So Long, My Son

«So Long, My Son», de Wang Xiaoshuai (Chine, 2019), avec Wang Jingchun, Yong Mei, Qi Xi, Wang Yuan, Du Jiang, 3h.

La fresque de Wang Xiaoshuai «Jamais sans mon fils» met en opposition la destinée individuelle à la réalisation collective.


La grande majorité de la population chinoise a l'habitude que la vie des individus soit organisée en fonction de la société et de ce que décident les hommes politique

Trigon Bulletin n° 31


L'idée de ce film est née de l'abrogation de la politique de l'enfant unique en 2015. Le fait que ce changement n'ait pas suscité de débats a interpellé le réalisateur dont le film présente quatre décennies d'histoire chinoise puisqu'elle débute à la fin de la Révolution culturelle et se termine aujourd'hui. Cette fresque se précise progressivement, par des allers-retours temporels au cours des trois heures de projection.
Les changements idéologiques sont évoqués au travers de la destinée de Yaojun et de Liyun. Ils travaillent dans une ville industrielle du Nord où ils ont été déplacés. L'usine est le lieu emblématique de la promotion de la pensée collectiviste. Elle symbolise également la marche en avant par la production de biens d'équipement. C'est dans cet environnement que naît une amitié entre Xingxing et Haohao, deux garçons nés le même jour, et leurs parents.
Lorsque Xing se noie, les parents, Yaojun et Liyun, sont dévastés par la disparition de ce fils unique. Dans une scène suivante, on les retrouve une quinzaine d'années plus tard dans une ville côtière du Fujian. Ils sont aux prises avec leur fils Xing, un adolescent rebelle.
Peu à peu, la fresque a complète. Yaojun et Liyun exploitent un petit- atelier dans cette région dont ils ne comprennent pas le dialecte. Ce statut de peudo-étrangers révèle leurs sentiments, mais aussi leur désarroi face au fils adoptif, dont le comportement impénétrable leur échappe.
Leur deuil impossible. La vie les a quittés au décès de leur enfant; ils attendent de vieillir pour mourir. Ils ne sont pourtant pas seuls à souffrir de cette absence. La mère de Hao, en particulier, lient à revoir ses anciens amis avant son décès. Le couple retourne dans leur ville, sur la tombe de Xing et lui rendre hommage.
Ce voyage les ramène dans leur ancien logement, îlot figé dans le temps, alors que la cité industrielle est devenue méconnaissable. Cette métaphore de l'évolution prodigieuse de la Chine met en évidence le fossé entre une Chine rurale, fossilisée, et celle emportée par le "miracle économique".
La fresque filmée par Wang Xiaoshuai, qui déouvre par touches la chronologie narrative, permet d'inscrire la vie réelle d'une famille dans le tourbillon politique. Elle laisse aussi des parts d'ombre. Qui est vraiment l'enfant illégitime né de l'aventure d'un soir de Yaojun ?
Fils unique noyé, fils adoptif, enfant avorté, enfant illégitime autant de destins que la planification ne contrôle pas : l'essence de l'individu est modelée, mais pas annihilée par la politique collective.

Stéphane Gobbo pour Le Temps
Deborah Young pour le Hollywood Reporter
Didier Péron pour Libération
Trigon Films
Internet Movie Database
Nicolas Zufferey, professeur de sinologie à l’Université de Genève : La République populaire de Chine fête ses 70 ans