2022

21 leçons pour le XXIe siècle

Harari Yuval Noah, 21 leçons pour le XXIe siècle. Albin MIchel, 2018. Livre de poche

La manière dont Harari considère les défis de notre temps est souvent déconcertante. Par son habileté à la vulgarisation il réussit à rendre ces enjeux concrets. Il ne craint pas d'insister sur la complexité du monde, alors que les idéologies s'efforcent de nous le vendre comme simple pour autant que nous adhérions à leur vue.

Dans les premières années du XXIe siècle, les gens espéraient que le processus égalitaire se poursuivrait, voire s'accélérerait. En particulier, ils espéraient que la mondialisation propagerait la prospérité économique à travers le monde et que, de ce fait, l'Inde et l'Égypte finiraient par jouir des mêmes opportunités et privilèges que les habitants de la Finlande et du Canada.Toute une génération a grandi avec cette promesse.
Il semble aujourd'hui que cette promesse ne pouvait être tenue. La mondialisation a certainement profité à de larges segments de l'humanité, mais on observe des signes d'inégalité croissante entre sociétés et en leur sein.

p. 138

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Herzl : une histoire européenne

de Toledo Camille et Alexander Pavlenko. Herzl : une histoire européenne. Denoël Graphic, 2018.

Qu'est-ce qui est le plus noble ? Renier ses origines, se fondre dans les nations, se convertir, oublier notre passé, ou au contraire œuvrer à éduquer ceux que des siècles de ghettos ont avilis ? Wilhelm Jensen a raison. Les portes du ghetto se sont ouvertes, mais il en reste une, invisible, qui se referme sur nous.

p. 226

En 1930, Albert Londres publie une enquête sur l'établissement des Juifs en Palestine. Il situe le cœur de la problématique dans l'espace entre les zones germaniques et russes. Si le journaliste anticipe la furie qui décimera les populations israélites c'est que, depuis 50 ans déjà, elles sont mises à rude épreuve subissant pogroms et autres infamies. L'auteur distingue clairement la position sociale des Juifs en France ou au Royaume-Uni et ceux des territoires de l'ancienne zone de résidence dans laquelle Catherine II de Russie les autorisa à s'établir.
Le roman graphique de Camille de Toledo et d'Alexander Pavlenko introduit habilement ce contexte historique pour justifier le rayonnement de celui dont Londres dit que “trois mille deux cent quarante-sept années après Moïse, il a succédé à Moïse”, Theodor Herzl.

Toledo Herzl

Le jeu de la misère et de de l'exil – p. 32

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Nickel Boys

Whitehead Colson. Nickel Boys. Le livre de poche. Albin Michel, 2020.

Le roman de Colson Whitehead est inspiré de faits qui se sont déroulés dans l'une des plus importantes maisons de correction des États-Unis, la Florida Industrial School for Boys, connue aussi sous son dernier nom de Arthur G. Dozier School for Boys. Les violences et les sévices qui ont pu s'y dérouler, pendant des décennies, disent davantage une époque où la contrainte, le redressement, était considéré comme un mode éducatif opérant. Le fonctionnement de cet établissement était également révélateur d'un racisme systémique.
Comme dans Underground Railroad, son précédent roman, Colson Whitehead utilise la diversité de ses personnages pour décrire une réalité multiple et sa perception différente selon le lieu d’où on l’observe. Cette agilité rend son récit captivant malgré la brutalité des faits.

En 1949, année de publication de la brochure, l'école fut rebaptisée en l'honneur de Trevor Nickel, un réformateur qui en avait assuré la direction quelques années plus tôt. Les garçons disaient que ce nom de «Nickel» était en fait une référence à à la pièce de monnaie, parce que leurs vies ne valaient même pas cinq cents, mais ce n'était qu'une légende. Parfois, quand vous passiez devant le portrait de Trevor Nickel dans le couloir, il fronçait les sourcils avec l'air de lire dans vos pensées. Ou plutôt, avec l'air de savoir que vous lisiez dans les siennes.

p. 98-99

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