Moderne sans être occidental
Une part de la fascination pour le Japon est due au décalage entre un mode consumériste familier et un formalisme extrême. Cette distance que ressent le gaijin, l'étranger, est une constance historique de la civilisation nippone. Elle préserve sa spécificité plutôt qu'elle ne rejette la marche du monde; une politique nationale qui n'est pas exempte de dérives.
La révolution/restauration/rénovation Meiji a été un tel bouleversement que ses répercussions ont dépassé les frontières du Japon. Le manga de Sekikawa et Taniguchi documente visuellement cette onde de choc, alors qu'en analysant cette période, Pierre François Souyri, spécialiste du Japon médiéval, met en évidence les champs de tensions qui se créent après 1868 et qui amèneront au désastre de 1945.
[C]eux qui s'étaient emparés du pouvoir en 1868 le conservèrent durant toute l'ère Meiji. Le Japon bénéficia alors d'une formidable stabilité entre les mains d'un groupe tout-puissant, celui des bureaucrates à la fois modernistes et conservateurs, dont beaucoup avaient appartenu aux anciens fiefs de Chôshû et de Satsuma. Car c'est là que git l'apparente contradiction: ceux qui, parfois malgré eux, allaient mettre en place l'État-nation moderne furent souvent issus des factions les plus conservatrices de l'appareil d'État.
p. 171

Braconnages
Kaiser-Mühlecker, après avoir exposé les réalités d'une paysannerie autrichienne influencée par l'histoire autrichienne, au travers de plusieurs générations des Goldbacher du Rosenberg, s'intéresse à leurs voisins, les Fischer.
Le métier tel qu'il l'exerçait avait beau ne pas correspondre, la plupart du temps, à la conception - un brin surannée, il est vrai - qu'il se faisait du métier d'agriculteur, et de sa propre personne, cela valait encore mille fois mieux que d'aller travailler quarante heures par semaine ou davantage pour autrui, comme il avait été contraint de le faire dans le passé. Certes, il arrivait que la confiance et la foi l'abandonnent.
p. 37-38

Faire paysan
Derrière ce titre, une certaine ambiguïté :[C]e livre n'est pas un manuel de politique agricole. Je n'ai évidemment pas la prétention de proposer des solutions. Je n'en ai pas l'envie, et encore moins les compétences. Je souhaite simplement transcrire un maximum de points de vue, ouvrir le débat, apporter de la nuance et partager des informations.
p. 75
Faire paysan, c'est assurément dépréciatif, le péquenot fruste et inculte dont les cultures sont paradoxalement nécessaires à tant de vies villageoises et citadines.
Faire paysan, c'est envisager un métier exigeant dans un contexte économique particulièrement instable pour la profession, atteindre un idéal de relation à la terre. Lire la suite...
Le carton de mon père
Cartons bananes à Paris – wikimedia commons et flickr
Bärfuss Lukas. Le carton de mon père : réflexions sur l’héritage. Zoé, 2024Lors d'un déménagement, il n'est pas exceptionnel qu'un carton à bananes reste stocké en attendant un regain d'énergie ou qu’un déplacement suivant règle rapidement son sort. Le carton de la Del Monte Company de Lukas Bärfuss avait déjà transité par de nombreuses adresses sans avoir été déballé. Ce paquet contenait le solde de l'héritage, par ailleurs répudié, de son père.
Les morts ne paient pas leurs dettes. Ils lèguent des coûts que quelqu'un doit prendre en charge.
C'était aussi pour cette raison que l'économie libérale faisait parler d'elle. Sa bonne réputation était endommagée. Trop de morts laissaient à leurs héritiers des coûts trop élevés, d'une ampleur tout autre que les dettes de mon père. Dès les débuts, il y avait eu des critiques à l'égard du marché mais désormais, il ne s'agissait pas seulement de le soumettre, lui et ses mécanismes, à un débat politique ou juridique. Notre existence était en jeu. La biosphère de notre planète était détériorée.p. 42
