2021

et tournera la roue

Demirtaş Selahattin, et tournera la roue : nouvelles , Paris, Points, E. Collas, 2019.

Après ses premières nouvelles de prison, L'aurore, Demirtaş poursuit sa carrière d'écrivain avec ce recueil à l'ironie plus mordante encore. Ces traits nous épargnent cependant de la tonalité désespérante de ces nouvelles.

La mort était devenue monnaie courante, si bien que les destructions et les massacres faisaient partie de la vie quotidienne. Au cours de ces événements, ce qui était encore pire que la mort, c'était le silence assourdissant du reste du pays, et celui du monde entier.

p. 151



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L'ombre d'un père

Hein Christoph, L’ombre d’un père, Paris, Points Métailié, 2021.

Mon père a a tellement d'êtres humains sur la conscience. Et maintenant en plus il m'assassine, moi.

p. 355

Dans un langage simple, celui du témoignage oral, Christoph Hein nous fait revivre son expérience de la République démocratique allemande. Konstantin Boggosch vient de prendre sa retraite d'enseignant lorsqu'il reçoit un nouveau rappel de sa filiation. Un père qu'il n'a jamais connu, mort avant même sa naissance, détermine son parcours de vie. Malgré ses tentatives de les ignorer, et une forme d'acceptation de cette réalité, ce poids pèse irrémédiablement.
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L'Auberge du Cheval-Blanc

L’auberge du Cheval Blanc
Opérette de Ralph Benatzky, 1930

Joyeux méli-mélo dont la première a été donnée à Berlin. La mise en scène de Gilles Rico conserve cet aspect pot-pourri qui associe yodel, valses viennoises et références au music-hall berlinois. La scénographie extravagante qui rappelle les boules à neige convient à des fêtes hantées par l'oscillation du delta à l'omicron.
À chaque époque ses travers, si le texte original est jugé aujourd'hui sexiste, l'adaptation joue sur l'ambiguïté des expressions du genre.

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Soupçon de liberté

Sexton Margaret Wilkerson, Un soupçon de liberté, Arles, Actes Sud, 2020.

En se concentrant sur trois périodes déterminées de l'histoire récente de la Nouvelle-Orléans, Margaret Sexton nous propose une clé de compréhension des inégalités raciales dans le Sud étasunien. Trois générations en recherche d'une liberté si difficile à obtenir que les galères semblent inéluctables. Le contexte qui empêche de s'élever contraint-il au déclin ou des choix personnels pertinents permettraient-ils de vaincre cette fatalité ?
Aux inégalités préexistantes, viennent s'ajouter des circonstances aggravantes. En choisissant 1944, 1986 et 2010, Sexton indique les marqueurs que constituent la Seconde Guerre, la politique néolibérale de Reagan et l'ouragan Katrina en Louisiane. Lire plus…

Jean-Marc Falconnet – Charles Copaver

Origine Galerie Focale Nyon

oublier [ses origines] c’est se priver d’une partie de soi-même

Jean-Marc Falconnet



Découvrant tardivement ses noms de naissance et la réalité de son origine guadeloupéenne, Falconnet/Copaver se lance dans la photographie en autodidacte. Sa série self illustre une quête de soi, jusqu'à l'intime.

Le site de la galerie
Site du photographe
Laetitia Wider, Jon Björgvinsson pour la RTS
Stéphane Gobbo pour Le Temps

Tout ce qui est beau

Mégevand Matthieu, Tout ce qui est beau. Paris, Flammarion, 2021.

Comment traduire la beauté des œuvres de Mozart au travers des mots ? Pour conclure sa trilogie consacrée à la création artistique, poésie, peinture et composition, Matthieu Mégevand communique un enthousiasme pour Wolfgang Gottlieb Mozart.

Il faut dire que, par-dessus tout, ce que Mozart apprécie, c'est d'être écouté. Non pas entendu de loin par une foule ornée, ceux qui payent, qui ordonnent, qui décident ; non, écouté par des auditeurs – un, deux seulement, peu importe qui apprivoisent, saisissent son langage et s'en émeuvent.
Alors, sentant bien qu'il y a là, enfin, un public pour le comprendre, Mozart joue : envoûté, il s'agite, s'enflamme, son corps sursaute, sa tête brinquebale, son buste bascule, c'est comme un volcan qui se réveillerait ; mais c'est d'une éruption de joie qu'il s'agit, d'un formidable éclaboussement de bonheur, celui de savoir – à l'attention des auditeurs, à leur silence – que toute cette lave qui bout dans ses tréfonds ne jaillit pas en vain, et qu'il n'est pas seul à se sentir consumé.

p. 80-81

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Lamb

Lamb de Yared Zeleke (Ethiopie – France – Allemagne – Norvège 2015), avec Rediat Amare, Kidist Siyum, Welela Assefa, Rahel Teshome, Surafel Teka, Indris Mohamed, Bitania Abraham. 1h34.

Récit de formation, le film de Yared Zeleke, réalisateur éthiopien, insère dans un somptueux décor des réminiscences de son enfance. Ce retour aux origines, souvent elliptique, renforce l'onirisme de cette œuvre.
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Entre les lignes

Mermoux Dominique (dessin), Beaulieu Baptiste. Entre les lignes. Rue de Sèvres, 2021.

Grâce aux trois carnets découverts suite à son décès, le vieil homme, grand-père de Baptiste Beaulieu, ouvre une porte sur sa mélancolie. Ce recueil de lettres jamais expédiées racontent la vie d'un homme né à la veille de la Grande guerre et son grand secret.

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J'irai dans les sentiers

Pajak Frédéric. J’irai dans les sentiers. Les Editions Noir sur Blanc, 2021.

Le dernier tome du Manifeste incertain à peine refermé, Frédéric Pajak nous livre un nouveau volume de textes et dessins consacrés à trois poètes français majeurs des années 1870.

J'ai le goût du lendemain, même si, ou surtout si, ce lendemain me reconduit à des sensations anciennes et qui perdurent, preuve que le temps s'est fortifié en moi, et qu'il me fait vivant, et gai, et désespéré – jamais amer.

p. 290

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Peindre les âmes

Arditi Metin. L’homme qui peignait les âmes. Bernard Grasset, 2021.

Le dernier roman de Metin Arditi nous emmène au Proche-Orient, il y a près d'un millénaire. Saisi par la beauté d’une icône du monastère de Mar Saba, à l’est de Bethléem, il écrit un conte pour en décrire la genèse.

Au contraire des icônes qui montraient des saints dans le propos de renvoyer le spectateur à son devoir de vénération, ses peintures – puisqu'il s'agissait de cela – étaient le miroir embellissant de son âme.

p. 231-232

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Démocratie

Hayat Samuel. Démocratie. Anamosa, Les mots pour le dire, 2020.
democratie anamosa

Un bref essai, trop succinct peut-être, pour traiter des forces et des limites de ce système de gouvernement. Fidèle à la ligne éditoriale d'anamosa, l'auteur interroge l'opposition entre les conceptions politique et sociale de la démocratie. Il ne cherche pas à réduire la tension entre ses deux compréhensions, mais montre plutôt le potentiel d'évolution qu'elle permet.

Un des héritages du libéralisme dans les gouvernements représentatifs contemporains est de mettre une limite au pouvoir des législateurs et des gouvernants. Les députés qui votent les lois et les gouvernements qui les exécutent le font dans un cadre constitutionnel et en respectant des principes qu'ils ne peuvent remettre en question et auxquels ils doivent eux-mêmes se soumettre, ce qu'on appelle l'état de droit. Or, si le peuple est lui-même l'auteur de la loi, comment justifier de limiter son pouvoir ? Il existe une affinité entre l'idée que le peuple est l'auteur de la loi et la défense du pouvoir absolu de l’Etat, car rien ne peut justifier que l’on limite le pouvoir du peuple.

p. 23-24


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Madame Hayat

Altan Ahmet. Madame Hayat. Actes Sud, 2021.

Le dernier roman d'Ahmet Altan n'est pas encore paru en Turquie, faute d'éditeur. Le risque économique encouru serait probablement trop grand tant le contenu métaphorique de cette oeuvre écrite en prison dénonce la politique coercitive de la Turquie.

– Un jour, tu oublieras tout ça, tout ce que nous sommes en train de vivre maintenant.
Elle se tut, respira longuement.
– La seule chose que je te demande, c'est de choisir un moment, un unique moment... Et de ne pas oublier ce moment... Si tu essaies de te souvenir de tout, tu oublieras tout... Mais si tu choisis un moment parmi tous ceux que nous avons partagés, alors il t'appartiendra pour toujours, tu ne l'oublieras jamais... Et moi je serai heureuse, heureuse de savoir que j'existe encore pour toi, à jamais gravée dans un coin de ton esprit comme le souvenir d'un moment que nous avons vécu ensemble.

p. 75-76


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Les Variations Goldberg

Anne Teresa De Keersmaeker / Pavel Kolesnikov
Théâtre de Vidy hors-les-murs


Bach a agencé sa musique comme un cosmos. Tout s’y organise autour du centre immobile de la ligne de basse de l’Aria. On a beaucoup écrit sur la symbolique des nombres dans une œuvre comme les Variations Goldberg […]. La symbolique des nombres m’a toujours énormément intéressée.

Anne Teresa De Keersmaeker

L'intérêt de la chorégraphe et danseuse pour l'agencement de cette pièce musicale transparaît dans ses mouvements extrêmement codifiés dont se dégage pourtant une atmosphère recueillie et onirique.



Jan Vandenhouwe (Opera Ballet Vlaanderen) pour l'opéra La Monnaie
Alexandre Demidoff pour Le TempsInterview de Anne Teresa De Keersmaeker
Site du théâtre de Vidy

Le Ciel de Nantes

Texte et mise en scène Christophe Honoré – Théâtre de Vidy hors-les-murs
avec Youssouf Abi Ayad, Harrisson Arévalo, Jean-Charles Clichet, Julien Honoré, Chiara Mastroianni, Stéphane Roger, Marlène Saldana.

Ce film, nous ne le verrons pas. Il s’intitule Le Ciel de Nantes et c’est un film imaginaire, un film sur ma famille que je ne me suis jamais décidé à tourner.

Christophe Honoré

La mort saisit les survivants. Quand elle semble s'acharner sur vos proches, elle peut provoquer un accablement... ou déclencher un processus créatif. Christophe Honoré, l'auteur et metteur en scène, ébauche un projet de film pour libérer la mémoire d'une adolescence traversée pas tant d'émotions. La quête d'une forme adéquate pour traiter ce matériel autobiographique évoque la recherche de Rithy Panh.
Pour Honoré, c'est l'écriture théâtrale qui s'avère la plus adéquate pour faire revivre sa famille maternelle. Un travail de remémoration auquel il associe ses interprètes. En les impliquant dans un exercice d'improvisation, il semble mettre à l'épreuve sa compréhension des interactions.
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L'image manquante

L'image manquante, de Rithy Panh (France/Cambodge, 2013)
Image manquante

Entre les séquences, des vagues qui déferlent sur l'écran qui indiquent la puissance du traumatisme subi par le réalisateur dans l'enfer du Kampuchéa démocratique. Comment mettre en images l'expérience vécue lorsque tout a été détruit ? Quelques archives cinématographiques rappellent l'héroïsation des despotes, quelques autres présentent le vain travail des masses en grande chorégraphie du peuple. On aimerait oublier les dernières qui reflètent la calamité qui s'est abattue sur la population.

