L'image manquante

L'image manquante, de Rithy Panh (France/Cambodge, 2013)
Image manquante

Entre les séquences, des vagues qui déferlent sur l'écran qui indiquent la puissance du traumatisme subi par le réalisateur dans l'enfer du Kampuchéa démocratique. Comment mettre en images l'expérience vécue lorsque tout a été détruit ? Quelques archives cinématographiques rappellent l'héroïsation des despotes, quelques autres présentent le vain travail des masses en grande chorégraphie du peuple. On aimerait oublier les dernières qui reflètent la calamité qui s'est abattue sur la population.

Dès la prise de contrôle par l'organisation (l'Angkar) les villes sont vidées de leurs habitants déportées dans les campagnes où elles s'activent pour dominer la nature et contribuer à l'ordre nouveau. C'est à la veille même des onze ans de Rithy Panh que Phnom Penh est prise par les Khmers rouges. Plus l'Angkar ressert son emprise, plus le peuple souffre; un euphémisme quand 1'700'000 est le chiffre bas du nombre de victimes du régime qui a sévi d'avril 1975 à janvier 1979. Durant ces quelques mois, la famille de Panh est anéantie; le cinéma et l'écriture sont ses ressources pour survivre à cette épreuve.
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Dans ce film, autobiographique, il utilise le «je» en voix off pour rappeler les faits. Mais manque l'image, représentation qui permet de soutenir le récit, de le vivre intensément et faciliterait l'entrée dans le processus de deuil.
Les réminiscences de ce crime de masse obsèdent Rithy Panh, mais il ne possède pas l'image qui pourrait le symboliser. Pour pallier à l'absence de photographies et de films, le réalisateur utilise des personnages d'argile peinte qu'il met en scène. En filmant leur création, il leur donne vie et amplifie leur capacité expressive. Ces êtres de terre nous touchent. Ces figurines transitionnelles révèlent pudiquement les horreurs d'une dictature sanguinaire dont même le blason déclare l'inhumanité.

FA_L'Image Manquante de Rithy Panh from Les Acacias Distribution on Vimeo.


Ce que je vous donne aujourd’hui n’est pas une image ou la quête d’une seule image, mais l’image d’une quête : celle que permet le cinéma. Certaines images doivent manquer toujours, toujours être remplacées par d’autres. Dans ce mouvement il y a la vie, le combat, la peine et la beauté, la tristesse des visages perdus, la compréhension de ce qui fut. Parfois la noblesse, et même le courage : mais l’oubli, jamais.

Rithy Panh
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