimately help all of America prosper.
Pour la communauté blanche, la voie vers une union plus parfaite signifie de reconnaître que les maux qui tourmentent la communauté afro-américaine n’existent pas uniquement dans l’esprit des Noirs ; que l’héritage de la discrimination – et les cas actuels de discrimination, bien que moins flagrants que par le passé – sont réels et méritent une réaction. Non seulement verbale, mais concrète : investir dans nos écoles et nos communautés ; appliquer nos lois sur les droits civiques et garantir l’équité de notre système pénal ; proposer à la nouvelle génération l’ascenseur social qui a été indisponible pour les générations précédentes. Cette voie implique que tous les Américains comprennent que les rêves des uns ne se réalisent pas nécessairement au détriment de ceux des autres ; qu’en investissant dans la santé, le « welfare » et l’éducation des enfants de toutes les couleurs, nous allons, en bout de course, aider l’Amérique toute entière à prospérer."We the people, in order to form a more perfect union."
Barack Obama, Philadelphia, 18 mars 2008
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Comme des chevaux qui dorment debout
Journaliste, correspondant de guerre, écrivain, Triestin, Rumiz m'offre une belle découverte. Son récit est un hommage à son grand-père et à tous ses contemporains morts pour la patrie. Avant tout, c'est un plaidoyer pour que ces vies perdues ne soient pas vaines.La terre, toutefois, capte des signaux. Elle vibre comme le crayon d'un sismographe. Elle sent le front, elle flaire, dans la nuit noire, les lieux où l'on maniait l'arme blanche. Tranchée des Branches, San Michele, Selz, mont Sei Busi. Si la plaine m'est inconnue, ces hauteurs, en revanche, je les connais par cœur. Je sais que chaque mètre est imprégné d'agonies, marqué par des vies démembrées, crucifiées surles barbelés, mutilées par des pièges. Mais je sais aussi que rien, sur ce terrain ne rappelle l'immensité de la douleur. Je devrais piétiner des douilles, des immondices, du sang, des haillons, des membres humains, des gamelles, des restes de nourriture, des sabots, des fers à cheval, des excréments, des semelles de chaussures, mais l'homme et la nature ont tout effacé. La nuit sent bon l'herbe et des villages entiers festoient et font l'amour sur les restes d'un gigantesque sacrifice humain.
Je prends la petite route qui monte au-delà de l’église de Santo Stefano un modeste monument à deux soldats de la Grande Guerre.p. 14
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L'immense poésie
En poursuivant la mise en mots et en images d'expériences de vie et d'enrichissements intellectuels, Pajak nous mène dans l'univers de deux poétesses qui malgré leur talent restèrent isolées. Emily Dickinson, américaine du XIXe s. dont seul une dizaine de ses 1789 poèmes furent publiés de son vivant; elle préféra la réclusion. Le destin de la Russe Marina Tsvetaieva fut lui soumis aux convulsions de l'histoire du début du XXe s.Racontant l'histoire de Marina, j'ai malgré moi négligé maints épisodes. […] Néanmoins, serrant son destin au plus près, j'ai cherché à le mesurer à l'aune de la démesure de son temps, celui-ci éclairant celle-là, et vice versa. Et si ce destin est bel et bien indissociable de l'Histoire, il jette sur elle une lumière insoupçonnée, de douleur et de courage, comme un joyau de la mémoire.
p. 19
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Made in Trenton
Le roman de Tadzio Koelb est aussi glauque qu'il est addictif. L'incipit, plusieurs fois repris, focalise l'attention sur « le nouveau » et son intégration dans l'équipe de Jacks.
- Le nouveau devrait venir avec nous, avait dit Jacks de sa voix de stentor, au timbre aussi monocorde qu'un battement de mains, son large poitrail gonflé et prêt à déborder de toute son inépuisable innocence.
p. 11

Mourir au printemps
Dans le roman Mourir au printemps, Ralf Rothmann poursuit une quête du père. Il recherche ce qui l'a assombri pour le reste de sa vie pendant les quelques mois du printemps 1945 passés sur le front.
