Les accomodements raisonnables

Fonder l’avenir, le temps de la conciliation, Gérard Bouchard et Charles Taylor (2008) Gouvernement du Québec


Immigrants allemands et finlandais au Québec, 1911 Source : Bibliothèque et Archives Canada, PA-010261 www65.statcan.gc.ca

Au début des années 1970, la Province du Québec met en place une politique favorisant l’intégration des immigrants. Son application au fil des jours, son évolution au gré de nouveaux courants migratoires, provoquent débat et discussion. Cet acte volontariste crée des remous et, de mars 2006 à juin 2007, de nombreux incidents liés à des différences de valeurs ont un énorme retentissement médiatique. Suite à ces événements une Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement est nommée et livre un rapport, courant 2008, qui incite à rechercher des équilibres et des compromis valorisant l’action citoyenne et la responsabilisation des acteurs individuels et collectifs.
L’analyse de la situation est particulière au contexte d’une population de Québecois canadiens-français en situation minoritaire et d’une société laïcisée, spécifique à cette Province. Les valeurs défendues et les solutions proposées par la Commission sont donc liées à cet environnement. Lorsqu’il a lieu en Suisse romande, le débat sur ces questions est parfois faussé par les références à la République française.
La résolution des conflits liés à l’’intégration repose sur deux volets, l’un judiciaire (
les accommodements raisonnables) dans laquelle les tribunaux imposent leurs décisions et l’autre favorisant la recherche du compromis et la négociation, l’ajustement concerté. Dans le but de renforcer les valeurs qui fondent la société canadienne (échange, négociation, réciprocité) les auteurs privilégient cette deuxième voie, moins formelle.
Père Noël dans une famille afro canadienne - Archives

Le père Noël visite le Centre communautaire pour Noirs - 1957 Source : Bibliothèque et Archives Canada, WRM 4464


J’ai été particulièrement sensible à la réflexion sur les valeurs de l’État, qui permet une réflexion sur l’identité. En prenant l’exemple de la laïcité, les rapporteurs montrent les valeurs qui différencient les Québécois des Français. Ainsi ils défendent une laïcité ouverte qui respecte la neutralité de l’État entre religion et non-religion. Cette compréhension de la laïcité évite la mise en veilleuse des identités.
Les auteurs proposent des priorités dans le cas de demande d’ajustement, tout en attirant l’attention sur la nécessité de traiter les cas individuellement :
  • égalité hommes-femmes – valeur fondamentale de la société québécoise
  • mixité est une valeur importante (répartition des élèves, cours de natation…)
  • pas de crucifix dans la salle de l’Assemblée nationale, pas de prière dans les Conseils municipaux – séparation de l’Église et de l’État
  • permission du port du foulard en classe, mais refus d’accorder une dispense au cours de natation
  • acceptation des congés pour motifs religieux, mais refus des dispenses pour cours obligatoires
Je trouve que la constante référence aux valeurs de l’État pour prendre une position garantit à la société de garder la cohésion nécessaire à sa survie. C’est d’ailleurs le sens que je trouve à ce passage du discours d’ouverture d’Obama : « En ce qui concerne notre défense à tous, nous rejettons l'idée qu'il faille faire un choix entre notre sécurité et nos idéaux. Nos Pères fondateurs, face à des périls que nous ne pouvons que difficilement imaginer, ont mis au point une charte pour assurer la prééminence de la loi et les droits de l'Homme, une charte prolongée par le sang de générations. Ces idéaux éclairent toujours le monde, et nous ne les abandonnerons pas par commodité. »

Le rapport de la Commission Bouchard-Taylor [lien consulté le 6 février 2009]