EOLE, un vent nouveau souffle sur Babel

Cours HEP réf. FR027, formatrice Claudine Balsiger

Le cours suivi par une vingtaine d’enseignant-e-s d’Aigle a suscité l’envie d’utiliser les moyens d’enseignement EOLE mis à disposition des classes primaires et de celles du cycle de transition. Ces livres qui se déclinent en deux volumes selon qu’ils s’adressent aux élèves enfantines et des deux premiers degrés primaires ou à ceux de 5e à 8e permettent de favoriser l’ouverture aux langues de chaque enfant, francophone ou allophone.
Suite aux constats, au début des années 1980, du manque de compétences linguistiques des jeunes Britanniques, une réflexion a été menée pour faciliter à la fois la maîtrise des langues étrangères par les anglophones et une meilleure intégration des populations migrantes. La politique d’enseignement des langues en Suisse Romande (déclaration de la CIIP du 30 janvier 2003) a été influencée par ses travaux et a fait une place aux langues maternelles des élèves dans le but de :
  • Permettre une prise de conscience de la diversité des langues de tous les élèves et du rôle spécifique du français comme langue commune de la scolarisation.
  • Sensibiliser à la nécessité de développer des compétences linguistiques.
  • Développer la curiosité des élèves pour la découverte du fonctionnement des langues, de leur capacité d’écoute et d’attention pour reconnaître des langues peu familières.
  • Structurer les connaissances linguistiques par une démarche comparative et le développement de compétences de repérage, d’analyse et de classement.
couverture d'EOLE

Ces démarches de sensibilisation peuvent donner l’impression de gaspiller un temps précieux au détriment de l’enseignement du français et de ne pas avoir beaucoup de sens dans notre contexte social où plus de 45% des élèves déclarent comme langue maternelle un autre idiome que celui de l’enseignement. Pourtant cette reconnaissance de l’altérité produit des effets positifs : une enseignante a constaté que les activités EOLE menées par sa collègue en français avaient rendu les enfants plus curieux et favorisé leurs questions en maths. Ainsi la reconnaissance d’une culture et d’une langue a-t-elle aidé des élèves à développer leurs aptitudes de communication et les a encouragé à augmenter leurs connaissances lexicales.
Le cours donné par Mme Claudine Balsiger a favorisé la motivation des enseignants en précisant le sens de cette démarche d’ouverture aux langues, en expliquant les buts qui peuvent être atteints par les diverses séquences, sans oublier d’évoquer le statut des langues dans notre société par des citations de la chroniqueuse Anna Lietti ou de l’écrivaine Agota Kristóf.

Quelques liens pour l’éveil aux langues :
http://lexilogos.com/
http://www.irdp.ch/eoleenligne
http://metic.hepl.ch/framlo/

L’analphabète, récit autobiographique, Ágota Kritóf, Zoé 2004

Au début, il y avait une seule langue. Les objets, les choses, les sentiments, les couleurs, les rêves, les lettres, les livres, les journaux, étaient cette langue.
Je ne pouvais pas imaginer qu’une autre langue puisse exister, qu’un être humain puisse prononcer un mot que je ne comprendrais pas.
Dans la cuisine de ma mère, dans l’école de mon père, dans l’église de l’oncle Guéza, dans les rues, dans les maisons du village et aussi dans la ville de mes grands-parents, tout le monde parlait la même langue, et il n’était jamais question d’une autre.
[…]
À l’âge de vingt-et-un an, à mon arrivée en Suisse, et tout à fait par hasard dans une ville où l’on parle le français, j’affronte une langue pour moi totalement inconnue. C’est ici que commence ma lutte pour conquérir cette langue, une lutte longue et acharnée qui durera toute ma vie.
Je parle le français depuis plus de trente ans, je l’écris depuis vingt ans, mais je ne le connais toujours pas. Je ne parle pas sans fautes, et je ne peux l’écrire qu’avec l’aide de dictionnaires fréquemment consultés.
C’est pour cette raison que j’appelle la langue française une langue ennemie. Il y a encore une autre raison, et c’est la plus grave : cette langue est en train de tuer ma langue maternelle.

Présentation de l'œuvre sur culturactif