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Le silence d'Isra

Rum Etaf. Le silence d’Isra. Pocket, Éditions de l’Observatoire, 2021.

Américaine d'origine palestinienne, Etaf Rum, connait la situation des femmes musulmanes de New York. Son roman, autour de trois générations de établies à Brooklyn, offre une perspective qui tranche avec la tendance française à se focaliser sur la religion islamique. Il souligne ainsi la richesse que représente les différents points de vue pour la compréhension des phénomènes sociétaux.

« Ce n'est pas parce que tu es née ici que tu es américaine. Tant que tu vivras au sein de cette famille, tu ne seras jamais américaine. »

p. 316

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Les Noces de Figaro

Opera buffa en quatre actes
Livret de Lorenzo Da Ponte d’après Le mariage de Figaro de Beaumarchais

Joie de retrouver un théâtre attentif et vibrant de plaisir – costumes éblouissants dans un décor évocateur de Goya.

Voilà comment sont les maris modernes: infidèles par principe, capricieux par humeur, et tous jaloux par orgueil.

Acte II, scène 2


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La révolution silencieuse

La Révolution silencieuse (Das schweigende Klassenzimmer) – un film de Lars Kraume Allemagne, 2018

Les représentations de la vie derrière le rideau de fer peuvent être manichéennes, alignées sur des positions politiques. Le film de Lars Kraume dénonce la société est-allemande en évitant de tomber dans le piège de l'idéologie.

Les « fake news » ne sont qu'une nouvelle forme de propagande. Le mécanisme est exactement le même : les vérités sont déformées et propagées, puis tout le monde parle en même temps et croit ce qu'il entend. Qu'on appelle cela de la propagande ou des « fake news », il revient à chaque citoyen de faire preuve d'esprit critique. Quand les gens se contentent juste de relayer l’opinion des autres, il y a problème.

Lars Kraume
dossier de presse

Alors que la Hongrie tente de se libérer de la poigne soviétique en automne 1956, quelques lycéens manifestent leur solidarité par une minute de silence. La sanction qui va frapper les protagonistes de cet acte de contestation sera complètement disproportionnée, à la mesure des moyens mis en œuvre pour sauver les apparences d'une camaraderie vertueuse. Malgré un système fondé sur la méfiance et les privilèges, malgré les manipulations de l’enquêtrice, les élèves assument solidairement leur acte bravache. Cette assurance leur donne accès à la vie que leurs parents préféraient garder secrète pour ne pas risquer d'être trahis.
Kraume mentionne également la propagande officielle des autorités de la République démocratique allemande qui entretenaient l'illusion d'une dénazification achevée alors que les compromissions minaient la société. En imposant le silence, elles perpétuaient le totalitarisme, certes sous une forme atténuée. Ces représentations d'une guerre de l'information paraissent obsolètes, elles ne doivent pas nous faire oublier le pouvoir de nuisance de la manipulation des faits. C'est par la confrontation des opinions que les gymnasiens de Storkow peuvent approcher la vérité. Le débat est plus que jamais nécessaire alors que des murs d'incompréhension tendent à fracturer nos sociétés.

Présentation du film pour ciné-feuilles
Site du distributeur
Fiche Internet Movie Database
So floh eine Schulklasse aus der DDR – Süddeutsche Zeitung
Jean-Pierre Bernardy dans Allemagne d'aujourd'hui

Losanna, Svizzera

Musée Historique de Lausanne
150 ans d'immigration italienne à Lausanne
Losanna MHL
L'afflux de travailleurs migrants de l'Europe méridionale après la Seconde Guerre mondiale pour contribuer à l'essor helvétique des Trente Glorieuses est connu. L'Italie y trouve aussi un avantage puisque ces déplacements de population permettent au pays de l'immédiat après-guerre, exsangue après la défaite du fascisme, de contenir les revendications sociales et de limiter l'essor du communisme. Les gouvernements suisse et italien signent en 1964 un accord pour contenir les abus des employeurs.
Les migrations influencent aussi la politique intérieure suisse avec l'exacerbation de la xénophobie qui conduit aux initiatives contre l'emprise étrangère sous l'impulsion de James Schwarzenbach.
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Disputons-nous

Sur les chemins de la haine

De grandes affiches bleues, un bleu plus céruléen que ceux de twitter ou facebook, qui répètent haine, haine, haine détonnent dans le paysage urbain qui tend au consensus. La campagne politique sur un sujet aussi clivant que la loi COVID-19 ne met-elle pas en avant le refus de la division de la société, le parti dominant surchargeant même ses placards d'un énigmatique « sans nous ».
L'événement, à l'enseigne des disputes, ces débats universitaires entre deux parties qui ont marqué la Réforme, se veut espace de réflexion. sur les sujets qui fâchent.
Par une série d'opinions parues dans les colonnes du Temps, quelques problématiques sont posées en lien notamment avec les religions, le complotisme, les crises qu'elles soient climatique ou politique. Lire plus…

Le cœur de l'Angleterre

Coe Jonathan. Le cœur de l’Angleterre. Paris, Gallimard, Folio, 2019.

Jonathan Coe fait partie des narrateurs engagés qui dépeignent une réalité sociale britannique avec dérision.
Le titre original, Middle England, polysémique, se réfère tant au sujet, la classe moyenne, qu'au lieu. Birmingham, seconde agglomération britannique moquée pour son supposé provincialisme. Le titre français renvoie au lien affectif à la patrie, un ressort qui a été abondamment utilisé par les partisans du Brexit. Un argument très porteur au cœur de l'Angleterre, le poumon industriel du pays mis à mal par le libéralisme. Lire plus…

La vache brûlée

Lehman Serge (scénario) et Frederik Peeters (dessins). La vache brûlée. Delcourt, 2021

Création d'un imaginaire géographique européocentré pour une enquête sombre du détective Sangaré…



QWERTZ, interview de Catherine Fattebert
Le site de l'éditeur

Une lune entre deux maisons

Petit théâtre, Lausanne

La Manivelle Théâtre
Texte Suzanne Lebeau (Editions Théâtrales Jeunesse)
Mise en scène François Gérard
Jeu Florence Bisiaux et André Bellout-Delettrez



Site de la Manivelle

Etudes coloniales et décoloniales

RTS – Histoire vivante
Des Empires français et britannique à Black Lives Matter : une décolonisation inachevée


Etienne Duval, journaliste franco-écossais, a réalisé cette suite de reportages pour l'émission Histoire vivante qui rappelle opportunément que les questions décoloniales et les problématiques «raciales» sont essentielles pour comprendre les mutations sociales de nos sociétés et la perception de l'autre. En mettant en perspective l'entreprise coloniale, le développement des possessions extraterritoriales et le processus de retrait des Français et des Britanniques, il montre l'influence de l'histoire sur les problématiques actuelles. Les décisions, principalement liées à des considérations de politique intérieure, prises à chaque étape ont influencé la narration nationale.
Les spécialistes s'accordent pour relever dans chaque modèle des aspects positifs et d'autres négatifs qui ont leurs conséquences sur la perception des minorités. Comme le relève notamment Meera Sabaratnam de l'Université SOAS à Londres, l'approche égalitariste française et celle plus communautariste britannique sont inscrites dans la durée ( ci-dessous dès 7:42 min). L'étude des effets de ces politiques sur la société actuelle donne des clés de compréhension et offrent une chance d'en atténuer les effets. Contrairement à ce que déclare avec force les détracteurs de ces approches, qui les considèrent comme des atteintes à l'honneur de la nation.


Close Up

Fondation Beyeler

Alors que la place des femmes dans la création artistique fait de plus en plus débat, les musées commencent à intégrer des toiles de peintresses. C'est ainsi que dans l'exposition consacrée à Pissarro, des références sont faites à Mary Cassatt. L'américaine est précisément une des neuf artistes retenues par la Fondation Beyeler pour leur traitement du portrait et de l’autoportrait.
Ses œuvres et celles de Berthe Morisot, Paula Modersohn-Becker, Lotte Laserstein, Frida Kahlo, Alice Neel, Marlene Dumas, Cindy Sherman, Elizabeth Peyton constituent davantage une histoire de la représentation de soi et de l'autre, au même titre que l'accrochage de Pajak à Vevey, que des caractéristiques féminines de cet exercice.


Site de la fondation
Présentation des artistes par des artistes
Dossier de presse
Thomas Messias – L'invisibilité des femmes artistes

Goya

Les disgrâces de l'âge

Fondation Beyeler

Une grande exposition pour revenir dans la normalité.
Consacrée à Goya, elle illustre différentes facettes de l'artiste espagnol : peintre de cour et critique acerbe des iniquités. Probablement prévu de longue date, cet accrochage rappelle que l'opposition entre apparences et la dure réalité n'est pas spécifique à notre quotidien.
Les carnets de dessins et gravures illustrent les horreurs des guerres et la misère dans laquelle le peuple est maintenu. Un contexte que l'artiste ne craint pas de représenter propice aux superstitions, sorcières et autres folies, malgré le contrôle implacable de l'Inquisition.

Site de la Fondation
Dossier de presse

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Making the World – Mondes vécus

Paul Klee, Port florissant (image de voyage)

MKB_yipwon
Museum der Kulturen Basel

Comment, selon sa culture, l'homme se représente-t-il en lien à son environnement ?

Telle est la thématique qui sous-tend la présentation dans un même espace d'œuvres des collections du Musée des Cultures et des tableaux du Kunstmuseum et de la Fondation Emanuel Hoffmann.

Parmi les questions abordées :
  • Comment interprétons-nous la création du monde ?
  • Comment communiquons-nous entre nous et avec d’autres mondes ?
  • Quelles traces les événements laissent-ils dans les paysages, dans la vie, dans la mémoire ?
  • Par quels moyens représentons-nous des espaces nés de notre pensée et de notre imagination ?

Statuette d’aide à la chasse yipwon ; Yiman ; Chimbut, Korewori, Papouasie-Nouvelle-Guinée – MKB



Site du muséedétails de l'exposition, richement illustrés (angl)

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Camille Pissarro – L'atelier des modernes

Le jardin potager et le clocher d'Eragny

Kunstmuseum Basel

L'accrochage du Kunsthaus, par la diversité des œuvres habituellement éparpillées dans les collections du monde entier, montre le rôle de pionnier de Pissarro dans le mouvement impressionniste.
La mise en contexte inventive de nombreuses toiles de contemporains, parmi lesquelles Cézanne, Gauguin, Cassatt et Seurat, corrobore l'image d'un artiste en quête d'authenticité. Il rejoignit ainsi le cercle de Seurat et ses approches du divisionnisme et du pointillisme avant de revenir à une peinture plus spontanée.
Cette fidélité à ses valeurs eut pour conséquence une reconnaissance tardive de son œuvre.