Lire la suite...«Et un jour, quand j'ai parlé de mes rêves, [mon père, médecin] m'a dit qu'il existait une mémoire des cellules de notre corps, et donc aussi des cellules de reproduction, spermatozoïdes et ovules, et qu'elle se transmet. Une blessure psychique ou physique fait quelque chose aux descendants. Les humiliations, les coups ou les balles qui te touchent, blessent en quelque sorte aussi les enfants que tu n'as pas encore. Et plus tard ils peuvent grandir avec autant d'amour qu'on veut, ils auront toujours une peur panique d’être rabaissés, battus ou atteints par une balle. En tout cas dans le subconscient, dans les rêves. C'est logique en fait, non ?»
P. 165
Chez les Roud

Montagny-la-Ville
Avec ce nouveau roman, Bruno Pellegrino se concentre sur 10 ans de la vie de Gustave Roud et de sa soeur Madeleine. Il nous fait entrer dans leur quotidien alors que les dernières des Trente glorieuses transforment profondément la Suisse rurale.La maison est la dernière, posée tout au bord de la route, à l'extrémité nord du village. Massive, d'un seul bloc, en équilibre entre la cour, à l'est, et le verger, à l'ouest, elle semble surgir du jardin; la jungle monte à l'assaut de la façade.
p. 61
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Les vies inégales
Essai en demies teintes… Un titre un brin présomptueux : l'auteur va-t-il nous donner un mode d'emploi pour mener notre vie ou prétend-il en maîtriser tous les aspects ? Le chapitre introductif développant le concept de "formes de vie" aborde diverses approches philosophique de la notion de vie, notamment les approches transcendantale et anthropologique. Les concepts qui y sont développés devraient aider à rendre compte d'un constat : des vies valent plus que d'autres.
Lire la suite...Le traitement des êtres humains reflète une politique de la vie fondée sur l'inégale valeur et l'inégale dignité des existences. L'État joue un rôle fondamental dans cette politique.
p. 143
Où va l'Iran ?
Mieux vaut lire ces regards croisés sur la République islamique d’Iran après avoir visité le pays... Le portrait de cette théocratie est inquiétant : une clique qui n’hésite pas à sacrifier ses citoyens pour préserver le pouvoir. Un régime qui souffle le chaud (tiède en l’occurrence) et le froid pour garder un bien faible crédit sur le plan international.
Lire la suite...Mais pour qui a suivi avec attention l'histoire de la République islamique d'Iran, un autre constat peut être fait: les institutions islamiques sont l'habillage d'un véritable État totalitaire contrôlé par un petit groupe de religieux chiites et de leurs collaborateurs. Dans d'autres contextes, l'islam a montré qu'il pouvait être conciliable avec la démocratie. Ici il n'en est rien.
On aurait pu supposer qu'après la période violente de la Révolution le régime se serait humanisé. Or on ne constate aucune évolution en matière de droits d l'homme. Les exécutions capitales de mineurs, les inégalités assumées de traitement entre les hommes et les femmes, la violation des libertés publiques sont toujours les mêmes.François Colcombet, p. 30
Manifeste incertain
Manifeste incertain 1 – Avec Walter Benjamin, rêveur abîmé dans le paysage
Manifeste incertain 2 – Avec Nadja, André Breton, Walter Benjamin sous le ciel de Paris
Manifeste incertain 3 – La mort de Walter Benjamin. Ezra Pound mis en cage
Manifeste incertain 4 – La liberté obligatoire. Gobineau l’irrécupérable
Manifeste incertain 5 – Vincent Van Gogh, une biographie
Manifeste incertain 6 – Blessures
Lire la suite...Je suis enfant, dix ans peut-être. Je rêve d'un livre, mélange de mots et d'images. Des bouts d'aventure, des souvenirs ramassés, des sentences, des fantômes, des héros oubliés, des arbres, la mer furieuse.
J'accumule des phrases et des dessins, le soir, le jeudi après-midi, mais surtout les jours d'angine ou de bronchite, seul dans l'appartement familial, libre. J'en fais un échafaudage que je détruis très vite. Le livre meurt chaque jour.vol. 1, p. 7
Americanah
Ifemelu quitte Lagos pour étudier à Philadelphie, réalisant ainsi l’objectif de nombreux amis nigérians. La réalité prend vite le pas sur la situation rêvée, même si elle peut compter sur la présence de Tante Uju pour apprivoiser les codes de l’Amérique.
Malgré leurs succès, Tante Uju et Ifemelu doivent se faire une place dans la société. Lire la suite...
