Opération Mort

Mizuki Shigeru, Opération Mort. Ed. Cornélius, 2008 (1973)

Dans une note de 1991, Shigeru Mizuki indique que son manga est autobiographique à 90%. L'humour avec lequel il traite l'engagement des troupes japonaises lors de la seconde guerre mondiale témoigne d'un sens aigu du second degré.
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Dans cette postface de 1991, une vingtaine d'années après la parution de l'album, le mangaka précise que lorsqu'il « dessine une bande dessinée sur le sujet, [il] sen[t] la colère [le] submerger », un sentiment qui lui est « inspiré par les âmes de tous ces hommes morts ». Cette émotion explique peut-être pourquoi, avant cet album, il a consacré un manga à Hitler dans lequel il évoque le pouvoir de persuasion du dictateur ; une approche qui lui permettait de garder une certaine distance tout en prévenant des dangers de l'exaltation du nationalisme. Le commandement militaire nippon, s'appuyant sur la culture shintō, a aussi abondamment utilisé la propagande pour mobiliser (envoûter ?) les troupes.
Afin d'entrer dans le concert des nations après le restauration Meiji, le Japon se projette en puissance coloniale. Après sa déconvenue au terme de la Première guerre, le ressentiment nourrit un nationalisme exacerbé qui rapproche le pays des régimes fascistes.
Mizuki est engagé comme jeune soldat sur l'ile de Nouvelle-Bretagne au nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à fin 1943. Il est soumis à une propagande qui encourage le don total de soi, la doctrine du Sōin Gyokusai Seyo – le titre original qui pourrait se traduire en « Tout le monde doit combattre jusqu'à la mort ». Cette culture du combat dans lequel on s'engage totalement est inhérente à la guerre, même si usuellement les pressions psychologiques sur les blessés et les malades – ici, essentiellement de la malaria – ne sont pas aussi violentes. Mizuki écrit que « l'armée japonaise considérait ses propres soldats comme de simples marchandises, au même titre que des chaussettes. »
Les dessins de Mizuki montrent sans équivoque l'anéantissement du troupes japonaises, conséquence conjointe des assauts américains et de l'exaltation du commandement nippon. Une incurie que le mangaka souligne avec une féroces ironie.

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