Site du musée
Elisa de Halleux pour Le Temps

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Le Petit Chaperon rouge

Opéra de Lausanne

L’histoire que nous avons imaginée avec Stefania Pinnelli s’écarte un peu de celles des frères Grimm et de Charles Perrault. Nous ne voulions pas que le personnage du Petit chaperon rouge soit passif face au destin qu’on lui connait, c’est pourquoi nous avons inventé une autre fin: vous découvrirez ce qui s’est vraiment passé... dans le ventre du Loup!

Guy‑François Leuenberger
compositeur

Détournant habilement le conte, l'auteur s'adresse aux adultes qui feraient bien de craindre d'autres périls que le loup et aux enfants qui peuvent avoir peur du canidé.

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L'aurore

Demirtaş Selahattin, L’aurore : nouvelles , Paris, Points, E. Collas, 2018.

Avec son recueil de nouvelles, Selahattin Demirtaş nous convie à des journées sombres. L'auteur les a écrites de prison.

Ils construisaient leur nouvelle vie pas-à-pas, patiemment, en sachant les difficultés immenses qu'il y aurait à faire disparaître toute trace de l'ancienne

p. 117

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Afropéens

Pitts Johny, Afropéens : carnets de voyage au coeur de l’Europe noire , Massot Éditions, 2021.

Johny Pitts nous emmène dans un voyage thématique à travers l'Europe. Son approche tournée vers les communautés noires suscite probablement l’ire des pourfendeurs du séparatisme et de la culture "woke". Ils oublient pourtant que dans nos sociétés métissées de nombreux citoyens se sentent écartés des processus politiques et que même si une démocratie doit mettre en œuvre les décisions de la majorité, sa stabilité n'est assurée que si elle sait prendre en compte le bien-être des minorités.

Il me semblait évident que la communauté noire de France, d'un point de vue administratif, avait été rendue invisible parce que les institutions avaient refusé d'intégrer la notion de race alors que, dans les relations triviales de la rue, les Noirs étaient bien trop visibles, et soumis à la même discrimination que n'importe où.

p. 121


Le voyage de Pitts au cœur de l'Europe noire à la recherche de son identité prend davantage la couleur d'un récit de formation que d'un manifeste politique. Un texte caméléon tant il superpose les genres. En effet, au-delà du carnet personnel, il tient aussi de l'enquête journalistique et de la chronique musicale. Lire plus…

Apeirogon

McCann Colum, Apeirogon , Paris, 10/18, Belfond, 2020.

Apeirogon : une forme possédant un nombre dénombrablement infini de côtés.

Du grec apeiron : être sans limite, être sans fin. Lié à la racine indo-européenne per : essayer, risquer.

p. 581


La lecture de l'Apeirogon de Colum McCann m'évoque davantage une boule à facettes qu'une figure plane proche du cercle. D'une part ces 1001 chapitres, quelques fois une brève phrase ou une image, éclairent divers aspects du conflit israélo-palestinien; d'autre part en prenant de la distance,  le roman a un vrai relief.

Ça ne s'arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas.

p. 55


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Journées du patrimoine 2021

Journées européennes du patrimoine sur le thème « Faire et savoir faire »

Cathédrale de Lausanne – Le ruissellement de l’eau et l’érosion / Les sous-sols de la cathédrale
Visite avec des collaborateurs des entreprises Lachat & Fils et Chevrier & Caprara, tailleurs de pierre, et Borio, ferblantier-couvreur, présentant quelques alternatives pour remédier aux dégradations des molasses par l'eau pluviale dans le cadre du projet Piscis Aqua.
Exploration des souterrains de la Cathédrale dégagés par les fouilles de Bron et Naef (1909-1914) et analyse complémentaire des vestiges par Archéotech.

Notre-Dame du Valentin
Intentions pour la rénovation en cours de la Basilique et présentation de la fresque de Gino Severini. Avec la participation de la Fondation d'Olcah qui assure une part du financement de cette restauration.

Le château d’Hauteville en chantier
Un projet à 37 mio CHF pour transformer un Château en antenne académique de l'Université Pepperdine ()

Les professionnel·le·s assurant ces quatre visites ont toutes les compétences pour faire et communiquer sur le savoir-faire, le thème des journées 2021 !

Le Musée des Outils Anciens de Pinsec présente quant à lui des objets qui ont permis aux artisans d'exercer leur travail et de répondre à leurs défis. Les techniques élaborées d'Archéotech ou des restaurateurs d'art ne sont que la continuation de cette recherche d'efficience.

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L'homme qui meurt

Baldwin James, L’homme qui meurt, Paris, Gallimard, Folio 2019.

Leo Proudhammer est terrassé par une crise cardiaque alors qu'il est sur scène. Cet accident l'oblige à se mettre au repos et l'incite à faire le point sur sa singularité d'homme noir et homosexuel dans le milieu théâtral.  Ce dispositif narratif permet à Baldwin de traiter ses thèmes de prédilection de manière moins polémique que dans ses essais... mais moins convaincante aussi !
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Le silence même n’est plus à toi

Erdoğan Aslı, Le silence même n’est plus à toi : chroniques , Arles, Actes Sud, Babel 2019.

L'engagement politique de l'autrice turque Aslı Erdoğan l'a menée en prison suite au «coup d'état» de 2016. Libérée après quelques mois, elle vit désormais en Allemagne. Les textes qui constituent cette chronique sont parus dans Ozgür Gündem, un journal pro-kurde. Ce sont ces écrits qui ont contribué à son incarcération.

Je ne veux pas être complice de l'assassinat des hommes, ni de celui des mots, c'est-à-dire de la vérité.

p. 38

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Je ne reverrai plus le monde

Altan Ahmet, Je ne reverrai plus le monde : Textes de prison. Arles, Actes sud, 2019.

L'unique fenêtre de la pièce, elle aussi munie de barreaux, donnait sur une minuscule cour de pierre.
[…]
La vie soudainement s'était figée. Elle ne bougeait plus.
Froide, inanimée.
La vie était morte.
Morte tout d'un coup.
J'étais vivant et la vie était morte.
Alors que je croyais mourir et que la vie continuerait, elle était morte et je lui survivais.

p. 98

En une vingtaine de courts textes, le journaliste et écrivain turc Ahmet Altan esquisse la vie en captivité. Tout en suggérant la situation politique de son pays. ces écrits révèlent la capacité de résilience de leur auteur.

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Gustave Caillebotte

Fondation Gianadda

Les toiles de Caillebotte sont le plus souvent exposées pour offrir une comparaison aux impressionnistes les plus emblématiques. Cette rétrospective permet donc d'envisager cette œuvre comme telle. Les espaces d'exposition de Martigny restant peu propices à la valorisation des peintures, il est difficile d'en apprécier la qualité.
La modélisation des environs de la Gare de Saint Lazare et de son Pont de l'Europe et des rues représentées dans Jour de Paris, temps de pluie permet de mettre en évidence les moyens utilisés par Caillebotte pour magnifier ses perspectives. À ces glorifications du Paris haussmannien répond la réalité des ouvriers qui y ont contribué avec Les raboteurs de parquet.
Héritier d'une fortune familiale, Caillebotte vit loin des contingences populaires et produit de nombreuses œuvres représentant les sports nautiques ou les jardins de sa propriété du Petit Gennevilliers.
caillebotte rabotteurs parquets wiki

Les raboteurs de parquet (1875) – wikimedia


Le site de la fondation

Nomadland

Nomadland, de Chloé Zhao (Etats-Unis, 2020), avec Frances McDormand, David Strathairn, Linda May, Swankie, Bob Wells, Patricia Grier, 1h48.

Le long métrage que Chloé Zhao consacre aux nomades américains est plein de sensibilité. La réalisatrice ne se contente pas de suivre Ferm dans sa tentative de survie à l'effondrement de son environnement, elle interroge un système social qui condamne de nombreuses femmes et des hommes à le précarité. Lire plus…

Sektor 1

Karl's Kühne Gassenschau Sektor 1, Saint Triphon

Dans le droit successoral nous avons réglé les biens et les dettes, mais pas la question des déchets. Ils font partie de ce qu'on laisse à nos contemporains. Un tas de poubelles énorme. Nos grands-parents n'ont pas produit autant de déchets, pas dans ces dimensions. En une génération, le changement est radical. Qu'allons-nous faire avec nos ordinateurs, portables, etc.? Ce sont des biens sans propriétaires. Je trouve curieux que tant de choses soient privatisées, mais pas les déchets.

Lukas Bärfuss, Le Temps, 30.07.2022



Site de la troupe

Hans Emmenegger

Fondation de l'Hermitage

En extrayant les œuvres de Hans Emmenegger de leur contexte régional, la Fondation de l'Hermitage permet de découvrir un peintre lucernois qui préfère les angles insolites aux larges perspectives. C'est peut-être à ce goût pour des cadrages qui renforcent l'intimité d'un paysage ou en dégagent la dimension abstraite qu'il faut attribuer la confidentialité de cet artiste.
Plutôt que représenter l'ouverture d'un panorama, Emmenegger préfère peindre la banalité d'une proéminence. Plutôt que magnifier les glaciers sublimes, il choisit de travailler sur le détail de la fonte d'une zone neigeuse ou le jeu des ombres dans une forêt. Ce regard décalé sur son environnement n'a rien de spectaculaire, mais en concentrant notre attention sur les détails il en exalte les trésors.
Quelques tableaux de ses contemporains rentrent en résonance avec l'œuvre d'Emmenegger : Böcklin, Amiet, Hodler ou Vallotton. Pour inscrire cette production dans une dynamique, des artistes contemporains, certain·e·s en formation, en réinterprètent quelques thèmes et entrent ainsi dans l'esprit de recherches d'Emmenegger.

Le site de la fondation
Dossier de presse
Eléonore Sulser pour Le Temps
Florence Grivel pour RTS Culture

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Les Passeurs de livres

Minoui Delphine, Les Passeurs de livres de Daraya : une bibliothèque secrète en Syrie. Paris, Seuil, 2017.

Le récit de la journaliste franco-iranienne est un hommage à des hommes qui refusent avec détermination l'asservissement à la pensée unique.
En résistant au régime des Assad, les habitantes et les habitants de Daraya ont tenté de réaliser le rêve des Printemps arabes : une société plus libérale, voire même démocratique. Lire plus…

Queer

Queer – La diversité est dans notre nature
Musée d’histoire naturelle de Berne

Parcours de réflexion plus qu'exposition et affirmation, la visite se fait crayon et cahier de travail en main.
La nature n'a pas révélé toute sa créativité en matière de reproduction. Cette diversité éclaire le vif débat social autour des questions de genre. Faisant référence aux êtres vivants que nous observons, les concepteurs de ce projet relèvent la complexité des facteurs qui déterminent l'identité sexuelle. En incitant le visiteur à adopter la position du chercheur, ils favorisent la réflexion sur ces diverses composantes que détaille notamment Thierry Hoquet dans Des sexes innombrables. Le décor aux couleurs clinquantes souligne que le débat sur cette thématique est souvent tranché.

