La tête haute

La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2015), avec Catherine Deneuve, Rod Paradot, Benoît Magimel, Sara Forestier. 1h59.

Encore un film qui montre le monde tel qu'il est… même si nous aimerions occulter cette réalité. Emmanuelle Bercot fait remonter l'origine de cette production au lien créé dans un trio réel constitué d'un jeune délinquant, de son éducateur, l’oncle de la réalisatrice, et d'une juge des mineurs. La force de ce film est d’“ancrer le récit dans un parti-pris radical, en nous concentrant sur le processus éducatif, en sortant le moins possible des structures éducatives qui jalonnent le parcours d’un mineur délinquant.”
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Cette volonté de Marcia Romano, coscénariste avec Emmanuelle Bercot, permet de se focaliser sur l’objectivation de la justice, plutôt que sur les gestes d’un adolescent du genre tête à claques. Pour être crédibles, les deux femmes ont suivi de près le travail institutionnel. Le rendu correspond à l’image que la justice se fait de son action puisque c’est sur le site du Garde des Sceaux que l’on trouve le dossier de presse…
La réalisatrice a choisi avec beaucoup de soin l'interprète de Malony. Il était essentiel pour elle d'éviter un acteur issu de l'immigration qui aurait contribué à renforcer les stéréotypes d’une délinquance «importée». Emmanuelle Bercot ne s'en affranchit pourtant pas : les pensionnaires des centres éducatifs sont caricaturaux et si superficiels qu'ils peinent à nous émouvoir.

Le plus difficile a été d’amener Rod [Paradot] vers la violence de Malony, car, dans la vie, c’est plutôt quelqu’un de doux, de calme, de poli, d’aimable, de séducteur...

Emmanuelle Bercot

Malgré une construction soigneusement organisée, le film me touche. Il pointe un aspect de l'exclusion sociale sur lequel le politique n’a que peu de prise. Par sa méconnaissance des codes sociaux, Séverine, la mère, impacte durablement la vie de Malony. La scène préliminaire, lorsque déjà à 6 ans l’enfant se trouve face à la juge, expose cette problématique. Il observe sagement sa mère crier combien c'est un enfant agité et insupportable.
Quelles mesures les institutions peuvent-elles prendre pour pallier à une telle situation conflictuelle et délétère ? Au cours du film, Malony montre, par diverses facettes, son insatiable besoin d’être aimé. Saura-t-il prodiguer l’amour qu’il a peu reçu, se responsabiliser ?
Le titre joue sur une ambiguïté : Tête haute de Malony par sa fierté de défier les limites ou Tête haute de la juge qui a conscience de tout avoir fait pour cet adolescent ?
Magistralement interprétée par Catherine Deneuve, la juge est la garante d’une intervention constructive et proportionnée pour ramener les mineurs dans les clous. Cette posture de l’actrice paraît à l’opposé de son adhésion au collectif de femmes qui en réaction au mouvement #metoo revendique le droit d’être importunées. Les abus sont trop souvent à l’origine de ruptures dans la transmission de l’amour parental.

Dossier de presse sur le site du Ministère de la Justice
Norbert Creutz pour Le Temps
Antoine Duplan pour Le Temps
La Tête haute – ciné-feuilles
Le film sur le site du Festival de Cannes
Internet Movie Database