Amérique notre histoire
On présente parfois Russell Banks comme le meilleur portraitiste des marginaux américains. La société qu'il décrit n’est pas celle des élites (> Lointain souvenir de la peau) et son point de vue sur la situation politique aux États-Unis est souvent sollicité par les médias français; son avis sur l’Histoire américaine est engagé. Lire la suite...
F comme Friedland
En quelques phrases, Daniel Kehlmann suggère l'atmosphère du roman dont elles sont extraites.Que mon nom soit personne est-il une expérience joyeuse et donc le produit futile d'un esprit joueur, ou bien une tentative malveillante pour ébranler l'âme de chaque lecteur ? Nul ne le sait vraiment, peut-être que les deux hypothèses coexistent. […] Les phrases sont bien construites, le récit s'écoule avec force, nous lirions presque avec plaisir si nous n'avions pas sans cesse l'impression qu'on se moque de nous. F est mis à l'épreuve, il fait montre de ses qualités, lutte, apprend, gagne, apprend davantage, perd et continue de progresser, le tout dans la plus pure tradition narrative.
p. 70
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Des éléphants dans le jardin
Les deux premières phrases sont claires : il sera question de deuil. Celui du père qui voulait être enterré dans son pays. Cette disparition permet l'expression d'émotions enfouies. Baba avait décidé du destin de sa famille; elle émigrerait en Suisse. Il n'y réaliserait pas son rêve. Lire la suite...
Le génie de la dépendance
Chroniqueuse au Temps, Joëlle Kuntz aime replacer les événements politiques présents dans leur contexte historique et rappeler les faits historiques qui modèlent notre présent. En Europe, les chantres de l’indépendance nationale, à l’image des tenants du Brexit, saisissent toutes les occasions de décrier l’Union. Lire la suite...
Une boussole pour la politique migratoire
Le sous-titre de l'essai de Rochel indique la direction de sa réflexion. Il vise à la cohérence entre les valeurs de l'État et sa politique migratoire. Le sujet est politiquement sensible et propice aux prises de position émotionnelles. Comme citoyens, nous participons à un projet de société et devons assumer des choix politiques complexes. L'intention de Rochel est de se référer aux valeurs de liberté et d'égalité de droit pour comprendre les enjeux de la politique migratoire. Il utilise les acquis de sa double formation en philosophie et en droit, une rigueur implacable, pour le faire. Lire la suite...
Grandir entre adolescents
Inspiré de sa thèse de doctorat en sociologie, cet essai de Claire Balleys présente les modes de socialisation des adolescents.
Lire la suite...Pour être visible, il faut se faire entendre, se faire voir, mais aussi et surtout s'afficher publiquement avec d'autres adolescents.Williard Waller, sociologue de l'éducation, démontrait déjà ce mécanisme dans les années 1930 : «De nombreux observateurs ont rapporté que lorsqu'on demande une étudiante au téléphone dans un foyer, elle se fait souvent appeler à plusieurs reprises afin de laisser le temps aux autres filles d'entendre qu'on la réclame. »
p. 44
Je vous écris de Téhéran
Étonnamment, Fatemeh s’occidentalisait à mesure que je m'iranisais. C’était comme si nous déteignions l’une sur l’autre.
p. 235
L’auteure, père iranien et mère française, diplôme de journaliste en poche, désire renouer avec ses racines persanes. Elle suit, pour plusieurs médias français, la troisième décennie de la Révolution iranienne. Lire la suite...
Pour une laïcité apaisée
Petit manuel pour une laïcité apaisée. À l’usage des profs, des élèves et de leurs parents
La Découverte, 2016
Les intentions des auteurs ont le mérite d'être précises. À visée clairement didactique, cet ouvrage repose les fondements de la laïcité scolaire et analyse son évolution récente dans un contexte très émotionnel. Lire la suite...Nous espérons contribuer à ce que la laïcité, loin d'être un instrument de stigmatisation, un voile jeté sur les inégalités sociales de l'Éducation nationale, redevienne, dans les écoles, le principe d'apaisement qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.
p. 22
Ducherow 1930
Un titre clin-d'œil à ce billet pour présenter un roman qui s'inscrit à nouveau dans la série des œuvres de littérature allemande des années 1930. Mais contrairement à celles présentées dans Berlin 1930, ce livre ne fut pas ciblé par les autodafés de 1933… Lire la suite...