Site de l'exposition
Antoine Droux pour la RTS

Les contes défaits

Lalo Oscar, Les contes défaits. Paris, Belfond, Petits pointillés 2020.

J’enquête sur un crime sans preuves. Je suis le seul à le savoir. Je dois prouver sans indices ni symptômes. Je suis le patient et le médecin. Le médecin le plus patient qui soit. Ces preuves-là ne se cherchent pas. Elles viennent toutes seules se coucher par écrit. Elles s’effeuillent. Et nous fanent. Elles ne bourgeonnent jamais. Sauf parfois en hiver.

p. 12, version 2016

Lalo, par le choix de son titre, montre son goût pour le cisèlement du langage, voire son allègement. Ce premier roman n'a rien d'un conte de fées même s'il concerne l'enfance, un temps que l'on associe volontiers au monde onirique !
Les fréquents séjours du narrateur dans un home tiennent du cauchemar. Il ne ressent pas seulement une forme d'abandon de sa mère; il est à la merci d'un couple douteux, dont il ne peut que compter les méfaits.

Aussi surprenant que cela paraisse, compte tenu de ses règles strictes, il ne s'agissait pourtant pas là d'un centre de redressement pour enfants ou adolescents. Non, ça se vendait comme un havre chic pour familles aisées, d'où l'appellation de « home d'enfants ».

p. 47

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Le cerveau masculin

Gygax Pascal, Zufferey Sandrine et Gabriel Ute, Le cerveau pense-t-il au masculin ?  Cerveau, langage et représentations sexistes. Paris, Le Robert, Temps de parole, 2021.

Toutes les langues se transforment au fil du temps, mais ces changements sont lents et mettent souvent beaucoup de temps à s'installer complètement. Ces évolutions sont très intéressantes en elles-mêmes à étudier, mais elles le sont tout autant par ce qu'elles révèlent des contextes qui les ont engendrées. En ce qui concerne le masculin et son statut dominant dans la langue, on peut facilement s'imaginer que les contextes facilitant ces évolutions ont été des contextes imprégnés d'androcentrisme, voire de misogynie. C'est-à-dire des contextes dans lesquels les hommes étaient non seulement considérés comme plus importants, mais également comme supérieurs.

p. 55

Pourquoi la mention du langage inclusif provoque-t-elle autant de débats passionnels ? La norme grammaticale induit une structuration de la société en décalage constant avec la réalité sociale. Les coauteurs mettent en évidence les biais de genre et identifient les règles qui en sont la cause. En inventoriant les pratiques, en français et dans d'autres langues européennes, ils en soulignent les limites.
Cette recherche en psychologie sociale et en psycholinguistique ne prétend pas distinguer le juste du faux. Elle désigne pourtant les éléments qui dérangent : contestation de l'hégémonie masculine corrélée à l'invisibilisation de la femme notamment dans les professions “prestigieuses”. En évoquant une société non binaire, elle souligne un aspect très contesté, souvent identifié à une volonté de renverser l'ordre social.
Les coauteurs rappellent que la langue est en constante évolution et que l'usage est le plus fréquemment en avance sur la norme. En interrogeant notre utilisation de la langue, ils encouragent à adapter notre expression à la réalité vécue tout en essayant d'éviter les mauvaises réponses à de bonnes intentions.

Comme il est relativement difficile de retracer l'origine de l'expression langage inclusif, on en trouve une multitude de définitions. Pour nous, l'expression la plus juste, par rapport à ce que nous venons de dire, serait d'ailleurs langage non exclusif, tant l'utilisation du masculin exclut toutes les personnes qui ne s'identifient pas à la catégorie « homme ». En partant de cette constatation, nous définirons le langage inclusif de manière très large comme « englobant toute forme de langage qui vise à démasculiniser la langue ». Deux types de méthodes entrent dans cette définition : la neutralisation et la reféminisation.

p. 131

Les auteurs ont pris soin d'utiliser scrupuleusement un langage inclusif, sans nuire à sa lisibilité. Toutefois, c'est surtout sa nature explicite qui est évidente, d'où une certaine lourdeur didactique…

Site de l'éditeur
Site de Pascal Gygax
Catherine Frammery pour Le Temps
Parler comme jamais – écriture inclusive : pourquoi tant de haine ?
Tribu – le langage inclusif

Le fantôme d'Odessa

Isaac Babel (Photo NKVD Mai 1939)

de Toledo Camille et Pavlenko Alexander, Le fantôme d'Odessa, Denoël Graphic, 2021.

La construction de la mémoire est au cœur du roman graphique de Camille de Toledo et Alexander Pavlenko. Les mensonges du régime soviétique à la famille d'Isaac Babel participaient du totalitarisme. En s'articulant autour de la transmission entre générations, le scénario offre des pistes pour rétablir les fils brisés.

Ma petite fille, en écrivant, j'ai juste cherché à saisir ce qui tremble...

p. 107



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Oratorio de… Noël

Covid en décembre, Noël en juin !

Cathédrale de Lausanne
Chœur Vivace & Ensemble Frates
Direction: Christophe Gesseney

Solistes :
Kathrin Hottiger - soprano
Valérie Bonnard - mezzo soprano
Stefan Sbonnik - ténor
Stephan Imboden - basse

Portrait, autoportrait

Musée Jenisch Vevey

Le regard de l’artiste, du voyeur, le plus souvent, s’attarde longuement sur celui du modèle. Le premier met toute son âme – et son savoir aussi, son métier – dans ce dessin de vérité, tandis que le second ne se présente à lui que sous forme de visage, de posture, comme une enveloppe charnelle, une simple apparence. S’arrêtant sur son regard et le scrutant afin de le révéler sur le papier, le portraitiste devine ou voit son propre regard, et c’est comme un aller-retour incessant qui va d’un regard à l’autre, d’une rive à l’autre.

Frédéric Pajak, commissaire invité
catalogue



Site du musée
Dossier de presse
Antoine Duplan pour Le Temps

Les objets de la mémoire

Manoir de la Ville de Martigny

Comment se rappeler de ce qui passe ou pourquoi l’oublier ?
« Un tube d’été, une ceinture en vogue, des choses vouées à la disparition», l’écrivaine Annie Ernaux avait ainsi consigné sa mémoire personnelle et celle de sa génération dans le livre Les Années. Inspiré par cette autrice, mais plus encore par sa manière de décrire le monde, le Manoir nous convie à repenser nos histoires intimes et collectives, entre photographies, dessins, broderies, installations, écriture et films.

Julia Taramarcaz
curatrice du Manoir de la Ville de Martigny



Site de la galerie

If... une odyssée verte

Les arTpenteurs

Conte futuriste en clin d'œil à Homère dans lequel Pénélope, Ulysse et leur fille Télémaque arpentent le monde contemporain.


Site de la compagnie des arTpenteurs

Gerhard Richter

Paysage – Kunsthaus Zürich

Les paysages de Richter nous font entrer dans un monde étrange qui interroge sur la perception du réel.
L'exposition du Kunsthaus s'ouvre sur une série de peintures au rendu photographique. Plutôt que peindre un paysage, l'artiste en représente une photographie ; en floutant la toile, Richter accroit l'illusion.
Dans des peintures ultérieures, il joue sur des atmosphères qui rappellent la peinture romantique. On verse vers l'abstraction, parfois si organisée qu'elle simule le plan d'une ville ou l'agitation de la mer.
Dans des œuvres plus récentes encore, l'ambiguïté des illusions est traduite par l'intrication des techniques.

Illusion – besser Anschein, Schein ist mein Lebensthema […]

Illusion, ou mieux, apparence. L'apparence est le thème de toute ma vie […]

Le parcours proposé par les commissaires nous rappelle que la confusion entre réel et virtuel n'est pas une spécificité de notre époque mais intrinsèque à la représentation, ici du paysage, et plus généralement à le symbolisation du monde.

Exposition Richter au Kunsthaus
Site de l'artiste

Hodler, Klimt et les Wiener Werkstätte – Kunsthaus Zürich

En parallèle, le musée présente le courant de la Sécession viennoise autour des Wiener Werkstätte et sa tentative d'imposer un art total mêlant peinture, architecture et arts décoratifs. Cette présentation richement documentée permet, autour de quelques œuvres de Hodler et de Klimt, de mettre en évidence les liens du premier avec la Sécession dont il fut la vedette de l'Exposition de 1904. Le mobilier du dernier appartement de Hodler à Genève, commandé aux Wiener Werkstätte, est l'un des pôles de l'exposition.
À noter que les Werkstätte ouvrent une filiale à Zürich, Bahnhofstrasse 1, en 1917 pour faciliter leur démarche créatrice tout en évitant les restrictions de la Grande Guerre.

Exposition Wiener Werkstätte au Kunsthaus

L'ami arménien

Makine Andreï, L'ami arménien. Grasset, 2021

Une belle langue soignée, un brin désuète, pour évoquer une amitié adolescente qui détourne le narrateur de sa propre marginalité.

Adolescent, je concevais ainsi la chronique des malheurs et des espoirs arméniens – les journaux ne disant rien sur cette révolte matée – mais son dénouement carcéral ne me paraissait pas surprenant : le pays claironnait l'unité indéfectible de toutes les ethnies qui le composaient et les velléités centrifuges déclenchaient toujours un vigoureux rappel à l'ordre. Et, très logiquement, un châtiment sévère : quelques Arméniens (maris, fils, frères), coupables de dissension, avaient donc été arrêtés et transférés à cinq mille kilomètres du Caucase, ce qui permettait de prévenir l'indulgence qu'aurait pu manifester la justice de leur terre d'origine.

p. 32-33

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État d'urgence technologique

Tesquet Olivier, Etat d'urgence technologique : comment l'économie de la surveillance tire parti de la pandémie. Premier parallèle, 2021.

La pandémie de coronavirus a favorisé les solutions technologiques introduites pour tenter de la contenir. Ces outils sont ainsi sortis de l'ombre. Quelques sociétés ont profité de cette opportunité pour améliorer leur image alors que d'autres ont proposé des développements renforçant l'économie de surveillance.
La lecture de cet essai n'est pas recommandée aux paranoïaques... mais illustre l'emprise d'entreprises privées sur nos sociétés. Lire plus…

La collection [in]visible

La collection [in]visible – De Stefan Zweig à Martin Bodmer
Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature

Ecrivain à succès, passionné de culture européenne, Stefan Zweig a constitué une ample collection de manuscrits autographes, sa collection invisible. Ces pages qui relèvent de l'intimité de leurs auteurs révèlent différentes phases des projets d'écriture.
Ces documents, qu'ils soient griffonnés ou recopiés avec soin, nous connectent à la source de la civilisation occidentale. Que le premier possesseur s'en soit séparé au moment du basculement de l'Europe dans le totalitarisme rappelle que la Culture est un antidote à la sauvagerie. En reprenant ces manuscrits le bibliophile Martin Bodmer ajoute une trace du geste créateur à sa collection de livres rares.
La Fondation Jan Michalski met en perspective les manuscrits et la transmission de ces pièces. Ce choix confère à la démarche de Zweig le statut d'une véritable œuvre en soi.

