Nous colonisons l'avenir

van Reybrouck David. Nous colonisons l’avenir. Questions de société, Actes Sud, 2023.

“Ce n'est pas seulement la beauté qui se perd dans le saccage d'une nature intacte", écrivait Huizinga. Et il ajoutait : "Pourtant, cette beauté est aussi une très grande chose. Celui qui en a fait l'expérience dans sa pleine pureté, ne fût-ce qu'une fois et où que ce soit, sait quelle valeur vitale elle incarne. C'est bien plus qu'un simple arrière-plan idyllique ou romantique qui disparaît lorsqu'un paysage est défiguré. On y perd une part du sens de la vie.”

Johan Huizinga Geschonden wereld (un monde abimé) 1945
cité p. 45

Enoncé dans le cadre des conférence Huizinga de Leiden, le constat de l'historien et essayiste David van Reybrouk relatif au changement climatique est sombre : ces conséquences se font désormais ressentir également pour les populations qui y ont le plus contribué et pourtant l'hémisphère Nord tarde à agir.

L'auteur met en contraste les débats actuels sur la reconnaissance du passé colonial qui font diversion de la nécessité d'agir pour assurer un avenir aux générations à venir; après avoir colonisé l'espace en s'appropriant des biens, nous hypothéquons l'avenir de nos descendants.

Dans une semaine suisse , le chroniqueur Yves Petignat observe aussi une tendance à l'atomisation de la société :“Nous sortons ainsi d’une culture d’émancipation des individus, de liberté, pour entrer dans celle des droits de revendiquer une reconnaissance de chaque statut particulier. La société des droits des individus et de leurs revendications.”
Cet éclatement nuit à la prise de décisions appropriées en ce qui concerne la lutte pour la préservation du climat et de la biodiversité.


Dans la même veine que ses propositions pour un meilleur processus électif, le conférencier analyse avec pertinence les blocages qui empêchent les états d'agir, mais ses propositions pour redonner aux populations la maîtrise de la transformation paraissent utopiques. Pourtant ses mises en garde pourraient s'avérer prémonitoires : sans changements notables, le dernier moyen restera la désobéissance civile.

“Presque tous les politiciens savent ce qu'il faut faire pour s'attaquer au problème climatique. Mais aucun politicien ne sait comment se faire réélire ensuite.”

Bruno Tobback, ministre de l’environnement belge, 2007
cité p. 28


Van Reybrouck relève que les tribunaux reconnaissent que l'inaction des autorités est coupable. Un laisser-faire lié principalement à la concurrence entre partis, au niveau national, et à la stratégie géopolitique en ce qui concerne l'approche globale. En redonnant du pouvoir au citoyen en l'impliquant dans la recherche de solutions ou en lui attribuant individuellement le choix des dépenses carbone, des solutions peuvent émerger. Pour qu'ensuite elles se réalisent, contrairement aux 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat française, il est nécessaire que le politique fasse confiance au peuple. Dans cette tension l'écueil populiste est particulièrement sensible : ces mouvements captent le vote en s'exprimant au nom du peuple peu reconnu dans sa diversité.

Site de l'éditeur