Désorientale
Le titre en mot-valise est déjà tout un programme; il convient fort bien à la diversité des thématiques de ce premier roman de Négar Djavadi. Je serai curieux de voir comment cette diplômée d'une école de cinéma bruxelloise le mettrait en image ! Lire la suite...
Les musulmans au défi de Daech
Dans ce petit ouvrage Mahmoud Hussein précise en quoi le projet de Daech met les musulmans dans une situation délicate et les oblige à se distancier des positions traditionalistes dans lequel l'Islam s'est figé. Lire la suite...
Contre les élections
Que se cache derrière ce titre ? Sans le support médiatique d'une interview (L'Hebdo du 27 octobre 2016), j'aurais ignoré cet essai fort peu démocratique… Voire ! Van Reybrouck au contraire désire réhabiliter la démocratie en empêchant qu'elle soit détournée par les populistes ou les technocrates. Lire la suite...
zinc
Une histoire de Belgique, mais malheureusement pas une histoire belge…
David Van Reybrouck, zinc. Traduit par Philippe Noble. Actes Sud, 2016
Dans un bref essai David Van Reybrouck traite de la frontière. Au terme des guerres napoléoniennes, les Pays-Bas et la Prusse n’arrivent pas à s’entendre sur le sort de la Commune de Moresnet, en particulier sur une portion de son territoire, 3,44 km².

Berlin 1930
Ces trois ouvrages ont en commun de saisir les soubresauts d’une ville animée et décomplexée dans laquelle un petit peuple tente péniblement de survivre. Les tensions politiques y apparaissent clairement. Ces romans seront d’ailleurs la cible des autodafés de 1933.

La tyrannie des modes de vie
Sur le paradoxe moral de notre temps
Mark Hunyadi, Lormont, Éditions du Bord de l'eau, 2015
La coexistence de plus en plus visible de comités d'éthique divers et de conditions de vie, notamment professionnelle, qui croissent en complexité est un des paradoxes de notre temps dont traite Mark Hunyadi dans son essai. Lire la suite...
Les musulmans, une menace pour la République ?
Olivier Bobineau, Stéphane Lathion, Desclée de Brouwer, 2012
Depuis les attentats du 11 septembre et la médiatisation de l'ouvrage de Huntington Le Choc des civilisations qui a suivi, on se demande comment l'islam peut s'intégrer dans la laïcité. Bobineau et Lathion trouvent que dans un contexte global de désécularisation, il serait plus pertinent de chercher “comment les musulmans peuvent […] mieux s'intégrer dans [nos] sociétés [occidentales] ?" (p. 107) Lire la suite...
La France périphérique
Christophe Guilluy - 2014, Flammarion Champs actuel, 190p
L’interprétation de l’évolution de la société française, et plus généralement d’Europe occidentale, par le géographe Christophe Guilluy amène à changer ma perception du développement des partis populistes. Front national (FN), Union démocratique du Centre (UDC) et autres utilisent abondamment l’image d’élites déconnectées. Forts de leur prétendue compréhension de la voix du peuple, ils affichent des slogans simplistes. L’étude de Guilluy met en évidence la réalité de cette fracture, à contre courant des analyses habituelles orientées sur le peuple ignorant, la xénophobie, les banlieues,... Lire la suite...
Rationnel vs émotionnel
Les incendiaires en embuscade
Nouvelles frontières du 17 janvier 2015
Les somnambules
Lire la suite...En affirmant que l'Allemagne et ses alliés étaient moralement responsables du déclenchement de la guerre, l'article 231 du Traité de Versailles a eu pour conséquence de mettre la question de la culpabilité au cœur du débat sur les origines de la guerre. Rechercher le coupable ce jeu là n'a jamais perdu de son attrait. (p. 549)
Lointain souvenir de la peau
Lost Memory of Skin (2011) traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Furlan
Pas très inspiré le jeune Trey quand il a répondu à sa copine par un «sexto» montrant son sexe en érection. Plainte déposée, voilà Trey, 17 ans, accusé de produire du matériel de pornographie infantile. Lire la suite...
Le doit d'être suisse

L’ouvrage de Studer, Arlettaz et Argast éclaire l’évolution de ce débat dans la politique fédérale. Lire la suite...