Le site de la Fondation
Dossier de presse
Manuscrits autographes français – BodmerLab, UNIGE
Les manuscrits secrets de Stefan Zweig  (Julien Burri)
Eléonore Sulzer pour Le Temps

Randonnée au Pied du Jura : Apples – Montricher – L'Isle

Vérité ou mensonge

Clervoy Patrick, Vérité ou mensonge, Odile Jacob 2021.

La dynamique de groupe est un puissant facteur de propagation d'un mensonge. Le groupe exerce sur l'individu des forces suffisamment puissantes pour lui imposer de mentir. Et, passé un seuil, il va le faire à un tel point qu'il aura la conviction que tous ceux qui le contredisent sont des menteurs.

p. 74

Médecin psychiatre aux Armées, Patrick Clervoy est spécialiste des questions de stress et de traumatismes. En s'intéressant à la vérité pour laquelle d'innombrables conflits ont été engagés, notamment au phénomène d'adhésion collective au mensonge, il dresse un vaste panorama du traitement de l'information et rappelle combien l'alternative du doute constructif est préférable aux opinions tranchées. Lire plus…

Un si beau diplôme !

Mukasonga Scholastique, Un si beau diplôme !  Folio, Gallimard, 2018.

Récit d'exils, Un si beau diplôme ! trace le parcours migratoire de Scholastique Mukasonga. « T U T S I » figurant sur leurs papiers d'identité, sa famille subit les conséquences d'une politique coloniale qui avait clivé la société sur des bases ethniques : exode intérieur dans les années 1960, fuite au Burundi en 1973, massacre en 1994.

La lente cuisson des aliments sur les braises du charbon de bois donnait le temps aux chants et aux danses. Sans perdre des yeux leurs marmites, les femmes s'installaient le plus confortablement qu'elles le pouvaient sur les cartons qui remplaçaient les nattes traditionnelles. C'était le moment attendu qui transportait les exilés au pays perdu : au fond de l'impasse, les cases miséreuses semblaient s'effacer pour laisser place, comme pour un décor de théâtre, aux collines chéries du Rwanda. Tel était le pouvoir du chant et de la danse qui, seuls, pouvaient ménager dans les tourments de l'exil une trêve d'insouciance.

p. 73

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Megalopolis

Willem van Genk – Megalopolis – Musée de l'Art brut

Le Musée de l'Art brut possède plusieurs œuvres de Willem van Genk (1927-2005). Il commence à dessiner pour échapper à une enfance difficile et solitaire due à des troubles comportementaux et d'apprentissage.
Une œuvre influencée par ses nombreux voyages qui, on l'imagine, lui ont permis de vibrer en observant les transports publics. Moyens de locomotion qui nos font accéder à un monde contaminé par la démesure soviétique et sa puissance militaire. Aucun vide n'est laissé dans des compositions où les inscriptions insérées se surajoutent au message graphique.

En s'intéressant à la notion du cadre dans l'Art brut, Michel Thévoz met en scène les œuvres de la collection pour illustrer le pouvoir transgressif que les artistes dits marginaux font de cet élément normatif.

Le site du musée

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Arabe en France

Bouvet de la Maisonneuve Fatma. Une Arabe en France, Une vie au-delà des préjugés. Odile Jacob, 2017.

Fatma Bouvet de la Maisonneuve se qualifie de bavarde. Son écrit, proche de l'oral, s'en ressent et atténue la portée de son propos. Psychiatre, arrivée en France pour sa spécialisation en addictologie, cette Tunisienne découvre une société plus complexe qu'escompté. Mariée à un Français, elle fait part de ses observations pour essayer de réduire les fractures qui s'instaurent entre «communautés». Lire plus…

Checkpoint

La Ferme des Tilleuls, Renens

Cette présentation d'œuvres réalisées dans le cadre d'ateliers avec des migrants permet de revisiter sa géographie, de réaliser l'importance de l'image de soi et de mesurer le pouvoir symbolique des objets…

Site de la Ferme des Tilleuls
Katarina Gornik pour Le Temps

Margaret Mitchell

Edwards Anne, Margaret Mitchell : biographie, Belfond, 1991 (1983)

Parue il y a trente ans en français, la biographie de l'auteur d'Autant en emporte le vent donne une idée de l'évolution des mentalités... et des pesanteurs de la société. Alors que le roman parait dans une nouvelle traduction française, le film est retiré du catalogue de le plateforme de streaming HBO Max pour ne pas exacerber les violences raciales.

Peggy s'était attachée à restituer la richesse du dialecte des Noirs, sans pousser le mimétisme jusqu'à présenter au lecteur un jargon incompréhensible. Le langage adopté se voulait donc un compromis délicat entre l'« authentique petit nègre » et quelque chose qui d'un point de vue pratique ne serait pas trop indigeste pour les presses à imprimer.

p. 183

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Masques et théâtre

Fondation Bodmer

En établissant un dialogue entre les écrits précieux de sa collection et les créations inventives de Werner Strub, la Fondation Bodmer met en exergue deux piliers du théâtre : le texte et son interprétation.
Les masques élaborés dans des matériaux nobles renvoient à l'acteur ou l'actrice et au metteur en scène. En effet, cet accessoire – si on peut utiliser ce terme pour un objet aussi sophistiqué – est le point de focalisation de l'attention. Le texte, aussi précieux soit-il, est lui destiné à rester dans l'ombre.

Dossier de présentation de l'association Werner Strub
Le site de la Fondation BodmerDossier de presse
Alexandre Demidoff pour Le Temps

Peau noire, masques blancs

Fanon Frantz. Peau noire, masques blancs. Seuil, Points Essais, 2015 (1952).

Le Blanc est enfermé dans sa blancheur.
Le Noir dans sa noirceur.
[…]
Le souci de mettre fin à un cercle vicieux a seul guidé nos efforts.
C'est un fait des Blancs s'estiment supérieurs aux Noirs.
C'est encore un fait : des Noirs veulent démontrer aux Blancs coûte que coûte la richesse de leur pensée, l'égale puissance de leur esprit.
Comment s'en sortir ?

p. 10

Références du post-colonialisme, les pensées du Martiniquais Frantz Fanon ont d'abord suscité un intérêt outre-Atlantique avant d'être reconnues en métropole. L’engagement de Fanon aux côtés des indépendantistes algériens est le geste fort d'une vie intense, abrégée par une leucémie à 36 ans seulement.
Deux essais se distinguent particulièrement parmi ses nombreux écrits. Les damnés de la terre dans lequel il a mis ses dernières forces témoigne de la violence du conflit algérien analysée sous le prisme de sa pratique de médecin psychiatre.

Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de rechercher en quoi ma race est supérieure ou inférieure à une autre race.
Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d'une culpabilité envers le passé de ma race.
Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l'ancien maître.
Je n'ai ni le droit ni le devoir d'exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués.
Il n'y a pas de mission nègre; il n'y a pas de fardeau blanc.
[…]
Non, je n'ai pas le droit de venir et de crier ma haine au Blanc. Je n'ai pas le devoir de murmurer ma reconnaissance au Blanc.

p. 222

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«Ennemis mortels»

Le Cour Grandmaison Olivier, “Ennemis mortels” : représentations de l'islam et politiques musulmanes en France à l'époque coloniale. La Découverte, 2019.

L'histoire coloniale de la France et le défi que représente, dès le XIXe s., une forte population musulmane dans l'Empire sont au cœur de l'essai de La Cour Grandmaison. Ce sujet d'étude le confine probablement dans le camp des «islamogauchistes» (voir CNRS). Ce livre permet pourtant de comprendre que le soupçon posé sur les populations musulmanes dans leur ensemble n'est pas conséquence de l'attaque d'islamistes du 11 septembre 2001 sur les États-Unis et des répliques sauvages qui ont suivi et visé les Occidentaux.

Sauvages, les musulmans ? Non, barbares. À la différence du « Noir » qui, réputé sans histoire, sans civilisation et sans religion propre, est relégué au plus bas de la hiérarchie du genre humain, les sectateurs de Mahomet jouissent des unes et des autres. Aussi occupent-ils une position intermédiaire : supérieure au premier mais inférieure à l'Européen, estiment beaucoup de contemporains. Altérisés de façon radicale, c'est-à-dire anéantis en tant que semblables égaux en droit comme en dignité, puis infériorisés, les musulmans se voient imputer une dangerosité polymorphe d'autant plus inquiétante qu'elle affecte, à cause de cela, tous les registres de la vie.

p. 25

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«On reste en contact»

«On reste en contact»
Il était une fois… – Joëlle Kuntz, Le Temps du 28 avril 2021


Dans sa chronique hebdomadaire du Temps, Il était une fois, Joëlle Kuntz aborde habituellement les thèmes d'actualité par une approche historique. Sensible aux relations de la Suisse avec ses voisins, son dernier ouvrage La Suisse ou le génie de la dépendance illustre les paradoxes de notre farouche volonté d'autonomie.

Suite à la rencontre entre le Président suisse Guy Parmelin et la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Bruxelles, lors de laquelle le représentant de la Confédération a promis de «garder le contact», la journaliste a décortiqué la sémantique de cette expression. Son texte faussement désinvolte traduit la contradiction entre une situation géographique centrale, une économie connectée et un désir d'indépendance politique.

Au fil des siècles, on a rompu le contact, on l’a repris, on a vécu dans cette fatale proximité géographique avec toujours cette double idée d’appartenir et de ne pas appartenir. La paix européenne, après la Seconde Guerre mondiale, a relancé notre tactique historique de garder le contact tout en ne le gardant pas, de se tenir à part tout en réduisant l’écart au maximum de nos intérêts.

Les commentaires d'une étude sur les meilleures stratégies pour diminuer l'impact du SARS-CoV-2 qui paraît simultanément dans Lancet, met en évidence les conséquences du manque de coordination entre États voisins. Que les pays insulaires obtiennent de meilleurs résultats sanitaires et économiques indique cependant que la porosité des frontières implique des contraintes qui restreignent de fait l'indépendance.

Liste des votations concernant la politique européenne (Swissvotes– Institut de science politique de l’Université de Berne)

L'invention du Japon

Pelletier Philippe, L'invention du Japon, Le cavalier bleu, 2020.

Dans un essai érudit, le spécialiste du Japon Philippe Pelletier, géographe de formation, analyse les spécificités de la société nippone en lien avec sa situation spatiale, son histoire et son développement culturel.

