Dissident Club

Taha Siddiqui et Hubert Maury, «Dissident Club. Chronique d’un journaliste pakistanais exilé en France», Glénat

La curiosité serait un vilain défaut, mais pour Taha Siddiqui c'est un devoir qu'il a mené au péril de sa vie.
Né dans une famille pakistanaise à Djeddah, Arabie saoudite, il a bravé les interdits familiaux pour s'engager pleinement dans le journalisme jusqu'à ce que sa ténacité provoque un tel agacement que l'armée a concrétisé ses menaces.

L'apparente facilité avec laquelle les cheiks, imams et autres mollahs parviennent à radicaliser leurs cibles peut paraître étonnante. Dans toutes les cultures, ce messianisme – le plus souvent porté par le fondamentalisme religieux – permet un succès immédiat à ses leaders sans réduire les inégalités qui ont favorisé l'endoctrinement de ses adeptes.
Maury Siddiqui
L'enfance de Taha Siddiqui rappelle celle de l'Arabe du futur. Comme Riad Sattouf la conversion au vrai islam du père le promet à un grand avenir. Le parcours de ce père, Shakeel, parti travailler en Arabie saoudite pour accéder à la classe moyenne de son pays – une réalisation à l’occidentale – le rend vulnérable aux propagandistes. Cet exil place également son fils entre deux cultures, le rigorisme saoudien et une apparente liberté pakistanaise. Deux régimes qui, ironiquement, prospèrent grâce à la bienveillance des États-Unis plus soucieux du maintien de l'ordre que du respect de l'humain.
Suivant un récit pour l'essentiel chronologique en cases bien ordonnées, le scénario journalistique montre l'impact des événements sur le quotidien de la population et tente d'expliquer certaines incongruités politiques. La lutte contre le terrorisme apporte des fonds au Gouvernement pakistanais mais les actions d'un groupe comme le Lashkar-e-Taiba (l'armée des purs, considérée proche d'Al-Qaïda par le Conseil de sécurité de l'ONU) permettent d'exacerber le ressentiment à l'égard de l'Inde à moindre frais, sans oublier que sa branche caritative, le Jamaat-ad-Dawa, est bien plus efficace à agir lorsque, comme un octobre 2005, survient un désastre naturel.
En dénonçant cette duplicité et surtout la mainmise de l'armée sur la politique, obtenue grâce à la complicité des islamistes les plus rigoristes, Taha Siddiqui a franchi les limites. Échappant à une tentative d’enlèvement, il vit désormais à Paris avec sa famille où il a fondé le Dissident Club, dédié à lutter contre le musellement des oppositions.
Le trait dynamique de Hubert Maury sert la vivacité du personnage central, un journaliste idéaliste qui, en se rêvant superhéros, a préféré ses convictions au confort de la complaisance.

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Philippe Chassepot pour Le Temps