#MyTopTenBooks
Un rapide coup d’œil sur la bibliothèque et constater que davantage que les ouvrages, ce sont des auteurs que je vais placer sur ma pile. Lire la suite...
Au-delà des apparences...
Liberté de conscience et de religion dans une société sécularisée
Au Québec, un débat nourri a permis de définir les limites de la neutralité de l’État et de la libre expression des individus. Une commission gouvernementale de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, sous la présidence de Gérard Bouchard et de Charles Taylor, a fait un état des lieux de la situation et formulé diverses propositions pour favoriser le vivre-ensemble dans cette province. Cette discussion est actuelle dans nombreuses démocraties occidentales. En Suisse aussi, le processus de mondialisation et d’individualisation amène des populations de cultures diverses à partager l’espace public. Lire la suite...
Au risque de se dévoiler...
Lire la suite...Le citoyen moderne utilisateur de technologies de l’information est aveugle face à la société de surveillance. Il aime à se mettre en scène publiquement. À poser sur des pages web : il s’exprime partout, la plupart du temps sans réfléchir, et partage sa sphère privée avec des étrangers. (p. 146)
Gauche – droite : un affrontement dépassé ?
Les valeurs soutenues par les politiciens de gauche sont-elles dépassées dans le contexte économique occidental ? Les aspirations au progrès du genre humain sont-elles incongrues dans le confort matériel qui dicte la norme des personnes aisées, mais aussi de celles qui se débattent dans les difficultés quotidiennes ? Lire la suite...Sur les cartes, mais aussi dans les têtes, il y avait “droite” et “gauche” et, entre les deux, une ligne de démarcation infranchissable. Depuis 1989-1990, on ne cesse de se répéter que le monde est devenu insaisissable.
Zeh, J. Trojanow, I (2010)
Atteinte à la liberté: les dérives de l'obsession sécuritaire
Arles: Actes Sud.
Les humiliations de l'exil
Avec conviction, Francine Rosenbaum témoigne de sa pratique de logopédiste et d’ethnoclincienne à Neuchâtel. Elle valorise son expérience familiale d’appartenances multiples, racines juives en Lituanie et à Vienne, ascendance vaudoise et protestante, scolarisation au Tessin et études en Suisse alémanique. De cette histoire ponctuée de blessures, elle a pu se forger une identité qui lui permet de créer un lien avec les familles de ses consultants. Ce parcours lui a surtout permis d’avoir une empathie particulière pour les enfants de migrants rencontrés dans sa pratique. Lire la suite...
Cent jours, cent nuits
David Hohl s’est engagé résolument, avec une part de naïveté certes, dans l’aide au développement dans l’intention de venir au secours des plus faibles, des plus opprimés. Pourtant son lieu d’affectation, malgré la pauvreté endémique, lui apparaît comme privilégié, par le climat, par l’ordre qui insinue l’ennui chez celui qui rêvait d’une action chevaleresque. Ce monde bien réglé de techniciens et d’administrateurs incite David, comme chacun des expatriés de la mission d’ailleurs, à tromper cette routine écrasante, ce monde de représentation et d’accommodements. Aveugle aux tensions, sourd aux bruissements annonciateurs de violences, il n’a de cesse de retrouver et de séduire Agathe, la rwandaise qui dès l’envol de Bruxelles l’oblige à interroger ses a priori. Lire la suite...
Favoriser les apprentisages
Favre, D. (2010). Cessons de démotiver les élèves : 18 clés pour favoriser l'apprentissage. Paris: Dunod. Lire la suite...Veux-tu n'être pas frustré dans tes désirs ? Tu le peux : ne désire que ce qui dépend de toi.
Épictète
Prévenir la violence : possible !
La démarche empirique de Daniel Favre pour traiter de la violence en milieu scolaire a éveillé mon intérêt. L’originalité du parcours professionnel de l’auteur influence profondément son livre. Neurobiologiste, spécialiste du cerveau, il montre l’évolution du fonctionnement de cet organe dans la croissance de l’être humain et indique comment la violence peut s’installer dans ce processus, parasiter le développement et engendrer une dépendance (toxicomanie sans drogue). Lire la suite...