Le Japon semble livré à lui-même, sans modèle prescriptif, séducteur et attirant. L'Amérique ne fait plus envie. L'Europe est trop lointaine ou incompréhensible. La Chine dispose d'un parti unique, mais le système démocratique japonais est tel qu'il arrive à quelque chose d'approchant avec l'avantage d'avoir le consentement du peuple électeur malgré la hausse de l'abstention. Les Japonais se retrouvent donc dans une position historique et géographique cruciale : inventer quelque chose de nouveau. Là est le défi.

p. 219

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Quoi de neuf pussy hat ?

Musée historique de Lausanne

La densité voire la surcharge visuelle se veut le reflet de l’intensité du débat et de la richesse des interrogations à l’ordre du jour en termes d’égalité, cinquante ans après l’adoption du suffrage féminin. Proposant une sorte d’état des lieux (ainsi que le suggère son titre), l’exposition prend la mesure des avancées comme des pesanteurs, en mettant en perspective expériences locales et contexte global, situation présente et exemples historiques.

Notes d'intention
Dossier de presse


L'exposition rapproche le questionnement sur le genre, une attitude que certains qualifieront de post-féministe, dans la sphère locale. Loin d'élucubrations d'intellectuels victimes de la bien-pensance étasunienne et des modes déconstructivistes, les thèmes abordés concernent le devenir de la société. Le droit de vote est l'aboutissement d'une longue lutte pour l'acquisition d'une égalité citoyenne, une étape dans un processus d'équité entre femmes et hommes. Un processus qui prend en compte les divers aspects de la différenciation sexuelle et implique donc une interrogation fondamentale sur l'identité.

Traces «genrées»
Site du musée

Le goût du vrai

Klein Etienne, Le goût du vrai. Gallimard, Tracts, 2020.

L'air du temps, en accusant la science de n'être qu'un récit parmi d'autres, l'invite à davantage de modestie. On la prie de bien vouloir gentiment «rentrer dans le rang» en acceptant de se mettre sous la coupe de l'opinion.

p. 38

Achevé en juin 2020, le texte d'Etienne Klein a une saveur particulière. La planète a retenu son souffle le temps de la sidération et du confinement, dû à une première vague de Covid-19. Cette période inattendue a donné libre cours à nos irrationalités, une forme d'exutoire à notre incapacité de maîtriser l'épidémie. En exhibant les contradictions de notre société, cette crise montre les vulnérabilités de notre civilisation hautement technologique. Lire plus…

Le monstre twitter

Laurent Samuel, J'ai vu naître le monstre : twitter va-t-il tuer la #démocratie? Les arènes, 2021.

Grandi avec les premiers ordinateurs personnels, puis accédant à la toile avec un modem crépitant, Samuel Laurent s'oriente vers le journalisme. 
Lorsqu'il s'inscrit en 2008 au réseau à l'oiseau bleu il le fait pour trois raisons, dit-il : la curiosité, l'intérêt professionnel et l'envie de s'amuser. Ce qu'il ignore alors c'est que Twitter, une décennie plus tard ne sera pas loin de le laminer. C’est de cette expérience que traite son essai, un parcours lié à l'évolution des réseaux sociaux et à la modification de leur usage. Lire plus…

Métamorphoses d'une femme

Louis Edouard, Combats et métamorphoses d'une femme. Seuil, 2021.

Les romans d'Edouard Louis, incisifs, ont une forte composante autobiographiques. Cette mise en valeur de soi, le lien entre homosexualité et ascension sociale font de l'auteur une personnalité d'autant plus clivante qu'il se positionne politiquement. En affichant son plaisir à fréquenter des établissements luxueux, celui qui est né Eddy Bellegueule transgresse les codes sociaux. Cette revanche sur l'ordre établi irrite.

Une autre question est-ce que je peux comprendre sa vie si cette vie a été spécifiquement marquée par sa condition de femme ?
Si je suis construit, perçu et défini par le monde qui m'entoure comme un homme ?

p. 39

Et Édouard Louis ne boude pas son plaisir en devançant ses détracteurs : son roman n'est pas de la littérature puisqu'il en viole les codes.
Combats et métamorphoses d'une femme est espiègle. Il y ressert la même thématique d'une adolescence douloureuse, mais en mettant plus de nuances il rend le propos moins tranchant, moins egocentré. Ce ton moins polémique rend le roman d'autant plus percutant. Lire plus…

Arp

Fondation Beyeler, Riehen – Rodin/Arp
Kunstmuseum Basel – Sophie Taeuber-Arp, Abstraction vivante


Le couple Jean Arp – Sophie Taeuber-Arp est à l'honneur à Bâle pour ce printemps 2021. La Fondation Beyeler met en dialogue les œuvres du sculpteur germano-français avec celles de Rodin, alors que le Kunstmuseum expose une rétrospective de sa première épouse, Sophie Taeuber. Le point de convergence de ces deux manifestations est l'abstraction. Lire plus…

Fabrique des pandémies

Robin Marie-Monique et Morand Serge, La fabrique des pandémies : préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire. La Découverte, Cahiers Libres. 2021.

Quelle réponse donner à la crise sanitaire qui occupe la Terre depuis une quinzaine de mois ?
Les premières semaines nos habitudes ont été bouleversées : limitation drastique de nos déplacements, restrictions au commerce... Parallèlement à ces changements, des élans de solidarité spontanés contredisaient l'égoïsme supposé de nos sociétés. Ces gestes laissaient croire que l'alerte serait significative et qu'elle engendrerait des changements politiques conséquents. C'était sans compter la lassitude induite par une crise se prolongeant, sans envisager surtout les antagonismes, apparemment irréconciliables, qu'elle révèle. Chacun joue sa partition dans une logique de raisonnement en silo. La santé est opposée à l’économie; les régimes autoritaires aux démocraties, les décisions centralisatrices aux délégations régionales, les issues technocratiques à un questionnement holistique, le simplisme à la complexité.

Dans nos sociétés modernes, la santé, c'est la médecine quand on a un problème de virus, on essaie de le contrôler en investissant massivement dans la recherche d'un vaccin, mais on ne se soucie pas de savoir d'où vient cette maladie. L'idée que la santé des humains soit liée à celle de l'environnement est largement méconnue dans les instances dirigeantes.

Anne Larigauderie
p. 97

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Des phrases courtes

Fleutiaux Pierrette, Des phrases courtes, ma chérie. Actes Sud, 2001.

Après l'hommage au père de Ernaux, la relation ambiguë à la mère de Fleutiaux. Pour les deux autrices, le choix des mots pour traiter du lien à leur parent, une interdépendance à grande charge émotionnelle, s'avère particulièrement important.

Sept ans pour accompagner l'entrée dans la vie de mon enfant, sept ans pour accompagner la sortie de la vie de ma mère.
Cela m'est assez étrange de dire "je", "mon enfant", "ma mère". J'ai détesté mon enfant (pas lui, bien sûr, l'enfant simplement) de me tenir si près de mon "je", si collée, j'ai détesté ma mère pour cette même raison. Mais elle plus violemment, furieusement, une rage à la mesure de notre attachement. L'enfant était sur la trajectoire de l'éloignement, mais ma mère était sur celle des pitons, hameçons, harpons lancés à tout va, de l'étreinte totale avant le grand plouf et au-delà. Au-delà.

p. 13

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La place

Ernaux Annie, La place. Folio Gallimard, 1983.

Dans ce roman Annie Ernaux rend hommage à son père. Récit d'un déplacement social, le texte raconte la mutation profonde de la société, ici française, au cours du XXe s. L'ascenseur social qui permettait aux jeunes générations de s'affranchir des contraintes de l'existence atténuait la conscience d'inégalités intrinsèques. Lire plus…

Blanc autour

Lupano Wilfrid et Fert Stéphane, Blanc autour. Dargaud ,2020.


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Opposer un Sud raciste et esclavagiste à un Nord abolitionniste et ouvert est une lecture réductrice de la situation sociale des Etats-Unis. Le roman graphique de Wilfrid Lupano et Stéphane Fert gomme ce stéréotype.
L'histoire débute en 1832 à Canterbury, Connecticut. L'arrivée d'une nouvelle élève sème le désordre dans une école : elle est noire.  Non seulement, Prudence Crandall gère-t-elle une école destinée aux filles, mais de plus elle accepte une élève noire.  Une récente affaire dans le Sud avait eu un immense impact : la rébellion de Nat Turner en Virginie dont la bande tua une soixantaine de personnes, hommes, femmes et enfants, blancs. Ayant appris à lire, écrire et compter, Nat Turner lisait la Bible avec passion; il était sujet à des visions mystiques qui le menèrent à commettre ce crime. Pour la population blanche cette révolte ravive la crainte d'un soulèvement général des esclaves.
Les habitants considéraient avec raillerie l'éducation des femmes, et l'arrivée de Sarah dans la classe suscita un tollé. L'institutrice refusant de la renvoyer, c'est les parents qui retirèrent leurs filles de l'école. Persévérante, Prudence Crandall prit alors le risque de proposer son enseignement à un public de jeunes filles noires. Cette obstination a été très mal reçue par les habitants qui tentèrent diverses manœuvres légales pour interdire l'école, sans succès.
En s'inspirant de ce fait divers Wilfrid Lupano nous rappelle que le racisme et le patriarcat font durablement partie de l'histoire humaine. L'ambiance onirique des dessins de Stéphane Fert caractérisés par la forte expressivité des personnages ajoute de l'émotion à ce témoignage.

Marlène Métrailler vertigo RTS
Site de l'éditeur

MCBA

Maurice Denis – amour
& Matières en lumière – sculptures de Rodin à Louise Bourgeois
MCBA Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne


Portrait de Maurice Denis sous les arbres

Faisant écho aux nombreux Bonnard de la Fondation Bemberg, l'exposition Amour consacrée aux œuvres de Maurice Denis au MCBA permet une autre approche des Nabis.
Théoricien de ce mouvement artistique, Denis se caractérise par la forte influence religieuse de ses œuvres. Qu'il s'agisse de représenter des scènes bibliques ou classiques, le peintre adopte les aplats de couleurs cloisonnées par des cernes propre à ce courant post-impressionniste. Ses modèles, ils les trouvent à proximité : sa femme, Saint-Germain-en-Laye ou la Bretagne.
Dans cette rétrospective des œuvres qui ont précédé la Première Guerre mondiale, quelques grands panneaux décoratifs peints pour des demeures privées témoignent de sa volonté de diffuser plus largement l'art que par le tableau.

Utilisant le vaste espace dédié aux expositions temporaires du second étage, 700 m2, la commissaire Camille Lévêque-Claudet organise autour du Wood Fire Circle divers pôles thématiques (expression du sentiment, représentation du mouvement, fragmentation des corps, notamment). L'installation de Richard Long de 9 mètres de diamètre sépare ces secteurs dans lesquelles elle met en valeur la puissance évocatrice des différents matériaux. Le croisement des codes, le détournement des textures deviennent jeu comme, par exemple, les bronzes organiques de Penone qui simulent le bois.

Site du MCBAexposition Maurice Denisexposition Matières en lumière

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Anatomie d'une décision

Szücs Anna, L'anatomie d'une décision. Encre fraîche, 2020.

