Coureur de fond

Murakami Haruki. Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. 10/18 Belfond, 2014.

Devenir vieux représente pour moi - et pour n'importe qui, du reste - une expérience nouvelle, et les émotions qui m'habitent sont nouvelles également. Si c'était quelque chose que j'avais expérimenté auparavant, je serais en mesure de le comprendre plus clairement, mais comme c'est la première fois, je ne peux pas. Maintenant, j'ai tout juste le pouvoir de remettre à plus tard un jugement précis et de vivre en acceptant les choses telles qu'elles sont. Juste comme j'accepte le ciel, les nuages et la rivière.

p. 30

Lorsque Murakami choisit de s'exposer en passionné de course de fond, pratiquant régulier du marathon, il évoque aussi l'effort que représente l'écriture romanesque comme exercice de contrôle de soi. Cette approche lui permet de distinguer la part de talent de la persévérance et de l'imagination nécessaires à atteindre ses objectifs.

Elle révèle aussi les contraintes qui (nous) empêchent de réaliser le cœur de notre métier : rendre des comptes – en l'occurrence, participer à la promotion de ses livres – et cultiver les liens sociaux qui nous permettent d'exister.
Alors que le coureur est confronté aux défis de l'âge et au recul des performances physiques, les auteurs observent de nouvelles perceptions qui influencent leur manière d'écrire. La pratique de la course a aidé Murakami, selon lui, à discerner l'équilibre entre le monde réel et un imaginaire qui donne à ses romans une saveur particulière.

Jusqu'où une chose reste-t-elle pertinente et cohérente et à partir d'où devient-elle étriquée, bornée ? Jusqu'à quel degré dois-je prendre conscience du monde extérieur et jusqu'à quel degré est-il bon que je me concentre profondément sur mon monde intérieur ?

p. 104



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