Kurt von Hammerstein-Equord

Sez Ner
Lire la suite...Dils scolasts sefidel jeu buca, di il signun cun egliada strentga. Ils scolasts ein retgs egl agen reginavel. Quei ei malsegir. Sco Pilatus stendan ei il det polisch ensi ni engiu. Culs scolasts hai jeu serrau giu, di il signun. El hagi giu in scolasts, nov onns il medem mazzacarstgauns, quel havevi en in tschoss alv e zuornavi ils affons sco vaccas. Quei truschasabientschas hagi bunamein scarpau giu in’ureglia ad el. Dapi lu sefidi el buca pli da quels cun tschoss alvs e vestgius ners.
Regards sur les personnes en situation de handicap
Le regard qu’une société pose sur l’Autre, qu’il soit étranger ou handicapé, révèle à bien des égards les valeurs qui la fondent. L’ouvrage d’Éric Plaisance fait un état des lieux de la situation des personnes en situation de handicap en France et de manière plus générale en Europe occidentale. Lire la suite...
Travailler avec les familles
L’étude de Daniel Verba, assistant social dans un groupe d’écoles de la banlieue parisienne, met en évidence la nécessité de collaborer entre les différents intervenants du milieu scolaire et de trouver les moyens d’établir un dialogue avec les familles.
Il met en évidence l’antagonisme historique qui existe entre le milieu familial et l’institution scolaire (l’école de Jules Ferry fonde une éducation nationale s’écartant des dogmes de la religion et des cultures régionales). Lire la suite...
Le nomade polyglotte
Philosophe et théologien, Jean-François Malherbe a enseigné l’éthique dans de nombreuses universités européennes et canadiennes. Il est conseiller en éthique de plusieurs institution, notamment de la direction générale du Comité international de la Croix-Rouge et de la police lausannoise. Lire la suite...
Permettre aux enfants de penser
Confronté dès le début de sa carrière à des élèves ayant de sérieux troubles du comportement, Serge Boimare, non sans réticences, leur lit mythes et contes. Il constate que la cohésion du groupe ainsi induite crée un terreau fertile aux apprentissages. Lire la suite...
Chagrin d'école
Ce récit autobiographique, expérience d’un élève ayant souffert d’une scolarité difficile devenu écrivain après avoir été enseignant, donne quelques clés pour comprendre la situation de l’école aujourd’hui et en comprendre les changements. Lire la suite...
Que dit le Coran ?
Le Prophète et l'ange Gabriel
Tabriz Perse, 1307
"Que dit le Coran ?" C’est la question que l’on pose aux politologues français d’origine égyptienne Bahgat Elnadi et Adel Rifaat qui écrivent sous le pseudonyme de Mahmoud Hussein. Les pratiquants attendent “que le Coran [apporte] des réponses claires, univoques, définitives à toutes les questions qu’ils se posaient, comme il n’avait cessé de le faire, croyaient-ils, à toutes les questions que se sont posées les musulmans depuis l’avènement de la Prophétie”.
Lire la suite...
L'avènement du métis
Lire la suite...[L’élection d’Obama] touche à l’emblématique. Elle signifie que le face-à-face blanc-noir aux Etats-Unis est terminé. L’élection d’Obama est celle de tous les migrants. Ce qui a gagné, c’est l’idée du métissage et la réalité de la créolisation.
Edouard Glissant
Le migrant connecté
Les technologies de l’information, la télévison satellitaire modifient le rapport de chacun à l’espace. La sociologue Dana Diminescu a fait de l’Internet son terrain de recherche et a pu observer que dans notre société globalisée, la migration ne rime plus avec coupure. Le rapport modifié avec le lieu d’habitation intéresse autant les pays de destination qui cherchent à contrôler les flux migratoires que les pays d’émigration qui tentent de tirer profit de leurs ressortissants exilés.Hier : immigrer et couper les racines ; aujourd’hui : circuler et garder le contact. Cette évolution semble marquer un nouvel âge dans l’histoire des migrations : l’âge du migrant connecté.
Dana Diminescu
Les nouvelles que le migrant communiquent à ceux qu’il a laissé peuvent prendre des formes diverses…
Le Temps du 27 février 2009 repris par le Courrier International
Le site TIC et migrations
Le frère et l'ami : étrangers ?
Lire la suite...[Sie starb.] Vielleicht hätte sie mir die Fragen beantworten können, die mich seitdem bewegen. Zur Trauer, meiner, gehört auch, nicht gefragt zu haben. Nicht mehr die Möglichkeiten haben, etwas zu klären, zu erklären. Und zu verstehen.