Les premiers traits d'Anna Szücs dépeignent la routine à Zalaegerszeg, ville de province hongroise. La juxtaposition des mots donne une coloration naïve à ce décor. Les échos qui proviennent de Budapest en cet automne 1956 vont en s'amplifiant. La quiétude devient rapidement tension.Kossuth Lajos utca

Rue Kossuth Lajos, Budapest 1956

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Penser les religions

Borgeaud Philippe, La pensée européenne des religions. 2021. Seuil, La librairie du XXIe siècle, 2021.

Le terme religion évoque rigidité dogmatique, tradition et inertie. Ce sont ces préjugés que Philippe Borgeaud, professeur honoraire d'histoire des religions, déconstruit.

Dans certaines régions du monde et même dans de nombreuses paroisses d'Europe ou des États-Unis, affirmer qu'on peut vivre sans profession de foi ne va pas de soi. Sous le regard attentif de pratiquants qui ne sont pas nécessairement des intégristes, et dont certains ne sont même pas croyants, il paraît incongru de ne pas adhérer à un regroupement religieux. Le plus souvent, et c'est heureux, ces pratiquants affichés ne voient aucun problème à ce que le choix religieux des autres soit différent du leur, mais ils en attendent un chez l'autre aussi.

p.192

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Sous le ciel des hommes

Meur Diane, Sous le ciel des hommes . Sabine Wespieser, 2020.

En évoluant sous le ciel hivernal d'un petit pays, synthèse de Suisse et de Luxembourg, des femmes et des hommes en tissent la complexité.

Oui, je pensais d'une part à cette obsolescence de l'homme, à la monstruosité et à la bizarrerie, au fond, d'un modèle de société humaine où l'humain est de trop sauf en tant que consommateur

p. 305

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Collection Bemberg

Fondation de l'Hermitage – Lausanne

Suite à la réfection du musée qui l'abrite, l'Hermitage expose des œuvres représentatives de la collection Bemberg de Toulouse. Cet accrochage présente une collection diversifiée de toiles du XVe s. jusqu'aux expressionnistes.  Si les peintures anciennes sont surtout des portraits, quelques compositions de Lucas Cranach, peintre de la cour de Saxe à Wittenberg à l'époque de la Réforme, montrent l'émancipation de l'art pictural dès la Renaissance.

Bemberg Les_Ramasseuses_de_fougères_au_Bois_d'Amour_(1910)_-_Paul_Sérusier_Inv.2141_47x36

La diversité des peintures de Bonnard donne l'occasion d'en apprécier l'évolution. Les deux autoportraits de 1933 (tout en intériorité) et de 1945 (en “moine bouddhiste”) dénotent son originalité. Les artifices de Bonnard dans sa représentation de L’Omnibus « Panthéon-Courcelles » visent aussi à évoquer une agitation urbaine bien éloignée des scènes privilégiées par les impressionnistes.
Le traitement des couleurs par Paul Sérusier,
Les Ramasseuses de fougères au Bois d’Amour(source : wikipédia ), qui rappelle Gaugin, a un fort pouvoir expressif. Le choix des teintes et le cadrage traduisent la charge émotive, alors que les portraits anciens qui ouvraient l'exposition devaient être au plus près de la réalité, comme le souligne la maîtrise toute en subtilité de la représentation des tissus.

Dossier de presse (avec liste des œuvres)Dossier pédagogique

La charité et l'hôpital

Edin Vincent, Quand la charité se fout de l'hôpital, Enquête sur les perversions de la philanthropie. Rue de l'échiquier, Les incisives, 2021.

Ce volume n'usurpe pas le nom de la collection ! L'essai de Vincent Edin sur les limites de la défiscalisation de la philanthropie et ses conséquences pour l'État démocratique est mordant. Le titre paraîtrait inutilement accrocheur si Brigitte Macron ne patronnait pas la récolte de dons pour les hôpitaux publics de France alors que son mari justifie les restrictions budgétaires du Ministère de la Santé. En mettant en évidence la fragilité des structures de soin, la pandémie de Covid-19 montre les limites de la délégation du financement de certains services que l'on attend de l'État socio-libéral à la philanthropie. Lire plus…

Rattrapage

Expositions à Pully et à Aigle

Pully calder-soulages-vasarely
L'assouplissement des mesures sanitaires donne envie de reprendre la lecture des programmes d'expositions. Ce rattrapage débute au Musée de Pully où la présentation de la collection Helvetia a laissé un souvenir mitigé. L'assureur soutient l'art contemporain suisse en acquérant régulièrement des  œuvres pour compléter sa collection de 2000 pièces de plus de 400 artistes. Dans cette exposition quatre îlots accueillaient des pièces originales d'artistes alémaniques pour cette Perspectives. L'installation «all that we see or seem, 2020» de Monica Ursina Jäger était particulièrement intéressante. Dans une esthétique japonisante, l'artiste joue sur la perception fluide de notre environnement, même construit : ondoiement dans un cheminement entre des miroirs délimité par du gravier. La fenêtre ouvrant sur le parc apporte lumière et couleur à cette composition en noir et blanc.

Présentation de l'exposition par le Musée de PullyVisite virtuelleDossier de presse

Consacrée à l'art abstrait des années 1950 à 1980, l'exposition d'œuvres de la Fondation Gandur pour l'Art s'ouvre par une grande toile de Hans Hartung, T1987-H3 T1987-H4. Ce diptyque est emblématique de la présentation : structures et mouvance. Comme dans les Soulages et les Riopelle, le travail de la matière acrylique confère à cette œuvre une densité particulière et, comme dans les Vasarely, la composition possède un caractère dynamique. Le matériau de Arrachage de Cesar, papier encré décollé de la toile, ou la conduite compulsive, sous l'effet de la mescaline, de la plume de Michaux, impulsent une même vitalité.

Présentation des œuvres sur le site de la Fondation Gandur pour l'art
Katarzyna Gornik pour Le Temps

Dans une approche plus naturaliste et régionale, l'Espace de Graffenried propose quelques repères du peintre Eugène Burnand décédé en 1921. L'académisme de paysages champêtres et l'édification par la représentation de scènes bibliques sont complétés par une recherche anthropomorphiste. Les portraits des Alliés dans la guerre des Nations représentent la diversité des phénotypes des soldats engagés dans la Grande guerre.

Présentation de l'exposition par l'Espace GraffenriedDossier de presse Exposition Eugène Burnand

En parallèle, quelques œuvres de Joëlle Allet sous le titre d'Augurium, notamment des nuées d'oiseaux qui apportent de la légèreté. Leur sémiologie poétique confère parfois à la facétie lorsque leur vol rencontre la trajectoire d'un parapentiste coloré.

Présentation de l'exposition par l'Espace Graffenried Exposition Augurium

Un garçon comme vous et moi

Jablonka Ivan, Un garçon comme vous et moi. Seuil, La librairie du XXIe siècle, 2021.

C'est dans une recherche historique autobiographique que nous entraine l'auteur. Son parcours singulier de fils d'orphelin de le Shoah est relu avec le filtre des études genre contemporaines. Ce croisement entre un destin collectif et un ressenti intime permet une synthèse de l'évolution sociale en un siècle.

[…] dans les années 1950, on nous garantissait, à nous les garçons, que nous allions forcément rencontrer une guerre en vieillissant. On se construisait avec cette idée de violence et on valorisait l’apprentissage de la bagarre aux poings, même les intellectuels dont j’étais en tant que médecin. Partant, les rôles entre les hommes et les femmes étaient très définis. Depuis les années 1970, la violence a déserté la société occidentale, pour la première fois de son histoire, et la force ne constitue plus un élément de pouvoir, elle a été remplacée par les diplômes obtenus à l’école.

Boris Cyrulnik
Le Temps, 6 mars 2021

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Babylon Berlin

Jysch Arne, Babylon Berlin, Glénat 2018.

L'adaptation du roman de Volker Kutscher permet un voyage dans le temps et dans l'espace : retour à Berlin à la fin des années 1920. L'inspecteur Gereron Rath, arrivant de Cologne, est confronté au cosmopolitisme de la capitale et à une organisation policière tentaculaire. Arne Jysch a particulièrement soigné l'authenticité des lieux et choisit des lavis gris pour nous mettre dans l'ambiance.
Un univers visuel qui nous place du côté de l'autorité permet un autre aperçu du Berlin de l'entre-deux-guerres.

Site de l'éditeur
Caroline Delphin pour planète BD

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Rachel et les siens

Arditi Metin, Rachel et les siens. Grasset, 2020.

C'est dans un conte qu'Arditi nous fait entrer. Un parcours dans le XXe s. dont la toile de fond est la Palestine. L'héroïne, Rachel, est née dans une famille séfarade de Jaffa qui, de longue date, partage le même destin que les Khalifa, leurs voisins chrétiens arabes. Anglais et Français convoitent les territoires de l'Empire ottoman en dislocation. Les Britanniques y voient une opportunité de résoudre le problème juif en Europe. L'établissement d'un foyer national juif en Palestine promis dans la Déclaration Balfour donne un espoir à des femmes et des hommes discriminés de retrouver une dignité. C'est cette nouvelle vie pour Rachel et ses voisins, que l'écrivain nous fait partager.

Le nouveau Royaume ! Une ville aussi juive que pouvait l'être une ville, juive comme l'était Jérusalem deux mille ans plus tôt, à l'époque du Temple... Une ville qui incarnait l'avenir, la liberté, l'honneur du peuple juif... Alors, au moment de la prière, il ne prononçait pas le rappel de Jérusalem mais disait, pour lui-même, ces mots impardonnables : « L'an prochain à Tel-Aviv. » Jusqu'au jour où, pris par l'enthousiasme d'avoir vu une rue entière de Tel-Aviv se construire en quelques semaines, il s'oublia, cria presque la phrase litigieuse à la table du seder et fut convoqué par le Conseil de sa synagogue…

p. 162

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L'anomalie

Le Tellier Hervé, L'anomalie. Gallimard, 2020.

Le jury du Goncourt a retenu un roman aussi addictif que troublant pour son édition 2020. En situant les événements dans un proche avenir, Le Tellier peut considérer notre présent avec des notes espiègles.

Tous les vols sereins se ressemblent. Chaque vol turbulent l'est à sa façon. Il est 16h13 quand le vol AF006 Paris–New York, au sud de la Nouvelle-Écosse, voit se dresser devant lui la barrière ouatée d'un immense cumulonimbus.
Le front nuageux se lève, et vraiment vite. Il est encore à un quart d'heure de navigation, mais il s'étend au nord comme au sud sur des centaines de kilomètres, en arc de cercle, et plafonne déjà à près de 45 000 pieds. Le Boeing 787, qui vole à 39 000 et allait amorcer sa descente vers New York, ne saurait y échapper et le cockpit connaît une brusque agitation. Le copilote compare les cartes et le radar météo. Le large front froid nuageux n'était pas signalé, et Gid Favereaux n'est plus seulement surpris, il est franchement inquiet.

p. 49



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La pensée blanche

Thuram Lilian, La pensée blanche. Philippe Rey, 2020.

De son passé de footballeur Lilian Thuram a conservé une notoriété qui l'expose. Sa carrière sportive dans l'équipe dite Black, Blanc, Beurs, victorieuse aux Championnats du monde 1998, une qualification utilisée pour défendre une image de la France multiethnique tranche avec la nécessité de son engagement antiraciste. Par le biais d'une Fondation à son nom, le footballeur est un ardent militant de l'égalité des chances.
Comme de nombreux Français ultramarins, Thuram a découvert sa couleur de peau en arrivant en métropole. Cette prise de conscience, pour lui à 9 ans, a été douloureuse. Les témoignages des Français des territoires d'outremer qui découvrent la métropole convergent : leur couleur de peau en fait des étrangers. À l'inconfort d'un environnement peu familier s'ajoute le sentiment d'être considéré comme de citoyens de seconde zone.

Cette idée commune et perverse de Jules Ferry nous colonisons, par devoir, des peuples qui devraient nous en remercier fait consensus. Elle est enseignée dès l'enfance [...]

p. 99

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La vie joue avec moi

Goli Otok – wikimedia commons

Grossman David, La vie joue avec moi. Seuil, 2020.

L'image occupe une place centrale dans ce nouveau roman de David Grossman. L'image, et non l'imaginaire, qui est capable de figer l'intensité des sentiments et de les ancrer dans la mémoire. C'est parce que les violences subies par Véra n'ont pas pu être posées qu'une fatalité semble planer sur la famille, en particulier sur les femmes Nina et Guili, sa fille et sa petite-fille.
Le film qu'elles préparent avec Raphaël, le beau-fils de Véra, ouvre une autre perspective. Les rushes produits lors de son tournage devront être élagués pour rendre l'histoire compréhensible. Ce sont pourtant les scènes rejetées celles qui entrainent un changement de focale et la révision du scénario qui sont les plus prometteuses.

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Mourir, partir, revenir

Abī Rāshid Zaynah, Le jeu des hirondelles : mourir, partir, revenir, [Nouvelle édition]. Cambourakis, 2020.
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Peu importe qui était Florian.
Dans un pays où le programme d'histoire dans les livres scolaires s'arrête,
comme les souvenirs de ma grand-mère,
le 13 avril 1975, il a contribué à transmettre un fragment de notre mémoire.

p. 209

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Histoire de l'amour

Krauss Nicole. L'Histoire de l'amour. Gallimard, folio 2008

Il y a le génocide des Juifs en Europe et ses conséquences incalculables dans la vie de chaque survivant. Cette violence a pulvérisé les relations familiales et sociales de millions d'individus. Comme celles des protagonistes du roman de Nicole Krauss qui, de Slonim, entre Pologne et Biélorussie, se sont retrouvés en Israël, au Chili ou à New York.
Alma est la petite-fille de l'un de ces rescapés. Elle et Bird, son frère, font face à un autre traumatisme, la mort du père dans leur petite enfance. Les tentatives d'Alma de trouver un amoureux à sa mère font écho aux luttes des autres personnages pour que la vie soit davantage que de la survie.
L'écriture est le support de leur résilience : les mots d'enfants d'Alma et de Bird, les traductions de leur mère et ces feuillets qui s'accumulent dans d'épaisses enveloppes. Ces divers textes s'insèrent dans le roman de Krauss en dévoilant les fragilités des personnages. Les diverses références à “L'histoire de l'amour” nous indiquent que les liens entre eux sont beaucoup plus resserrés que les seules origines juive et polonaise communes.

Le fait qu’elle reste toute la journée à la maison en pyjama à traduire des livres de gens pour la plupart morts ne risquait pas de beaucoup arranger les choses. Il lui arrivait parfois de s'arrêter sur une phrase particulière pendant des heures et de parcourir la maison comme un chien avec un os jusqu'à ce qu’elle glapisse : « ÇA Y EST, JE L’Al !» et elle se précipitait dans son bureau pour creuser un trou et l’enterrer.

p. 95-96

Ce livre aborde la problématique du deuil en la différenciant de celle de la transmission des traumatismes liés aux tragédies humaines collectives. Dans une intention que je ne décode pas, l'autrice parsème son texte de scories, ponctuations légères ou informations sévères, qui détournent la tension du texte vers le mélodrame.

Une mouche atterrit sur son pénis ratatiné. Il marmonna quelques mots. Et comme ça lui faisait du bien de marmonner, il marmonna un peu plus.

p. 302


Site de l'éditeur
André Clavel pour Le Temps
Trailer du film dérivé

Que ton règne vienne

Gonzalez Philippe, Que ton règne vienne : des évangéliques tentés par le pouvoir absolu. Labor et Fides, 2014.

L'enquête sociologique de Philippe Gonzalez “restitue l'ethnographie d'un objet religieux contemporain”. Cette approche permet à l'auteur de proposer un aperçu de la constellation évangélique en Suisse romande.
Ses observations détaillées l'amènent cependant à étendre sa recherche aux entrepreneurs de religion étasunien et à leur rhétorique qui influencent de manière plus active les mouvements évangéliques que les autres églises protestantes. Lire plus…

Johannisnacht

Timm Uwe, Johannisnacht. dtv (1996).

Wie kommen Sie darauf?
Na ja, die Frisur.
Hab ich mir heute schneiden lassen. Ich wollte was über die Kartoffel recherchieren, habe inzwischen viele merkwürdige Geschichten erlebt. Man fängt mit der Kartoffel an und landet ganz woanders und ist dabei selbst auch ein anderer geworden, sieht man ja am Kopf.
Er lachte. Gute Geschichten sind wie Labyrinthe.

p. 197


Karl Marx Allee Berlin

Karl-Marx-Allee Berlin


Le narrateur. écrivain de Münich, en manque d'inspiration n'arrive pas à initier son prochain roman. Il accepte de produire un texte sur la pomme de terre. Ce curieux mandat le mène sur les traces de chercheurs de Berlin qui ont investigué notamment sur les qualités gustatives de ces tubercules.
«Eine turbulente Berlin-Komödie» qui permet à l'auteur hambourgeois un texte plein d'ironie. Timm s'y moquant à la fois de la crédulité du Munichois et des clivages entre Ossis et Wessis qui subsistent dans la capitale fédérale. En exagérant les caractères des protagonistes, il peut se permettre de cibler les excès de la réunification de l'Allemagne.

Und da dachte ich, ich müsse in [Berlin] zurückkommen, aus der ich vor zwanzig Jahren weggegangen war, ich müsse dieses Requiem schreiben, das auch eines über diese Stadt sein sollte.

p. 194

L'auteur situe l'action à la Saint-Jean 1995 alors que la foule se presse pour contempler le Reichstag emballé par Christo et Jeanne-Claude, une œuvre qui contraste avec les descriptifs terre-à-terre des caractéristiques agronomiques des patates. À la recherche de la «Roter Baum», le narrateur fait des rencontres hasardeuses qui mettent en valeur l'attraction qu'exerce Berlin et les personnages hétéroclites qu'on y rencontre.
En trouvant le sens des ultimes paroles de son oncle, un amateur de pomme de terre, le narrateur tient la trame de son prochain roman, déjanté, celui que nous terminons.

Le site de l'éditeur – dtv

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Underground Railroad

Whitehead Colson, Underground Railroad. Le Livre de poche, 2017.

Eastman Johnson, A Ride for Liberty – The Fugitive Slaves, Brooklyn Museum – wikipedia (en)

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C'est dans les plantations de coton de Géorgie, peu avant la Guerre de Sécession, que nous rencontrons Cora, une jeune esclave dont la grand-mère a été arrachée à l'Afrique. L'héroïne de Colson Whitehead tente de fuir son destin en utilisant les ramifications les plus au sud du réseau clandestin. Cette échappée permet au romancier new-yorkais de brosser un portrait de l'esclavage et de ses conséquences à long terme pour la société américaine. L'auteur montre en particulier une angoisse de perdre le contrôle de la situation, accentuée par la pensée abolitionniste. La fuite de Cora la fait traverser plusieurs Etats dont les politiques d'exploitation, sous couvert d'endiguement des Noirs, diffèrent beaucoup.

Les Blancs étaient venus sur cette terre pour prendre un nouveau départ et échapper à la tyrannie de leurs maîtres, tout comme les Noirs libres avaient fui les leurs. Mais ces idéaux qu’ils revendiquaient pour eux-mêmes, ils les refusaient aux autres. Cora avait entendu maintes fois Michael réciter la Déclaration d'indépendance à la plantation Randall, sa voix flottant dans le village comme un spectre furieux.
Elle n’en comprenait pas les mots, la plupart en tout cas, mais «naissent égaux en droits» ne lui avait pas échappé. Les Blancs qui avaient écrit ça ne devaient pas tout comprendre non plus, si «tous les hommes» ne voulait pas vraiment dire tous les hommes. Pas s’ils confisquaient ce qui appartenait à autrui, qu'on puisse tenir ce bien dans sa main — comme la terre – ou non – comme la liberté.

p. 160

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Fantaisie allemande

Claudel Philippe, Fantaisie allemande, Stock 2020.

Nouvelles ou roman ? Le livre de Philippe Claudel joue avec les codes et déconcerte par son polymorphisme. Son titre même, précise l'auteur, se rapporte davantage à la forme libre qu'à un contenu imaginaire, encore moins qu'à un texte surtout plaisant.

Il avait traversé les récentes années sans se poser de questions. À la faveur de l’avénement du nouvel ordre, il avait obtenu un statut et un respect qui lui avaient été auparavant toujours refusés. En peu de temps, on l’avait extrait de son effacement, de la masse des autres hommes. On lui avait assigné une fonction et un rang. On l'avait usiné. On en avait fait un outil efficace. Des ordres lui étaient donnés. II les exécutait. Il n’avait pas senti venir le chaos.

p. 24-25

Dans une adresse à son public, l'écrivain précise que les cinq volets ont été composés indépendamment et que les liens entre eux l'ont incité à les reprendre pour en créer un roman qui implique le lecteur. Cette vision kaléidoscopique du XXe s. allemand s'articule autour de Viktor, dont on est amené à chercher la toile qui le lie aux autres personnages. Ce réseau met en évidence la pluralité des identités qui se manifestent dans l'Histoire et la construction, puis la désintégration, d'une mémoire.
Lorrain, Claudel est en première ligne pour s'interroger sur les caractéristiques qui différencient l'âme allemande de la narration française. Ce roman, qui montre l'homme sous sa face sombre, devrait nous pousser à nous abstraire des stéréotypes et des généralités.

C'est là sans doute la part la plus diabolique de leur action, et on n’a pas fini d’en découvrir les conséquences : [les nazis] ont exterminé des millions d’êtres humains, mais ils ont œuvré aussi à l’extermination de la mémoire.

p. 115


Site de l'éditeur
Les livres ont la parole (RTL)

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