Der Freund und der Fremde
Les accomodements raisonnables

Immigrants allemands et finlandais au Québec, 1911 Source : Bibliothèque et Archives Canada, PA-010261 www65.statcan.gc.ca
Au début des années 1970, la Province du Québec met en place une politique favorisant l’intégration des immigrants. Son application au fil des jours, son évolution au gré de nouveaux courants migratoires, provoquent débat et discussion. Cet acte volontariste crée des remous et, de mars 2006 à juin 2007, de nombreux incidents liés à des différences de valeurs ont un énorme retentissement médiatique. Suite à ces événements une Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement est nommée et livre un rapport, courant 2008, qui incite à rechercher des équilibres et des compromis valorisant l’action citoyenne et la responsabilisation des acteurs individuels et collectifs. Lire la suite...Kosovo fragments d'impacts
Lire la suite...Non, je n’ai pas pu distinguer les bons des mauvais. Je n’ai pu prendre parti et au fond de moi je sais pourtant que j’étais venu pour cela.
Aleks Wasieczko
Un héros resté larve
Lassé de n’être que chenille, dans l’attente de devenir papillon, le narrateur met les choses au point sur son passé, essentiellement sur ses années de guerre, sur le front de l’Est. Ce parcours de combattant qui l’a mené dans le Caucase, puis à Stalingrad, avant son repli sur Berlin ne l’a pas laissé indemne, tant physiquement que psychologiquement. Lire la suite...
Le choc des civilisations : une voie erronée
L’historien et essayiste d’origine bulgare Tzvetan Todorov ne se satisfait pas de la thèse de Huntington qui incite les Américains et les Occidentaux à réaffirmer avec force leur appartenance à une civilisation particulièrement menacée par la Chine et l’Islam depuis l’effondrement de l’URSS.
Dans une perspective historique, il se réfère aux notions de barbarie et de civilisation au cours des siècles et à la séparation que les Grecs faisaient entre « nous », les Grecs, et « les autres », les barbares qui ne maîtrisent pas notre langue, les étrangers. Le barbare offense les interdits sociaux grecs et il n’a pas la même notion de la pudeur. Lire la suite...
Normalités
Jollien, Alexandre. (2006). Eloge de la faiblesse. Paris: Les Ed. du Cerf.
Les prescriptions acides de Jean-Louis Fournier concernant le respect des règles de la grammaire française ou de l’arithmétique, ses conseils éducatifs grinçants ou son regard désabusé sur le cuir chevelu des anciens jeunes donnent réponse à la question Je vais faire pleurer ou je vais faire rire ?. Quel rôle assumer quand on est père de deux enfants handicapés ? Lire la suite...Après-demain, c’est la fête des mères. «Chic ! disent les orphelins, on va de nouveau faire des économies».
Fournier, Jean-Louis. (1996). Grammaire française et impertinente. Paris: Ed. Payot.
La nécessaire autorité
Claude Halmos (2008). Paris : NiL éditions
La première phrase donne le ton : savoir dire non à ses enfants. La pédopsychanalyste et chroniqueuse Claude Halmos n’en reste pas là en soutenant la nécessité d’une autorité plus affirmée. Et elle ne craint pas de défendre qu’il existe de bonnes fessées ! Malgré ces affirmations qui ne sont pas dans le ton de l’époque, l’ouvrage ne défend pas une autorité à l’ancienne, instrument de soumission à l’adulte, mais insiste sur la nécessité de poser des limites pour permettre le développement de l’enfant. Par ce livre, Claude Halmos aimerait que les parents comprennent en quoi leur autorité est nécessaire. Lire la suite...
Le Christ philosophe
Lors du processus d’élaboration de la Constitution européenne les membres de l’Union se sont déchirés sur la nécessité de faire figurer ou non dans le préambule la référence aux « racines chrétiennes de l’Europe ». Frédéric Lenoir apporte une réponse intéressante à cette polémique en constatant que «si le christianisme a été […] déterminant dans l’avènement de notre monde moderne, il n’est plus aujourd’hui nécessaire de connaître son message ou d’y adhérer pour être pleinement européen. » Lire la suite...
Le monde de l'éditorialiste
Lire la suite...J'ai une telle peur du chaos et de la barbarie qu'il porte en lui, une telle détestation de la furie révolutionnaire, de ces chocs sanglants dont l'injustice accouche immanquablement, que je ne peux ni ne veux dissocier le journalisme d'une volonté d'éclairer la route vers plus d'harmonie, vers la perception des raisons de l'autre et ces permanentes concessions réciproques qui, seules, préviennent les guerres.
Bernard Guetta
L'homme musulman
L'auteure d'origine turque attribue le nombre élevé de jeunes hommes musulmans dans les prisons allemandes au modèle social véhiculé par leur famille plus qu'à la discrimination sociale ou aux carences éducatives. Son essai se rapporte aux migrations kurdes et turques en Allemagne ; elle pourrait aussi concerner d'autres populations qui reproduisent leur système de valeur dans le pays d'accueil. Lire la suite...
Le Kosovo autrement
La société du Kosovo dans la décennie 1991-2001
La question de la mémoire est présente dans le conflit qui oppose Serbes et Albanais. certains en font remonter l’origine au Moyen-Âge, mais les causes directes se trouvent dans le demi-siècle communiste. C’est sous cette ère que les dirigeants et l’élite ont été formés et c’est elle qui a façonné la société actuelle. Lire la suite...Les Balkans autrement
Deux axes principaux constituent cet ouvrage : le premier se rapporte aux guerres yougoslaves de 1991 à 1999, alors que le second analyse la transition du communisme à l’intégration européenne. Lire la suite...
Puzzle balkanique
Présentation de l'ouvrage sue le site de Chronos
Lire la suite...Le criminel et sa victime ont tous les deux survécu : c’est les conditions préalables du procès [d’Auschwitz]. Ce qui les sépare, aujourd’hui, c’est avant tout la psychologie du souvenir, du mécanisme d’oubli. Les uns veulent oublier et ils ne le peuvent pas, aux autres on demande de se souvenir mais ils ne le peuvent pas non plus, ils ont tout oublié.
Horst Krüger, Un bon Allemand
Les Balkans, proches et différents
Lire la suite...Le Seigneur annonça à ses amis qu'ils allaient maintenant entendre des rhapsodes des Balkans venus tout droit de la bataille de Kosovo où la chrétienté avait essuyé une lourde blessure, et il exhorta tous les assistants à prier : Puisse celle-ci être la dernière !
Dans le profond silence qui s'installa, chacun à son tour, dans sa langue, entonna le vieux chant, chant aussi froid que la pierre : Un épais brouillard couvre la plaine des Merles; Serbes levez-vous, les Albanais nous enlèvent le Kosovo ! – Ô ! Quel brouillard opaque nous enveloppe. Dressez-vous, Albanais, le Kosovo tombe aux mains du Slave !KADARÉ Ismail. Trois chants funèbres pour le Kosovo. 1998. Fayard
Les Balkans, le décor
Lire la suite...[…] les amis sortaient de terre sous nos pieds: Il y a en Serbie des trésors de générosité personnelle, et malgré tout ce qui y manque encore, il y fait chaud. La France peut bien être – comme les Serbes se plaisaient à nous le répéter – le cerveau de l'Europe, mais les Balkans en sont le coeur, dont on ne se servira jamais trop.
BOUVIER Nicolas. L'usage du monde
À pied du Rhône à la Maggia

Les photos aux sombres contrastes et le travail graphique de Matthieu Gétaz donnent envie de se couler dans les pas de S. Corinna Bille et de partir sans délai.
Notice Corinna Bille sur le site de La joie de lire
American Youth
traduit de l’anglais par Marc Amfreville

Nouvelle de Phil Lamarche sur le site de l'éditeur
« En joue… Feu ! » Ted assiste aux funérailles de son oncle et aimerait que les honneurs militaires rendus au défunt ne cesse jamais, il est submergé par l’émotion alors qu’il le connaissait à peine.
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Quelle place pour l’allophonie et la diversité culturelle à l’école ?
Cet ouvrage rapporte le suivi d’un projet mené dans la banlieue lausannoise en 2004-2005 dans une classe de cycle de transition (7H). Il situe cette expérience dans un contexte théorique et décrit le processus de mise en œuvre. Il n’évalue pas les résultats sur le parcours scolaire des élèves (qui se mesurent sur le moyen terme) mais analyse le regard des adultes et des enfants. Lire la suite...